0.3. ETAT DE LA QUESTION
Dans de nombreuses régions du monde, les populations
vivent une contradiction fondamentale : d'un côté on trouve la
croissance économique, le développement des équipements
médicaux et le progrès des connaissances liées aux
maladies et aux soins. De l'autre, aucune amélioration de l'accès
à la santé n'est visible. Les inégalités ont
même tendance à s'aggraver. Au cours de la dernière
décennie, la mondialisation a réduit le monde en un village. Nos
habitudes de vie, nos consommations, le développement des
marchés, notre modèle de société ont des
conséquences sur la santé, sur l'accès aux soins, sur la
protection sociale dans notre milieu, aussi bien qu'ailleurs dans le monde. Nos
destins sont devenus interdépendants. Ces changements sont autant de
défis et nous obligent, en tant que mutualités, à adapter
notre stratégie en vue d'atteindre un accès à la
santé pour tous (La mutualité : missions, accès aux soins
de sante dans le monde entier, 2006).
En France, malgré les effets significatifs de la
couverture maladie universelle des difficultés persistantes des
ménages pauvres en matière de santé, les
inégalités sociales de santé demeurent fortes. Les raisons
se trouvent à la fois dans les conditions de vie des personnes, dans
l'accès et le recours aux soins. Les personnes les plus
vulnérables cumulent les difficultés par une exposition aux
risques supérieure et un accès difficile à l'information
et aux soins (Rapport de l'Observatoire National de la Pauvreté et de
l'Exclusion Sociale en Europe, 2005-2006).
L'obligation de payer pour accéder aux soins de
santé a eu et continue d'avoir des conséquences négatives
importantes sur l'état sanitaire et le niveau de vie des populations, en
particulier dans les pays à faible revenu. De nombreuses études
menées tout au long des années 90 ont mis en exergue la chute des
taux de fréquentation des structures de santé suite à
l'instauration des « user fees ». Au Kenya par exemple, la mise en
place des mesures de tarification aux usagers en 1989 a entraîné
en moyenne une diminution des consultations de 45 % dans les hôpitaux de
district et de 33 % dans les centres de santé (Save the Children
2005).
De même, une recherche menée au Burkina Faso dans
le district sanitaire de Kongoussi, a mis en évidence une baisse de 15 %
de la fréquentation des centres suite à l'introduction de la
tarification aux
usagers (J. E. GIRARD et V. RIDDE, 2000).
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Au-delà des effets directs sur la santé des
populations, l'accès payant aux soins constitue un facteur
d'appauvrissement très important pour de nombreux foyers. Devant une
épisode catastrophique de maladie, les malades et leurs familles sont
bien souvent contraints de procéder à des choix très
douloureux tel que l'arrêt de la scolarisation des enfants, la vente de
tout ou partie de leurs biens ou encore l'endettement auprès des autres
membres de la communauté. Parfois, renoncer aux soins devient la seule
option possible, faute de moyens pour faire face au coût de prise en
charge de la maladie (OMS, 2005).
L'expérience dans les pays d'Afrique sub-saharienne a
montré que le système de recouvrement des coûts permettait
de couvrir entre 5 et 10% du coût total des soins de santé
primaire et pourrait parvenir à couvrir le coût des
médicaments (Poletti T, 2003).
La Constitution de l'OMS, établie en 1948,
précise qu' « Une opinion publique éclairée et une
coopération active de la part du public sont d'une importance capitale
pour l'amélioration de la santé des populations ». Mais ce
n'est qu'au cours des années 60 et au début des années 70
que l'utilité pratique de la participation communautaire à des
projets sanitaires et de leur appropriation par la communauté ont
commencé à faire l'objet d'une attention de plus en plus
marquée. Les projets mis en oeuvre dans certaines régions du
Guatemala, du Niger et de la République-Unie de Tanzanie ont
apporté la preuve qu'une participation accrue de la communauté
pouvait se traduire par une amélioration de la santé des
populations. L'apport de la communauté à ces projets a
contribué à l'établissement des priorités
programmatiques et les agents de santé communautaires y ont pris une
part importante. La Charte d'Ottawa, signée en 1986 à l'occasion
de la Première Conférence internationale pour la promotion de la
santé, considère que le renforcement de l'action communautaire
constitue l'une des cinq priorités essentielles en vue d'une action
sanitaire fondée sur la prévention (Wembonyama O.l,
1996).
Il ressort des rapports des ONG que l'aide extérieure
peut effectivement faire augmenter l'utilisation des services de santé
et peut donc améliorer la qualité des services et réduire
les frais d'usager, ce qui devrait augmenter les taux d'utilisation. Par
exemple, d'après l'ONG COOPI, qui opérait dans deux Zones de
Santé dans le cadre d'un programme humanitaire dans la province de
l'Équateur, le taux de consultation est passé de 0,18 à la
mi-2000 à 0,65 à la fin de 2002. Le taux d'utilisation des
services de santé de 0,42 en 2001 pour le Nord-Kivu, était
quelque peu plus élevé que celui d'autres régions. Ce qui
s'explique peut-être par l'apport de l'aide extérieure à
l'époque (Rapport d'Etat Santé et Pauvreté en RDC,
Banque Mondiale, 2005).
Les nombreuses expériences des mutuelles de
santé, protégeant les ménages contre une potentielle
dépense catastrophique de santé, méritent d'être
explorées. Néanmoins, les mutuelles et toute autre forme
d'assurance à base communautaire ne peuvent pas en elles seules,
améliorer la situation générale en l'absence d'une
croissance de la dépense publique pour le secteur, mais forment une
potentielle stratégie pour réduire les risques et
améliorer l'équité au niveau des ménages.
Il existe de nombreuses études qui analysent les
résultats de santé et les rapportent aux disparités
d'accès aux soins, mais les inégalités qui sont
dénoncées sont principalement liées aux différences
d'offre de soins entre le milieu rural (offre faible) et le milieu urbain
(offre importante) et leurs impacts sur les distances à parcourir ainsi
que les barrières économiques. Ainsi, la ville, parce qu'elle
concentre le potentiel humain et les services sur de faibles distances
physiques, est souvent perçue comme le lieu où tout est
accessible. Mais dans le champ de la santé, proximité n'implique
pas systématiquement accessibilité (O'Campo et al., 1997;
Pearl et al., 2001 ; Roberts 1997).
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