2.4. Existence de différents taux d'épargne
selon le type de revenu
L'idée selon laquelle l'on épargne
différemment selon le type de revenu - revenus du capital ou revenu du
travail - est apparue dans les années 1950 suite aux travaux des
économistes post-keynésiens, dans le cadre plus large d'une
réflexion macroéconomique sur le lien entre croissance et
répartition du revenu national. Kaldor (1957) et Pasinetti (1962) ont
défendu l'idée selon laquelle la propension à
épargner des capitalistes était plus importante que celle des
salariés. Plus récemment, la littérature sur la croissance
endogène a fourni un cadre propice à un réexamen de ces
théories.
Kaldor (1957) part de l'idée que la flexibilité
de la propension à épargner permet de parvenir à la
croissance équilibrée de plein emploi. Il met en évidence
deux groupes d'agents dans l'économie, se partageant le revenu national
et n'ayant pas les mêmes comportements. D'un côté, les
capitalistes, propriétaires du capital, sont
rémunérés grâce aux profits (P) qu'ils
réalisent. De l'autre côté, les travailleurs touchent des
salaires (W) contre la mise à disposition de leur force de travail au
service des capitalistes. La propension moyenne à épargner n'est
plus une donnée exogène, mais une variable endogène du
modèle. L'épargne de la collectivité (S) est la somme des
épargnes des deux classes sociales Sw et Sp. La fonction
d'épargne s'écrit :
S = Sw + Sp ? S = W + P
W et P représentent respectivement la masse salariale et
la masse des profits, et étant
respectivement la propension moyenne à épargner
des salariés et la propension moyenne à épargner des
capitalistes. Kaldor retient l'hypothèse centrale selon laquelle le taux
d'épargne
sur les salaires n'est pas le même que sur les profits :
0 = = = 1
Comme le revenu national s'écrit Y = W + P, et que
l'épargne est égale à l'investissement (S = I),
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Or avec le taux de croissance du capital, et avec r le
taux de profit.
Par conséquent, si on fait l'hypothèse d'un taux
d'épargne nul des travailleurs, il vient : ? r = ?
Le taux de profit est donc d'autant plus élevé que
la propension à épargner des capitalistes est plus faible.
? La critique de Pasinetti
Pasinetti (1962) s'interroge sur la répartition
fonctionnelle de Kaldor, et décèle quelques insuffisances.
Pasinetti (1962 : 137) notait, d'abord, que, pour que le raisonnement de Kaldor
soit acceptable, il était nécessaire de supposer que la
propension moyenne à épargner des salariés soit
inférieure au taux d'investissement car, s'il en allait autrement, la
part des profits dans le revenu serait nulle ou négative.
De même, le taux d'épargne des capitalistes
devait être supérieur au taux d'investissement, sinon la part des
salaires serait nulle ou négative. Il posait ainsi la question des
conditions de l'existence d'un équilibre dans ce modèle. Il crut,
d'autre part, percevoir une faille logique dans le raisonnement de Kaldor. Il
lui reprocha d'avoir négligé « le fait important que, dans
tout type de société, lorsqu'un individu épargne une
partie de son revenu, il faut aussi lui permettre de se l'approprier ;
autrement, il n'épargnerait pas du tout.
Cela signifie que le stock de capital qui existe dans le
système est la propriété de ceux (capitalistes et
travailleurs) qui ont réalisé dans le passé
l'épargne correspondante. Et puisque la propriété du
capital assure à son détenteur l'obtention d'un
intérêt, les travailleurs, dès lors qu'ils ont
épargné -- et ont ainsi acquis la propriété d'une
partie du stock de capital (directement ou par des prêts aux
capitalistes) --, recevront également une partie des profits totaux
».
Par conséquent, les salariés peuvent eux aussi
bénéficier d'une part des profits du capital et il est important
de distinguer entre les profits qui vont aux capitalistes et les profits qui
vont aux salariés. Toutefois, les conclusions de Pasinetti restent
identiques à celle de Kaldor : les taux d'épargne des
travailleurs demeurent inférieurs au taux d'épargne des
capitalistes.
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
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