CONCLUSION GENERALE
156 - La présente étude
a mis en évidence une double difficulté du législateur.
D'abord celle de concevoir théoriquement une méthode
appropriée pour atteindre un objectif. Ensuite, celle de définir
une sanction proportionnelle et circonscrite dans ses effets. Le
résultat étant le paradoxe des solutions auxquelles l'on est
arrivé.
L'extension des procédures collectives aux
dirigeants sociaux, résulte de la pensée selon laquelle le
dirigeant social serait en fait le véritable responsable de la cessation
des paiements de la société ou de son aggravation. En se
dissimulant derrière le voile de la personnalité morale, afin
d'utiliser le patrimoine sociale dans son intérêt personnel, le
dirigeant serait celui qui aurait 'vidé' la société de ses
ressources, et engendré ou aggravé la cessation des paiements de
la société.
Dans ce sens, il a paru normal d'étendre au
dirigeant, la procédure collective ouverte contre la
société. Dès lors l'extension des procédures
collectives aboutit à ouvrir contre le dirigeant une procédure
collective dérogatoire au droit commun. Ni la qualité de
commerçant encore moins la cessation des paiement n'étant
requise.
157 - Bien que ce choix pourrait
paraître logique, il est tout au moins contestable. Tout d'abord,
exclusion faite des dirigeants de sociétés personne morale, il
semble incorrect de prêter à un dirigeant personne physique non
commerçant, la qualité de commerçant, bien qu'il se soit
comporté comme tel .
En effet, la qualité de commerçant se
prouve selon les critères définis par la loi. Le
commerçant est celui qui passe les actes de commerce de façon
régulière et qui en fait une profession. Or, tel n'est pas le cas
lorsqu'il s'agit d'un dirigeant personne physique d'une société
de capitaux. Bien plus, il parait superficiel d'ouvrir une procédure
collective contre un non commerçant. De l'autre côté , en
présence d'un dirigeant personne morale, l'extension aboutit à
déclarer en faillite une société in bonis. Toute chose qui
constitue un danger pour l'économie nationale, pour la
société dirigeante et ses créanciers.
158- Quant à la condamnation
du dirigeant proprement dite, elle va bien au-delà d'une simple
responsabilité du dirigeant et met en place une véritable peine
privée. En effet, le législateur prévoit de mettre
à la charge du dirigeant fautif tout le passif social, ajouté
à son passif personnel. Or, un tel choix se révèle
disproportionnel à la faute du dirigeant. Car, on ne peut établir
un lien de causalité entre le comportement fautif du dirigeant et la
création du passif postérieure social .
Plus grave encore, cette sanction aboutit à
deux résultats incorrects. D'une part , elle crée une concurrence
entre créanciers sociaux et créanciers personnels du dirigeant,
d'autre part , ses effets ne se limitent pas seulement au dirigeant fautif, ils
vont bien au-delà et atteignent les créanciers personnels du
dirigeant . Etrangers à la procédure collective ouverte contre la
société, ils sont désormais contraints d'y participer en
se soumettant aux règles de procédure collective. Ceci justifie
le constat d'insécurité juridique des créanciers
personnels du dirigeant qui subissent l'extension des procédures
collectives.
159- Le mérite de la
présente étude, est donc d'être parvenu à proposer
quelque chose d'autre sur les décombres de l'extension des
procédures collectives aux dirigeants sociaux. Le défi
étant de restaurer la fonction indemnitaire des actions
enclenchées contre les dirigeants sociaux, en cas d'ouverture d'une
procédure collective à l'encontre des sociétés
qu'ils ont dirigées. Mais aussi, il fallait une sanction
cohérente avec les principes des procédures collectives,
proportionnée, efficace, et circonscrite aux seuls dirigeants.
160- La proposition a donc
été, la mise à la charge du dirigeant d'une obligation
à contribution à la dette sociale en totalité ou en
partie, lorsque celui-ci aurait engendré ou aggravé la cessation
des paiements de la société, du fait d'une situation de conflits
d'intérêts dont l'issue aurait été le sacrifice de
l'intérêt social au profit de son intérêt personnel.
A l'action en extension des procédures collectives au dirigeant sociaux,
se substituerait donc une action à contribution à la dette
sociale.
La force de cette action résiderait dans sa
simplicité quant à son fondement et sa mise en oeuvre , son
efficacité quant au sort amélioré des créanciers
sociaux, la limitation de ses effets aux seuls dirigeants fautifs, et la
proportionnalité dans la sanction du dirigeant . Enfin, l'action
à contribution à la dette sociale permet d'unifier les solutions
différentes qui guident les deux types d'extensions des
procédures collectives. Cette solution parait logique et efficace, aussi
bien en présence d'un dirigeant personne morale notamment en cas de
confusion de patrimoines dans les groupes de sociétés, que d'un
dirigeant personne physique non commerçant d'une société
de capitaux. Il parait plus simple de mettre à la charge du dirigeant
personne morale ou personne physique, le passif social en totalité ou en
partie, que de leur étendre la procédure collective ouverte
contre la société en faillite. L'intérêt d'une telle
solution apparaît surtout lorsque les dirigeants en question sont in
bonis.
161- On aboutit donc à un
double mouvement non contradictoire. D'un côté une
efficacité et une plus grande clarté de la sanction, de l'autre
côté, cette sanction participe d'un allègement de la
sanction des dirigeants des entreprises en procédures collectives. Car,
dans une économie de marchés, un juste dosage devrait être
opéré entre l'exigence de responsabilité des dirigeants
sociaux et partant l'idée de sanction, et la nécessaire
sauvegarde de l'esprit d'initiative des dirigeants. En effet, une
législation très regardante sur les actes de gestion des
dirigeants sociaux, pourrait entraîner l'esprit de manque
d'initiative.
Désormais, l'avenir de cette sanction dépendra
du souffle que lui insuffleront les différents acteurs à la
procédure collective. En amont, le législateur communautaire, le
syndic et les créanciers sociaux qui doivent intenter l'action, et en
aval il est nécessaire que des juges audacieux se détachent de la
facilité à condamner les dirigeants à combler le passif
pour faute de gestion, afin de donner corps à cette sanction .
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