O.5. CADRE THEORIQUE
Les barrières financières sont l'une des
principales causes de la faible utilisation des services pour les pauvres. La
faible couverture des services, l'insuffisance des moyens d'intervention et de
la qualité des soins ont entraîné une réduction de
l'utilisation globale des services, mais les pauvres sont les plus
affectés en raison des obstacles financiers liés au manque de
financements publics pour le système. Contrairement au constat
dressé pour les résultats de santé (mortalité et
malnutrition), l'influence du statut socioéconomique sur l'utilisation
des services est évident entre toutes les couches
socio-économiques, indiquant que la demande est fortement sujette au
revenu des ménages et/ou le prix des soins (Rapport d'Etat
Santé et Pauvreté en RDC, Banque Mondiale, 2005).
Les inégalités dans le domaine de la
santé existent non seulement en fonction de la richesse mais aussi
d'autres mesures socioéconomiques telles que le sexe, l'origine raciale,
l'origine ethnique, la langue, le niveau d'éducation, la profession et
le domicile. Par exemple, dans certaines régions de l'Inde et de la
Chine, les bébés de sexe féminin ont plus de risques de
mourir que ceux de sexe masculin en raison des préférences
culturelles qui favorisent les petits garçons et placent les fillettes
en situation défavorisée en matière de nutrition et de
soins de santé au début de leur existence. Nombre d'initiatives
ayant pour objet d'améliorer cette situation tentent de résoudre
ces problèmes et d'autres difficultés d'ordre social (Lori S.
Ashford et al., 2007).
En RDC au cours de la dernière décennie les
salaires n'ont pas été versés de manière
adéquate et continue avec pour conséquence l'inclusion de la
rémunération du personnel de santé dans les tarifs des
soins et le prix de revente des médicaments. Même si ces paiements
ont permis de maintenir à un niveau minimal le système de
santé, il semble que seule une amélioration du financement public
(sur ressources internes et externes), couvrant au moins le salaire du
personnel de santé, peut permettre d'aboutir à une
amélioration de la qualité et une croissance des taux
d'utilisation des services de santé (Rapport d'Etat Santé et
Pauvreté en RDC, Banque Mondiale, 2005).
Le niveau d'instruction atteint est lié à
l'utilisation des soins de santé et signale l'état de
santé. La plupart des modèles statistiques des
déterminants de diverses composantes de la situation sanitaire
(mortalité des enfants, malnutrition, diarrhée et infections
respiratoires) montrent que les enfants dont les mères ont une
instruction, quel qu'en soit le niveau, courent moins de risques que les autres
même lorsque l'on contrôle pour les effets du statut
socio-économique. Ce constat concorde avec les conclusions notées
dans de nombreux autres pays, et il peut s'expliquer par le fait que les
mères qui ont un certain niveau d'éducation sont plus au courant
des pratiques préventives de santé et plus enclines à
consulter un prestataire de santé qualifié pour leur enfant
(Rapport d'Etat Santé et Pauvreté en RDC, Banque Mondiale,
2005).
Selon un rapport publié par le National Center for
Health Statistics, l'éducation d'un responsable adulte (chef de famille)
contribue à la fréquence et le type de soins de santé
utilisés. Les familles dont les chefs avaient effectué moins de
12 ans d'enseignement rapportaient juste de mauvais état de
santé, des taux plus élevés de jours d'incapacité
et de l'utilisation en milieu hospitalier. Il convient pour un Etat
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responsable d'assurer l'éducation de la population pour
faciliter les pratiques saines de santé par la
population (Paula Diehr, Université de Washington,
2009).
Les enjeux en matière d'accès aux soins sont de
différents ordres, ainsi que le rapporte l'OCDE, dans un rapport sur la
santé dans les pays en développement. On relèvera parmi
les principaux enjeux auxquels il les gouvernements doivent agir pour assurer
des soins de santé de qualité accessibles à toute la
population (OCDE, Santé et pauvreté dans les pays en
développement, 2004) :
? Promouvoir l'accès aux soins :
adaptation aux déterminants socioculturels de la population : comprendre
les croyances et représentations de la maladie des populations pour
adapter le discours des soignants ; comprendre et parler la(les) langue(s)
locale(s), amélioration de la qualité des soins fournis et
amélioration des conditions d'emploi, lutte contre les
inégalités entre hommes et femmes et développement du
partenariat public (ONG et entreprises).
? Améliorer et préserver l'accès
aux soins : instauration d'un système de santé publique
axé sur les plus pauvres : le secteur public doit s'acquitter au mieux
de ses fonctions fondamentales de formulation des politiques,
d'élaboration des réglementations et de prestation de services de
santé, développement de structures sanitaires de proximité
comme réponses aux populations isolées dans les campagnes et
à la surpopulation urbaine, mise en place de mécanismes
équitables et durables de financement de la santé,
définition et réglementation des prix abordables pour les
traitements (soins et médicaments) jugés préalablement
essentiels, mise en place d'un service fiable d'approvisionnement des
médicaments.
Cependant, ainsi que le note l'OCDE, « faire en sorte que
les pauvres aient accès à des services de santé de
qualité à un prix abordable ne suffit pas, en soi, à
améliorer leur état de santé car celui-ci dépend
essentiellement de facteurs extérieurs au secteur de la santé. Il
est donc primordial, pour commencer, de mettre en oeuvre des politiques
efficaces de croissance économique. Si leurs revenus ne progressent pas,
les pauvres ne seront pas en mesure de payer les soins dispensés par les
services de santé. Et si leurs recettes n'augmentent pas, les
gouvernements ne pourront accroître les financements alloués
à la santé » (OCDE, 2004).
Lori S. Ashford et al. ont développé certains
programmes permettant d'assurer l'accès aux soins de santé
à la population. Ils soulignent que les obstacles auxquels sont
confrontés les pauvres ne sont pas insurmontables. Divers programmes
permettent d'y faire face de différentes manières : par une
amélioration de l'éducation et de la promotion de la
santé, un meilleur ciblage des services, une l'amélioration de la
qualité des soins, par des incitations pour les prestataires de
santé et par des mécanismes de financement qui mettent les soins
à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin. Une série
d'interventions bien pensées permet de réduire les
inégalités dans le secteur de la santé et des soins
médicaux. Par ailleurs, les chercheurs reconnaissent qu'il existe des
réponses efficaces aux disparités dans le domaine de la
santé en dehors de ce secteur même. Elles se trouvent notamment
dans les secteurs de l'éducation, des finances, de l'environnement, de
l'agriculture et de l'emploi (Lori S. Ashford et al.,
2007).
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