2.2.3. Extension du modèle de cycle de vie en
incertain et émergence d'une épargne de précaution
Répondant à un motif de précaution
à moyen et long terme, une épargne supplémentaire permet
alors de pallier les aléas de revenu (chômage, perte de
salaire,...) et de se prémunir contre une durée de vie
incertaine. Par ailleurs, les contraintes sur le marché du
crédit, qui empêchent d'emprunter sur les revenus futurs,
limiteront les possibilités de choix de l'agent : s'il anticipe des
revenus d'activité fortement croissants, ces contraintes se traduiront
par une consommation aux âges jeunes plus faible qu'il ne le souhaite.
Le modèle de buffer stock (épargne tampon) qui
est une formalisation du comportement d'épargne de précaution, en
présence ou non de contraintes de liquidité, a été
proposée par Deaton (1991), et Carroll (1997). Ces auteurs
considèrent un modèle de d'"épargne tampon"
(buffer-stock), pour lequel le profil en cloche de l'épargne,
caractéristique du modèle de cycle de vie, accumulée
surtout en vue de la retraite, s'efface, en raison de l'impatience du
consommateur, au profit d'un comportement d'accumulation original. Une
épargne plutôt liquide, ou fonds de contingence, joue alors le
rôle de "tampon" (buffer) contre les fluctuations de moyen terme portant
sur le revenu d'activité.
Le motif de précaution peut conduire à des taux
d'épargne différenciés par âge : accumulation
initiale aux jeunes âges, destinée à constituer le capital
qui servira de tampon face aux fluctuations ultérieures du revenu, puis
ajustement de ce tampon avec l'âge en fonction de l'évolution des
risques pesant sur les ressources de l'individu ou du ménage. Cette
réserve de précaution est constituée par un consommateur
impatient réagissant aux fluctuations du revenu courant qui
amèneraient à connaître des situations contraignantes dans
le futur (contraintes d'endettement pour Deaton (1991), chômage pour
Carroll (1997)).
2.2.4. Place de l'incertitude dans le comportement
d'épargne
Les économistes se sont longtemps penchés sur le
rôle de l'incertitude dans le comportement économique, mais les
tentatives pour quantifier son impact sont très peu nombreuses.
L'incertitude prend forme en supposant que les individus font des jugements sur
le futur sur la
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
base du comportement passé des quantités en
question. Cependant, pour des raisons de commodité, il serait plus
édifiant de séparer les mesures directes de l'incertitude qui
sont à la fois révélatrices et fonctionnelles. Suivant
Juster et Watchtel (1972a) et Juster (1973), notre approche prend en compte
deux types d'incertitude qui sont susceptibles d'affecter le comportement
d'épargne.
Le premier type est le genre conventionnel d'incertitude
liée au revenu. Si les consommateurs estiment que le revenu
monétaire va chuter, leur réaction serait d'accumuler du cash par
le biais d'une augmentation de l'épargne. Et si effectivement le revenu
monétaire baisse, les coûts fixes des biens et services des
dépenses de consommation pourraient entraîner une diminution
effective de l'épargne. La représentation empirique de ces effets
peut se faire en utilisant le taux de chômage pour mesurer le revenu
monétaire qui est élevé ou faible par rapport au
passé récent, et utiliser l'évolution du taux de
chômage comme une mesure des changements dans le degré auquel les
consommateurs rattachent l'incertitude au revenu monétaire futur. Ainsi,
le chômage devrait avoir un impact négatif sur l'épargne
courante, puisqu'il représente un effet négatif du revenu
transitoire, quoique le changement dans le taux de chômage pourrait avoir
un impact positif sur l'épargne.
La seconde dimension, la moins conventionnelle et peut
être la plus importante, de l'incertitude s'articule autour des effets de
l'inflation sur l'épargne. Dans un article, Wachtel (1974) propose une
classification intéressante de l'inflation des prix sur l'épargne
: un effet d'illusion monétaire, un effet de substitution
intertemporelle et un effet d'incertitude.
Les deux premiers effets sont traditionnellement sujets aux
analyses, et seront d'ailleurs traités dans la section suivante.
Intéressons nous présentement au troisième effet qui
paraît relativement récent. Il est basé sur l'idée
que l'accroissement grandissant du pessimisme à propos du futur
entraîne des taux d'épargne plus élevés. Comme
élaboré par Juster (1973), l'élément clé est
la rigidité de la baisse du taux de salaire. Dans un monde où les
taux d'inflation de salaire ne peuvent baisser, un taux d'inflation de prix nul
implique que les changements dans les taux de salaires réels ne peuvent
pas être négatifs. Par conséquent l'incertitude sur le
changement dans le revenu réel et l'épargne est limitée
à l'incertitude sur comment une augmentation substantielle des salaires
peuvent se produire prochainement. Cependant, lorsque les prix augmentent, le
revenu réel peut baisser si les salaires monétaires n'augmentent
pas aussi rapidement.
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l'UEMOA
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