1-2-5 Plaidoyer pour une strategie française de
resilience des territoires
ÇPour assurer la stabilité et la survie
d'une société frappée par une catastrophe, la
résistance n'est pas toujours efÞcace. Elle provoque même
des effets pervers quand le système social n'a pas un comportement
linéaire et prévisible. Il est alors nécessaire de changer
de stratégie, de renforcer la résilience de ce système
menacé. Pour assurer la survie d'une société après
une catastrophe, il faut donc incorporer des innovations permettant de
renforcer la résilience. Paradoxalement, la stabilité d'une
société, sa pérennité passe par le changement.
»60
Cette citation d'A. Dauphiné et D. Provitolo
résume bien le changement de stratégie que nous allons soutenir
dans les paragraphes ci-dessous. En effet, même si les stratégies
de résilience des territoires ne datent que de quelques années,
et qu'il est difficile d'apprécier leurs efficacités, il est
indispensable de les développer au sein de notre pays.
Dans un premier temps, nous allons donc définir les
freins à la mise en place d'une stratégie française de
résilience des territoires, avec en premier lieu le droit. Et dans un
second temps, nous présenterons les prémices de la mise en place
d'une telle stratégie en France.
1-2-5-1 Le droit : un frein à la
stratégie de résilience des territoires ?
La chercheuse Valérie
Sansévérino-Godfrin, nous éclaire sur les freins à
l'origine de l'absence d'une stratégie française de
résilience des territoires dans une publication61 de 2011.
Elle remarque que la résilience ne figure pas au sein des textes
juridiques. Le droit ne semblant s'intéresser qu'aux situations de
fragilité impliquant une protection,
60 André Dauphiné et Damienne Provitolo Ç
La résilience: un concept pour la gestion des risques È,
Annales de géographie 2/2007 (n° 654), p115-125
61 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç
Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le
droitÉ Dans un contexte de développement durable È, dans
les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques de
l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques
à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p
notamment lorsqu'un dommage a été subi ou risque
d'être subi. Le droit est plutTMt envisagé comme un palliatif en
cas d'absence de résilience.
L'auteure constate également que, d'une manière
générale, les décisions et les actions de conception de
mesures de prévention et de protection reposent encore en grande
majorité sur l'évaluation des aléas potentiels pouvant
affecter les territoires et se limitent généralement à une
gestion technique de l'aléa. Le management des risques devrait pourtant
prendre en considération, en complément dans l'évaluation
des risques, les facteurs humains et sociaux. Cela permettrait
d'identiÞer les facteurs de fragilité et leurs
interdépendances susceptibles d'aggraver les conséquences de la
survenue de l'aléa. Ainsi, le management des risques fondé sur
l'aléa repose encore en majeure partie sur une approche analytique,
alors que la prise en compte de la vulnérabilité et de la
résilience requiert d'adopter une approche systémique (comme nous
l'avons vue en 1-2-1-2).
La prise en compte de l'ensemble des menaces susceptibles
d'affecter le territoire nécessite donc de compléter
l'évaluation des risques avec une dimension permettant de
développer la faculté d'adaptation du territoire dans une
perspective de durabilité, envisagée à travers la
propriété de résilience.
V. Sansévérino-Godfrin nous invite ensuite à
nous poser des questions aÞn de savoir si une stratégie de
résilience pourrait être traduite dans le droit :
« Le droit est-il susceptible d'intégrer le
caractere temporel de la résilience, c'est-à-dire sa dimension en
tant que processus ? De meme, le droit peut-il promouvoir par ses outils une
certaine souplesse ou une capacité d'adaptation ? È
D'après elle, en l'état actuel des choses, rien
n'est moins sur. En effet, la majeure partie de la politique frangaise de
prévention des risques majeurs s'inscrit dans le cadre d'une
planiÞcation : plan de prévention des risques naturels et
technologiques et plan local d'urbanisme par exemple (nous reviendrons sur ses
plans en 2-2-3).
Les mesures intégrées dans ces plans
acquièrent une valeur contraignante dès leur approbation et
s'imposent à tous, personnes publiques ou privées. En outre, ces
plans ne contiennent aucune mesure permettant une adaptation selon
l'évolution des situations pour lesquelles ils ont été
élaborés. La planiÞcation conduit ainsi à raisonner
de manière statique, freinant ainsi les capacités de
résilience des territoires confrontés aux risques majeurs. Une
succincte analyse sémantique renforce sa conclusion : le terme «
droit È et l'antonyme de « souple È et renvoie à
quelque chose de rectiligne, de raide, de rigide.
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