3.3. RECOURS AUX SOINS DE SANTE
Les résultats de cette étude permettent de
constater que la moitié des ménages enquêtés a
déclaré que le dernier épisode maladie datait de moins de
trois mois ayant précédés l'enquête et 44,8% ont
précisé qu'elle se situe entre 3 et 6 mois. Ces résultats
sont proches de ceux trouvés par les enquêtes
réalisées par PU-AMI dans les ZS des Hauts Plateaux d'Uvira et
Kimbi-Lulenge en 2011, qui ont montré que 57% des ménages dans la
ZS des Hauts Plateaux et 53% de ceux de la ZS de Kimbi-Lulenge avaient
déclaré que le dernier épisode maladie datait de moins de
trois mois tandis que 35% des ménages de la ZS des Hauts Plateaux et 30%
de ceux de Kimbi-Lulenge avaient dit que le dernier épisode maladie se
situait entre 3 et 6 mois.
Par rapport à l'âge des malades, par les
résultats de notre enquête, nous avons trouvé que 68,3%
étaient des enfants de moins de 5 ans. Quant au sexe, 67,5% des malades
étaient de sexe féminin. Dans les zones urbaines comme dans les
régions rurales, le MICS2 de 2001 avait trouvé que par rapport
à la morbidité, les enfants de moins de 5ans sont les plus
touchés, et ceux de sexe féminin présentent une proportion
élevée par rapport au sexe masculin. Ces résultats ne sont
pas loin de ceux trouvés par PU-AMI dans une enquête
réalisée en 2011 dans la ZS de Kimbi-Lulenge, qui ont
montré que les enfants de moins de 5ans sont les plus concernés
par la maladie, et dont le sexe féminin a été le plus
touché.
En ce qui concerne la morbidité, le paludisme occupe
une place de choix avec 46,6% suivi de la diarrhée avec 21,5%. Selon une
enquête sur la Santé et Pauvreté en RDC effectuée en
2005, le paludisme est cité come la première cause de
mortalité des enfants de moins de cinq ans et est responsable d'une
proportion considérable des décès chez les enfants plus
âgés et les adultes. Les récentes enquêtes
rétrospectives de mortalité réalisées par IRC en
2004 ont révélé que, dans toutes les régions du
pays, la fièvre est associée à 40% des décès
d'enfant de moins de cinq ans. En estimant que 80% de ces cas de fièvre
seraient liés au paludisme, on estime à plus de 180000 le nombre
de décès annuels d'enfants de moins de cinq ans dus à
cette maladie. Les données indiquent également que la
fièvre est la cause de décès la plus rapportée
(environ 20%) chez les enfants plus âgés et les adultes. Selon le
rapport de la ZS d'Uvira de 2011, ces nombreux cas de diarrhée dans la
ZS d'Uvira s'expliqueraient par le fait que la diarrhée constitue une
pathologie endémo-épidémique dans cette partie.
Pour ce qui est du recours aux soins de santé, les
résultats ont montré que seulement 79,2% ont recouru aux soins de
santé pour le dernier épisode maladie et 20,8% n'ont reçu
aucun traitement. Parmi ceux qui ont recouru aux soins, 30,9 ont fait recours
à l'automédication, 30,3% ont utilisé le Centre de
Santé, 18,3% ont utilisé un hôpital ou un Centre
hospitalier et 18% ont contacté une structure privée. Ces
résultats montrent qu'une proportion élevée des
ménages n'a pas utilisé le service de santé pour le
dernier épisode maladie, car parmi ceux qui déclarent avoir
recouru aux soins, 30,9% ont pratiqué l'automédication. Ce qui
amène à 51,1% la proportion des ménages qui n'ont pas
utilisé en premier lieu les services de santé pour le dernier
épisode maladie. Ces résultats sont proches de ceux
trouvés dans nombreuses études réalisées à
travers le pays.
Dans les zones urbaines comme dans les régions rurales,
le MICS2 de 2001 a trouvé qu'entre 40 et 45% des enfants qui souffrent
d'une infection respiratoire ne reçoivent aucun traitement et, dans 25 %
des cas environ, les ménages s'adressent à des vendeurs de
médicaments ou à d'autres personnes. Dans un rapport d'Etat sur
la Santé et Pauvreté en RDC, Banque Mondiale, 2005, on note que
plusieurs petites études plus récentes montrent aussi que 50
à 60 % des malades ne vont pas consulter un
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prestataire de santé formel ; ils
préfèrent ne pas solliciter de traitement ou opter pour
l'automédication. De même, une étude faite au Nord-Kivu par
Soeters, en 2003 déterminait que 38% des cas de maladies pendant le mois
précédent avaient eu recours à des pharmacies
privées et des marchands de médicament. Cette étude
estimait aussi que la population la plus pauvre était celle avec la
probabilité la plus importante d'avoir recours à ce type de
traitement. Ces enquêtes indiquent qu'en cas de maladie, la proportion de
la population qui n'a pas de contact avec un agent de santé formel se
situe autour de 50%. En générale, il apparaît qu'au moins
deux tiers des patients ne recourent donc pas au système de santé
pour obtenir des soins.
Les résultats d'une étude réalisée
par MSF dans 5 provinces en 2003 ont montré que parmi les membres des
familles qui sont tombés malades pendant les 15 jours
précédents, 30 % sont allés dans un centre de soins public
ou confessionnel, 40 % ont pratiqué l'automédication, 9 % ont
consulté des guérisseurs traditionnels et 21 % n'ont reçu
aucun traitement. De même une étude réalisée au
Nord-Kivu par l'Ecole de Santé Publique (ESP) de l'Université de
Kinshasa en 2003, a montré qu'au total 33 % des sujets tombés
malades sont allés dans un CS public ou confessionnel, 38 % sont
allés dans une pharmacie privée ou chez un vendeur de
médicaments, 11 % ont consulté un prestataire de soins
privé à but lucratif, 2 % ont consulté un
guérisseur traditionnel et 15 % n'ont pas reçu de traitement.
Par les résultats de notre enquête, nous avons
constaté que 60% des ménages ont pratiqué
l'automédication pour des raisons financières et 19,3%
évoquent l'abordabilité du prix des médicaments dans les
pharmacies, alors que 18% avaient estimé que la maladie n'était
pas grave. 42% des ménages qui n'ont recouru à aucun traitement
ont dit que c'est par manque d'argent et 28% accusent le prix de la
consultation.
La barrière économique a pour conséquence
l'exclusion d'une grande partie de la population qui ne recherche pas les
soins. Les résultats d'une enquête effectuée par
PU-AMI dans la ZS de Kimbi-Lulenge, en 2007, ont montré que 35,6% des
ménages qui n'ont pas utilisé un service de santé ont
pratiqué l'automédication, dont 22,9% mettent en cause le prix
des soins de santé. Selon le Rapport d'Etat sur la Santé et
Pauvreté en RDC, Banque Mondiale, 2005, diverses études ont
montré que la proportion de malades qui ne recherche pas ou ne
reçoit pas les soins varie considérablement mais peut
s'élever à 50%. Par exemple, le MICS2 de 2001 montrait que 40%
des enfants présentant des symptômes d'infections respiratoires
aiguës n'avaient pas consulté. Dans toutes les études
où cela a été mesuré, les raisons
financières en sont la cause majeure, avec un pourcentage des cas exclus
par les barrières financières variant entre 7% et 30%. Les
résultats d'une étude effectuée par BERCI en RDC, en 2004,
montrent que parmi un échantillon de populations cibles de structures
sanitaires dans neuf provinces, 19% indiquaient que les femmes enceintes
n'accèdent pas aux soins prénatals en raison du coût
prohibitif de ceux-ci. Lors de l'enquête démographique et de
santé réalisée par le ministère du plan en RDC, en
2007, on a interrogé les femmes sur les problèmes importants
auxquels elles ont été confrontées quand elles ont eu
besoin de soins de santé, les résultats obtenus ont montré
que 76 % des femmes, obtenir l'argent pour se faire soigner a été
cité comme un problème important. Ce pourcentage varie selon le
bien-être économique, le niveau d'instruction et le milieu de
résidence. On constate en effet que parmi les femmes du quintile le plus
pauvre, 88 % ont cité ce problème pour accéder aux soins
contre 54 % parmi celles du quintile le plus riche.
Dans le cadre d'une enquête de population menée
par Médecin du Monde France en 2006 au Niger, dans le district de Keita,
45 % des personnes interrogées ont affirmé ne pas avoir
accès aux soins par manque de liquidités. De même selon une
enquête menée en 2004 par MSF au Burundi, plus de 17% de la
population ne se rendent pas à une simple consultation, principalement
pour des raisons financières (82% de ces malades ne consultent pas par
manque d'argent).
En ce qui concerne le coût, la moyenne du coût des
soins (consultation, médicaments et observation ou hospitalisation),
pour le dernier épisode maladie, est de 38850 (43,1$). Tandis que le
coût moyen pour le paludisme est de 45541FC (50,6$) ; celui
déclaré pour les personnes adultes (plus de 15ans) pour le
paludisme est de 17810 (à peu près 20$). Pour les enfants, il est
de 47925 (53,2$).
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En comparant ces résultats avec ceux
déclarés par les ménages sur le coût maximal qu'ils
jugeraient acceptable de payer pour un cas de paludisme, nous pouvons affirmer
que tous les ménages éprouvent des difficultés
financières à utiliser un service de santé si le
coût maximal pour un cas de paludisme dépasse 45000FC. Pour le
dernier épisode maladie dans le ménage, le coût moyen va
au-delà de 45000FC. Pour l'enfant le coût maximal moyen au-dessus
duquel les ménages rencontrent des difficultés financières
à utiliser le service de santé est de 9600FC (à peu
près 10,5$) et le coût moyen pour le dernier épisode
maladie pour le paludisme est estimé à 47925 (53,2$), pour
l'adulte il s'élève à 13100FC (à peu près
15$) alors que pour le dernier épisode maladie, il est de 17810
(à peu près 20$). La comparaison de ces résultats montre
qu'en moyenne la majorité des ménages qui ont connu un cas de
paludisme et qui ont recouru aux soins ont éprouvé des
difficultés financières dans le paiement des frais. Nous
remarquons ainsi que l'élasticité prix de la demande des soins
reste faible pour les ménages.
Telle que le note Behune et al. en 1989, il y a un
certain nombre de cas documentés en RDC dans lesquels on a
déterminé que la réduction des frais de consultation
entraînait l'accroissement de l'utilisation des services ou que
l'augmentation des frais avait un effet négatif sur la
fréquentation. Cette baisse de fréquentation conséquente a
été particulièrement bien observée lors de
l'accroissement abrupt des frais de consultation dans les années. Une
étude prospective effectuée par Haddad et Fournier en 1995 dans
une ZS dans la Province du Bandundu entre 1987 et 1991 a signalé une
baisse de la fréquentation allant jusqu'à 40% lors de
l'instauration de frais de consultation avec une amélioration de la
qualité qui ne compensait pas l'effet de l'instauration des frais. Un
programme mené par une ONG, en 2002, avait démarré dans un
contexte de taux d'utilisation par habitant aussi faible que 0,18 pour les
soins curatifs; ce taux s'éleva à 0,44, puis 0,65,
parallèlement à la baisse des frais de consultation (Poletti,
2003). De même, une autre étude conduite en 2005 sur des
données provenant de 26 ZS appuyées par des ONG a bien
démontré la relation entre le niveau des coûts de soins et
le taux d'utilisation des services. En fait, il semblerait que le coût
d'une consultation doit descendre en dessous de 1 USD pour obtenir des taux de
fréquentation supérieurs à 0,5 contacts par an
(Santé et Pauvreté en RDC, Banque Mondiale, 2005). Ces
résultats prouvent ceux qui ont été trouvé dans
cette étude selon que l'utilisation des services par les ménages
en cas de paludisme tend vers 0 lorsque le prix des soins augmente, tandis que
lorsque le prix diminue l'utilisation tend vers l'infini.
Par rapport à la façon de paiement, les
résultats de cette étude ont montré que 34,2% ont
contracté une dette chez un voisin/un membre de famille ou au lieu de
recours et 19,6% ont vendu un bien de valeur pour payer les frais des soins.
Ces résultats sont proches de ceux trouvés dans une étude
effectuée par le Ministère de la Santé du Burundi, en
2004. Ils montrent que pour payer la consultation et se faire soigner, la
majeure partie des Burundais est contraints de recourir à des moyens
extrêmes, tel l'endettement ou la vente d'un bien, les poussant dans une
pauvreté encore plus grande. Dans les régions concernées
par le système de recouvrement des coûts, 81.5% des patients sont
en effet obligés de s'endetter ou de vendre les récoltes, terres,
ou bétails, pour payer leurs soins de santé.
Selon Poletti (2003), une étude menée par une
ONG au Maniema en 2001 avait ainsi déterminé que 30% des patients
avaient dû vendre des biens pour couvrir leurs frais médicaux,
tandis que 15% avaient dû emprunter. La même étude au
Nord-Kivu effectuée par Soeters, en 2003, avait déterminé
pour sa part que 24% des patients avaient dû vendre un bien pour
régler leurs factures médicales tandis que 12% avaient
contracté des dettes, et 6% avaient emprunté à leur
famille. L'étude récente sur la population cible des formations
sanitaires effectuée par BERCI, en 2004, a déterminé que
35% des malades ayant reçu des soins n'avaient pas été
à même de régler le total de leur facture. L'effet
appauvrissant des paiements directs pour les ménages peut se manifester
par un amenuisement du capital, une accumulation des dettes et un
détournement des ressources des activités productives.
Ces résultats confirment notre hypothèse selon
laquelle les difficultés financières constituent pour la
majorité des ménages l'une des principales barrières
rencontrées dans l'utilisation des services de santé.
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