0.4. PROBLEMATIQUE
A la Conférence Internationale sur les Soins de
Santé Primaires tenue à Alma Ata en 1978, il a été
déclaré que les gouvernements ont vis-à-vis de la
santé des populations une responsabilité dont ils ne peuvent
s'acquitter qu'en assurant des prestations sanitaires et sociales
adéquates. L'un des principaux objectifs sociaux que s'étaient
fixés les Gouvernements, les Organisations Internationales et la
Communauté Internationale toute entière au cours des
dernières décennies était de donner à tous les
peuples du monde, jusqu'à l'an 2000, un niveau de santé qui leur
permettrait de mener une vie socialement et économiquement productive
(Manifeste d'Alma Ata, URSS, 6-12 septembre 1978).
Les deux décennies qui se sont écoulées
depuis la déclaration d'Alma Ata n'ont pas connu de progression rapide
et régulière vers l'idéal que l'on s'était
fixé, à savoir des soins de santé de base accessibles pour
tous. La situation mondiale est très hétérogène :
de nombreux pays démantèlent en effet leurs mécanismes de
protection sociale au lieu de les éteindre (OAKEY P., 2003).
Les inégalités d'accès aux soins sont
alarmantes. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 100
millions de personnes par an sombrent dans la pauvreté à cause du
coût de leurs frais médicaux. Pour 150 millions d'autres, les
dépenses médicales représentent près de la
moitié de leur revenu. Beaucoup de pays ne connaissent pas de
système de protection sociale, d'assurance maladie abordable ou services
de santé publics (OMS, 2008).
Le rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
sur la santé dans le monde en 2008 met en avant le fossé existant
entre riches et pauvres en matière de santé, d'accès aux
soins et de résultats sanitaires. La façon dont les soins de
santé sont organisés, financés et dispensés dans
les pays riches et les pays pauvres est très critiquée par le
rapport de l'OMS, qui pointe les inégalités et
l'inefficacité des soin. L'accès équitable aux soins
semble avoir été oublié par de nombreux systèmes de
santé : les conditions «d'accès inéquitable, de
coûts qui appauvrissent et d'érosion de la confiance dans les
soins de santé constituent une menace pour la stabilité sociale"
note le rapport OMS, inégalités criantes entre riches et pauvres
en matière de santé.
Selon l'enquête EMMUS III menée à
l'Haïti, 41 % des personnes sérieusement blessées ou malades
n'ont pu être amenées à des institutions de soins en raison
du coût très élevé. 40 % des malades ont par
ailleurs déclaré que le choix de la structure de santé
avait été déterminé par le coût des soins
(FMI, Haiti, 2008).
La Chine gagne jour après jour des parts de
marché dans le monde, mais à l'inverse, les populations chinoises
des campagnes sont de moins en moins en bonne santé. Selon
l'Organisation Mondiale de la Santé, l'accès aux soins est en
recul dans les campagnes chinoise, alors que la Chine s'est engagée
à fournir des soins médicaux de base d'ici 2020 pour toute la
population (PIERRE M, 2007).
Les obstacles imputables au manque de connaissances, à
la distance à couvrir pour se procurer les services ou aux perceptions
des services par les pauvres ont pu être surmontés dans certains
pays en amenant les services directement à ceux qui en ont besoin. Au
Bangladesh, les assistantes sociales locales apportent depuis près de
trente ans des informations sur la planification familiale et des fournitures
aux femmes pauvres des zones rurales directement dans leurs foyers. Ce qui a
fait passer l'utilisation des méthodes modernes de contraception de 5 %
en 1975 à 43 % en 2000. Cette augmentation a été
relativement constante, quels que soient les domiciles et les niveaux
d'éducation (Lori S. Ashford et al., Population
Référence Bureau et Banque Mondiale, 2007).
Les améliorations de la qualité des soins
fournis, notamment l'amélioration du comportement du personnel, la
réduction des délais d'attente et l'augmentation de la
confidentialité devraient, en outre, permettre de renforcer la mise en
application des services et d'améliorer la sensibilité des
systèmes de santé aux besoins des clients pauvres. En
Indonésie, une intervention dite du « patient astucieux » a
assuré l'éducation des clientes des services de planification
familiale quant à leur droit d'obtenir des informations, de poser des
questions, d'exprimer leurs préoccupations et de demander des
éclaircissements. Cette formation a renforcé l'assurance des
femmes lors des discussions des questions
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de planification familiale avec le personnel médical et
amélioré les interactions entre clientes et prestataires de
services (Lori S. Ashford et al., Population Référence Bureau
et Banque Mondiale, 2007).
Plus de 60 % des ménages africains vivent en dessous du
seuil de pauvreté, et plus de 60 % des populations africaines vivent
dans des communautés rurales ou périurbaines confrontées
à l'insuffisance des infrastructures sociales, à la
détérioration des services de santé et aux maladies non
transmissibles (Unicef, Banque mondiale et OMS, déclaration
d'Addis-Abeba, du 20 au 22 novembre 2006).
Au Niger par exemple, l'accès au système de
santé est très limité et marqué par des profondes
inégalités (géographiques, structurelles,
financières et culturelles). Le taux de fréquentation des
services de santé disponibles s'est largement dégradé
depuis le milieu des années 90 et l'instauration du paiement direct par
les usagers. La qualité des soins et l'accès payant aux services
de santé sont identifiés comme les principaux obstacles pouvant
expliquer ces difficultés d'accès aux structures sanitaires
(CNESS-Bozari, Niger, 2003).
Au Burundi, l'accessibilité financière des
populations aux soins de santé est un grand défi pour le
système de santé. Selon l'enquête menée en 2004 par
MSF, plus de 17% de la population ne se rend pas à une simple
consultation, principalement pour des raisons financières (82% de ces
malades ne consultent pas par manque d'argent). Pour payer la consultation et
se soigner, la majeure partie des Burundais est contrainte de recourir à
des moyens extrêmes, tel l'endettement ou la vente d'un bien, les
poussant dans une pauvreté encore plus grande. Dans les régions
concernées par le système de recouvrement des coûts, 81.5%
des patients sont en effet obligés de s'endetter ou de vendre leurs
récoltes, leurs terres, ou leurs bétails, pour payer les soins de
santé (MinisantéBurundi, Cadre Stratégique de
Croissance et de Lutte contre la Pauvreté, septembre, 2004).
En RDC, comme un peu presque dans tous les pays en
développement, malgré les efforts fournis pour l'implantation des
Soins de Santé Primaires au cours de 30 dernières années,
l'accessibilité et l'utilisation des services par la population
demeurent très faible pour l'ensemble d'interventions du Paquet Minimum
dans l'aire de santé (PNUD, 2010).
Le taux d'accès aux soins de santé oscille entre
40 et 50%, d'après une enquête démographique et de
santé menée par l'Organisation mondiale de la santé en
2007 et actualisée en 2009. En clair, plus de 30 millions des Congolais
n'accèdent pas à des soins de santé de qualité. A
côté de ces chiffres, il faut ajouter le délabrement des
infrastructures sanitaires, construites pour la plupart à
l'époque coloniale et peu après l'accession de la RDC à
l'indépendance (OMS, CTB, 2007).
Selon une étude réalisée par l'Ecole de
Santé Publique de l'Université de Kinshasa en 2003, parmi les
membres de familles qui sont tombés malades, 30% sont allés dans
un Centre de Santé public ou confessionnel, 40% ont pratiqué
l'automédication, 21 % n'ont reçu aucun traitement et 9% ont
consulté un guérisseur traditionnel. Ceci correspond à
environ 70% des malades qui n'ont pas accès aux services de santé
modernes (Minisanté RDC, SRSS, juin 2006).
Les données tendancielles de certaines Zones de
Santé montrent que l'utilisation des services peut augmenter de
façon significative lorsque le tarif des consultations et le prix des
médicaments baissent (et que leur qualité augmente) grâce
à la mise en place de programmes d'aide extérieurs (Rapport
d'Etat Santé et Pauvreté en RDC, Banque Mondiale, 2005).
Bien conçu théoriquement, comme c'est le cas
dans tout le pays, le système de santé au Sud-Kivu connaît
quelques défis à savoir : la mise en oeuvre de la
stratégie de décentralisation, le fonctionnement du
système de financement du secteur de la santé, le renforcement
des ressources humaines qualifiées dans tous les coins, la
présence des certains partenaires sans protocole d'accord, le fait que
certains appuis ne sont pas valorisés, le retard dans le
décaissement des fonds, le non respect du timing dans les
approvisionnements en intrants et médicaments, la faible motivation du
personnel et le fonctionnement de certaines structures dans des bâtiments
à contrat de location et d'autres nécessitant la
réhabilitation, etc. Cet état de chose, associé à
d'autres facteurs négatifs tels que l'inaccessibilité
géographique, la désorganisation du système de
santé, le manque d'information et l'insuffisance des ressources
allouées au secteur de la santé, est à la base de la
faible utilisation des services de santé et
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de la détérioration de la situation sanitaire
qui se caractérise par des faibles accès aux soins de
santé par la population (Solidarité Santé Sud-Kivu
2006 et PASS Sud-Kivu 2009). Dans le rapport du Bureau Diocésain
des Oeuvres Médicales (BDOM) du 10 février 2011 de Bukavu et
Kinshasa, le taux d'utilisation du curatif dans leurs formations sanitaires est
respectivement de 49% et 24% pour l'année 2010.
Dans la ZS d'Uvira, comme toutes les ZS de la Province du
Sud-Kivu, malgré les multiples efforts consentis par les responsables
pour l'amélioration de l'accès aux soins de santé, on
observe ce dernier temps des baisses des indicateurs de santé suite
à des nombreux facteurs négatifs, où le taux d'utilisation
des services curatif est estimé à seulement 45,2% en 2011.
Au vu de ce qui précède, nous nous posons la
question de savoir quels seraient les principaux déterminants de
l'utilisation des services de santé dans la ZS d'Uvira, une des ZS du
système de santé du Sud-Kivu. Telle est la question à
laquelle nous tenterons de répondre dans cette étude.
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