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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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Paragraphe II : Les réformes institutionnelles au coeur de la réforme du système de sécurité : garanties de non répétition

Nous rappelons que la réforme institutionnelle fait partie du dernier pilier, le dernier instrument légal de la justice transitionnelle après les procès, l'enquête et la réparation. Autrement dit, les principales approches de la justice transitionnelle comprennent les poursuites pénales engagées contre les auteurs des violations des droits de l'homme, les efforts de la vérité pour déterminer et reconnaître l'ampleur et la nature des violations, les réparations accordées aux victimes et la réforme des institutions215. La réforme institutionnelle pour prévenir la récurrence des violations graves constitue un élément important de la justice transitionnelle. Ces réformes visent à prévenir les conflits violents et les crimes contre les droits humains en éliminant ou en transformant les conditions structurelles qui leur ont donné lieu. Etant donné que les violations flagrantes, graves et systématiques de droits humains sont principalement le fait des forces de sécurité des Etats, ou de groupes armés non-étatiques, la réforme du secteur de sécurité (RSS) reste d'un intérêt particulier pour la présente étude.

Le concept de "réforme du secteur de la sécurité" (RSS), apparu vers la fin des années 1990, vise à créer un lien direct entre développement et sécurité. L'élément fondateur repose sur le fait qu'il ne peut y avoir de développement économique et de réduction de la pauvreté sans sécurité, et inversement. Plusieurs organisations internationales, liées au développement, ont ainsi lancé le débat, comme le PNUD en 1994, la Commission pour le Développement humain en 2003 ou encore l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2004. Dans ce contexte, la RSS concerne surtout les Etats en sortie de conflit ou en transition démocratique, et constitue un élément central des réformes à mettre en oeuvre en matière de démocratisation, bonne gouvernance, développement économique et transformation pacifique des sociétés. Les définitions du secteur de la sécurité restent cependant nombreuses, en fonction des compétences et des intérêts de l'organisation internationale qui souhaite s'impliquer dans la réforme. Chaque intervenant a sa propre conception - plus ou moins large - de la RSS, et les expressions utilisées sont synonymes et interchangeables : réforme du secteur de la sécurité, réforme du système de la sécurité, modernisation du secteur de la sécurité, transformation du secteur de la sécurité, reconstruction du secteur de la sécurité, etc.

215 Louis Joinet, Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme civils et politiques, Rapport final révisé, E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, p.10.

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Les Nations Unies ont, par exemple, proposé la définition suivante du secteur de la sécurité en 2008, dans le rapport du Secrétaire général intitulé « Assurer la paix et le développement : le rôle des Nations Unies dans l'appui à la réforme du secteur de la sécurité » :

les termes "secteur de la sécurité" désignent, d'une manière générale, les structures, les institutions, et le personnel chargés de la gestion, de la prestation et de la supervision des services de sécurité dans un pays. L'on s'accorde habituellement à inclure dans ce secteur la défense, la police, l'administration pénitentiaire, les services de renseignement, les organismes chargés du contrôle des frontières, la douane et la protection civile. Y figurent aussi les services judiciaires chargés de statuer sur les allégations d'actes délictueux et d'abus de pouvoir. Le secteur de la sécurité comprend aussi les acteurs qui gèrent et supervisent l'élaboration et l'application des mesures de sécurité, tels que les ministères, les organes législatifs et certains groupes de la société civile. On compte aussi, parmi les acteurs non étatiques du secteur de la sécurité, les autorités coutumières ou informelles et les services de sécurité privés.216

Koffi Annan estime que la RSS « s'entend d'un processus d'analyse, d'examen et d'application, aussi bien que de suivi et d'évaluation mené par les autorités nationales et visant à instaurer un système efficace et responsable pour l'Etat et les citoyens, sans discrimination et dans le plein respect des droits de l'homme et de l'état de droit »217.

Selon les directives du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE sur les directives concernant la RSS, il s'agit « de la transformation du système sécuritaire, qui inclut tous les protagonistes, leurs rôles, responsabilités et actions, de concert pour gérer et exploiter le système dans le droit fil des normes démocratiques et des principes solides de bonne gouvernance »218. Ces protagonistes comprennent les forces de sécurité nationales, les instances de direction et de supervisions sécuritaires, les institutions de justice et d'application des lois, ainsi que les groupes armés non étatiques, les armées de libération, les guérilleros, les milices des partis politiques et les organisations de sécurité privées. Ainsi, d'après l'OCDE, « les forces de sécurité responsables et devant rendre des comptes réduisent les risques de conflit, assurent la sécurité des citoyens et créent un environnement favorable au

216 ONU, Rapport A/62/659-S/2008/39 du 23 janvier 2008.

217 Idem.

218 OCDE/CAD, « Réforme du secteur sécuritaire » (2007).

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développement durable. L'objectif en général de la RSS est d'établir un environnement sécurisé qui stimule le développement »219.

Les opérations de soutien à la réforme du secteur de la sécurité se sont en fait multipliées depuis le début des années 2000, lorsque la nécessité d'appuyer la RSS dans le cadre d'une démarche plus globale (accord de paix, transition démocratique) a été comprise. Le Département des Affaires politiques du Secrétariat des Nations Unies220 a ainsi aidé les parties au Guatemala et au Salvador à intégrer, dans leurs accords de paix respectifs, des dispositions relatives au rôle et aux responsabilités des forces de sécurité. Il a également encouragé les parties au Népal à prendre en compte les questions relatives au secteur de la sécurité dans le processus de paix. Sur le plan des opérations de maintien de la paix, l'ONU s'est impliquée dans le domaine de la RSS en Sierra Leone dès 2002, mais également au Timor-Leste, en Côte d'Ivoire, au Liberia, et en République démocratique du Congo dans les années suivantes. La nécessité d'établir un secteur de la sécurité efficace, responsable et respectueux des droits de l'homme tend à devenir une partie intégrante des stratégies de sortie des opérations de maintien de la paix.

Le Rwanda a connu des réformes institutionnelles qui ont permis à la sécurité de nettement s'améliorer entre 2001 et 2012 c'est ainsi que la gouvernance des services de sécurité a connu des améliorations significatives. Le Rwanda a mis en place la réforme du secteur de la sécurité qui incite à adopter une approche globale et coordonnée de l'ensemble des réformes engagées dans différents secteurs (défense, police, contrôle parlementaire et public des acteurs de sécurité, gestion transparente des budgets alloués, respects des droits de l'homme dans l'exercice des fonctions), ce faisant, la réforme du système de sécurité s'est imposée comme l'une des principales activités vouées à promouvoir la paix et la stabilité en ce sens qu'elle vise à fournir une sécurité humaine et publique efficace et efficiente dans un cadre de gouvernance démocratique. Elle vise à rétablir le contrôle légitime de l'Etat du recours à la force et à régler les déficits sécuritaires matériels et humains. Du point de vue de la justice, la RSS vise à renforcer l'intégrité du système sécuritaire, promouvoir sa légitimité

219 Idem.

220 Nous mentionnons que d'autres institutions du système onusien, tels que le Bureau d'appui à la consolidation de la paix, du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, ou encore le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) sont engagées dans des actions de soutien à la RSS dans des pays aussi variés que le Kosovo (Serbie), le Népal ou Haïti ou encore l'Ouganda.

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et habiliter les citoyens, afin de transformer un système d'abus en un système respectueux et protecteur des droits humains.

En somme, la réforme du secteur de sécurité vise à améliorer la capacité des pays à répondre à tout l'éventail des besoins de la société nationale en matière de sécurité, d'une manière qui soit compatible avec les normes démocratiques et les principes de bonne gestion des affaires publiques, de transparence et de respect de la règle du droit. En 1998, de vastes parties du pays des milles collines étaient toujours affectées par l'insécurité, et notamment le nord-ouest qui subissait de fréquentes incursions transfrontalières depuis la RD Congo de la part des interahamwe. Afin de contrer cette menace, les forces rwandaises ont pénétré en RD Congo en août 1998 et y sont restées durant quatre ans. Depuis 2001, la situation au Rwanda en matière de sécurité s'est améliorée. Plusieurs miliciens et combattants ont quitté la RD Congo pour le Rwanda et ont fait l'objet d'un programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) par lequel à ce jour sont passés un peu plus de 6000 rapatriés221. Mais, certains miliciens originaires du Rwanda se trouvent encore à l'est de la RD Congo. De façon générale, le secteur de la sécurité regroupe l'armée et les forces de l'ordre, ainsi que les instances de gouvernance, législatives et de supervision. La réforme de ces structures doit comprendre entre autres des mesures visant à mettre fin aux abus et à la violence de la société. Pour ce qui est des éléments constituant la réforme du secteur de la sécurité, nous nous intéressons aux organes de sécurité du Rwanda que sont : la Force rwandaise de défense, la police nationale rwandaise (PNR), la Local Defence (Défense locale) et le service national de sécurité responsable du renseignement intérieur et extérieur, ainsi que des questions d'immigration et d'émigration. Mais, l'accent sera uniquement mis sur la réforme de l'armée et de la police.

A. La réforme de l'armée

Les violations les plus massives et les plus systématiques sont généralement commises par des organismes et des groupes qui ont les moyens d'exercer une force coercitive222 dont les forces armées. Il s'agit très souvent de dissoudre les groupes armés non étatiques, dont les

221 Chiffre fourni par le Programme de démobilisation et de réintégration du Rwanda. Au total, 6059 membres d'autres groupes armés opérant hors du Rwanda ont été démobilisés entre 2001 et décembre 2007. Par ailleurs, 21 706 ex- FAR (anciennes Forces armées rwandaises) sont passés par le processus de démobilisation national entre avril 2002 et décembre 2007. Les anciens rebelles rentrant au Rwanda suivent des cours d'éducation civique, d'alphabétisation et de formation professionnelle et reçoivent un paquet de retour.

222 La force coercitive prend en compte les forces armées, les organismes chargés de l'application des lois et autres organes de sécurité intérieure, ainsi que les groupes armés non étatiques. Une stratégie efficace de prévention des violations ou de leur résurgence devrait donc viser, en priorité, ces organismes et ces groupes.

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membres doivent être démobilisés ou intégrés dans des institutions régulières de l'Etat. Généralement, la réforme des forces armées est axée, en particulier, sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration du personnel excédentaire dans la vie civile, la démilitarisation du secteur chargé de l'application des lois, et la limitation du rôle des forces armées à des fonctions de défense extérieure. Au cours de la dernière décennie, la Force rwandaise de défense (RDF) a subi d'importantes restructurations, y compris une démobilisation de grande échelle et un renforcement des capacités pour les soldats restants. Plus de 40 000 soldats de la RDF ont été démobilisés de sorte qu'environ 20 000 hommes sont restés sous les armes223. L'un des indicateurs clés de cette tendance est la réduction des dépenses militaires qui sont passées du chiffre estimatif de 4,3% du PNB en 1998 à 1,6% du PNB en 2007224. L'importante réduction de la masse salariale de la RDF a permis à l'armée d'investir dans la formation et dans l'équipement. La RDF est largement considérée comme l'une des forces armées les mieux formées et les plus efficaces d'Afrique. Elle a développé des compétences de maintien de la paix et 3000 de ses soldats ont beaucoup servis au Soudan en 2008.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand