Rôle du capital social dans l'appropriation par la communauté d'un projet de développement rural à l'extrême-nord (Cameroun).( Télécharger le fichier original )par Laurent Parfait NDENGUE Université Catholique d'Afrique Centrale - M.Sc en Développement et Managemrnt des Projets 2011 |
IV. LA CONFIANCE, VECTEUR D'APPROPRIATION DES ACTIONS DE DEVELOPPEMENTLa confiance joue un rôle déterminant dans la dynamique des relations (Da costa, 2004). Nous pouvons même dire que la confiance est l'élément clé pour l'atteinte de certains avancements soit au niveau individuel, soit au niveau collectif. Par conséquent, dans le processus d'appropriation, la confiance au sein de la communauté et la vie associative des membres peuvent avoir un impact sur leur niveau d'intégration dans la lutte intégrée contre la désertification. Ici, le niveau de confiance dans la capacité des organisations partenaires du projet de répondre aux besoins des populations est élevé. Ces derniers pensent que la participation à ces organisations peut entraîner des changements positifs dans la qualité de leur vie30(*), même si la plupart de ces organisations n'ont pas de statut légal. La figure 6 qui suit démontre le niveau de confiance des populations dans leurs différents liens pour leurs décisions d'entreprise. Il a apparaît ici que le niveau de confiance dans les membres de la famille dans la communauté et aux comités locaux soit élevé. Tel que discuté plus haut, les membres de la famille et du comité local font partie des liens d'attachement sur lesquels les populations dépendent le plus. Ainsi, la quasi-totalité des personnes interviewées travaillent avec au moins un membre de leur famille. Ainsi, un niveau de confiance élevé est nécessaire pour le fonctionnement efficace d'une entreprise en milieu rural. Le niveau de confiance est aussi élevé envers les comités locaux parce qu'ils servent de courroie de transmission entre le projet et la population, les membres des groupes qui mènent les activités de lutte contre la désertification, les agents et responsables du projet. Ce niveau de confiance est encore plus élevé envers le chef du village ou « Djaoro » et le notable/chef de quartier ou « Lawane » pour l'autorité qu'ils détiennent et parce qu'ils sont d'après les populations les personnes les plus édifiées. Ceci constitue des meilleurs indicateurs par rapport aux personnes clés dans le développement et l'entretien de la lutte contre la désertification à Wazzang-Kalliao. Cependant, les populations donnent l'impression d'être marginalisées par les services sectoriels partenaires du développement « Nous sommes abandonnés à nous même, nous ne voyons pas ces gens depuis longtemps »31(*). Les populations ont ainsi perdu la confiance qu'elles avaient envers les conseillers du MINADER, MINEPD et du MINFOF. Cette perte de confiance envers les services étatiques pourrait aussi s'expliquer par le faible niveau d'éducation et l'ignorance qui nuisent à l'échange de la bonne information. Au regard de la situation économique de la communauté qui laisse à désirer, nous dirons contrairement à Weisinger (2007) que le capital social n'a pas pu servir de substitut des services précédemment gérés par le secteur public. Figure 6 : Niveau de confiance des populations sur les décisions d'entreprises. Source : Enquêtes, 2011 La relation de confiance qui s'est créée entre l'agent de développement et le paysan date de très longtemps avec le début de l'intervention du CDD. Elle s'est améliorée avec les actions d'autres structures comme la SODECOTON et le SAILD. Mais elle s'est dégradée dans le temps avec l'arrivée d'autres organisations moins sérieuses et surtout de certains services déconcentrés de l'Etat. L'approche personnelle du CDD du projet PLID encourage et développe un regain de confiance aux agents de développement chez les populations, grâce au capital social qu'ils ont réussi à créer. L'échange personnel est mieux reçu comparativement aux conseils des agents de développement de l'Etat. Malgré tout, les populations font toujours plus confiance à leur propre jugement pour les décisions à prendre quant à l'appropriation d'une innovation, mieux encore du projet de développement. Il y a un processus décisionnel très défini en ce qui concerne les conseils que les populations rurales reçoivent des agents de développement ou les autres partenaires des projets de développement, mais leurs décisions restent individuelles. En fait, les populations de Wazzang-Kalliao font une distinction entre la confiance accordée au niveau personnel et la confiance accordée au niveau professionnel. Le niveau de confiance élevé dans certains groupes dans la communauté favorise l'implication des populations aux activités du projet. Il s'agit des groupes formés et/ou animés dans le cadre du PLID, incluant les associations partenaires du projet et les services diocésains. En effet, certains aspects de l'organisation sociale tels que la confiance, les normes et les réseaux d'engagement civique peuvent apporter comme le souligne Putman, une aide significative aux communautés, parce que le capital social « n'est pas une propriété privée d'aucune des personnes qui en bénéficient » (Putman, 1993 : 170). Par contre, il y a divergence de points de vue quant au niveau de confiance envers l'engagement politique qui est d'après (Weisinger, 2007), un indicateur pertinent du capital social. En somme, le capital social est l'une des dimensions principales des communautés socialement organisées ; il a permis aux populations de Wazzang-Kalliao de résoudre aisément certains de leurs problèmes de manière collective par leur implication dans l'atteinte des objectifs du PLID. Après quatre années et demie de mise en oeuvre, certains résultats ont été dépassés. Cette efficacité élevée du projet a été catalysée non seulement par le niveau élevé de capital social dans la communauté, mais également par de nombreuses opportunités qui se sont offertes grâce au projet. Elle reste toutefois contrastée pour d'autres résultats. Il convient donc de relever ces freins et d'en faire des recommandations. * 30 Propos recueillis lors de l'entretien avec les membres du GIC Meherey-Mbaga (GIC des femmes) à Ouro-kessoum, le 17 mai 2011. * 31 Affirmation d'un participant lors de l'entretien de groupes dans le village Houdouvou, le 19 mai 2010. |
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