La CEDEAO et les crises socio-politiques dans les pays membres: cas du Liberia et de la Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Winnie TSHILOBO MATANDA Université officielle de Bukavu - Licence en relations internationales 2011 |
§4. LE RENFORCEMENT STRUCTUREL ET LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE TRANSFRONTALIERESouvent, les organisations sous-régionales créent des mécanismes sans se préoccuper réellement des capacités nécessaires à leur fonctionnement. Ainsi, le « Département » des affaires juridiques du Secrétariat de la CEDEAO, qui est également chargé de soutenir les initiatives prises en matière de paix et de sécurité par la CEDEAO, ne se compose que d'un directeur et d'un directeur adjoint. L'organisation devrait recruter et former le personnel qualifié pour répondre aux exigences croissantes attendues du secrétariat. Les membres de la CEDEAO seraient bien avisés de reporter la mise en oeuvre de certains plans et de se concentrer d'abord sur le développement d'autres aspects du Mécanisme, en particulier la proposition de Conseil de médiation et de sécurité et plusieurs réformes destinées à renforcer le Secrétariat. Par ailleurs, la question de la criminalité transfrontalière demeure préoccupante et complexe. Cet état de chose se justifie par le développement de nouvelles formes de criminalités dans l'espace CEDEAO. Ces nouveaux crimes sont le trafic de drogue, le trafic des êtres humains, le trafic de véhicules volés, de cigarettes, d'armes légères, le terrorisme, la piraterie... etc. Cela fait de cet espace un point de transit pour les narcotrafiquants après la fermeture de l'ancienne route des Caraïbes. Aussi, les actes de terrorisme dans l'espace CEDEAO deviennent-ils récurrents. Le croisement de tous ces crimes a pour conséquence le recul des investissements, la fuite des capitaux, le manque de développement des communautés locales, etc. Et plus grave, la criminalité transfrontalière constitue un frein à la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux qui constitue le principe fondamental de la politique d'intégration de la CEDEAO. En somme, elle est devenue une menace pour la stabilité politique et institutionnelle des Etats membres. Ainsi, dans une étude faite à ce sujet, KARAMOKO DIAKITE142(*) - Secrétaire General Par Intérim du Réseau d'actions sur les armes légères en Afrique de l'Ouest, section Côte d'Ivoire -, a suggéré la mise en place d'un cadre légal et institutionnel pour lutter contre ce fléau. Il appert donc impérieux de rendre plus opérationnelle la collaboration entre les services de sécurité des Etats membres de la CEDEAO. Cela passe par l'établissement et l'adoption d'un manuel de formation sous-régionale commune sur la lutte contre ces nouvelles formes de criminalité. Aussi, faut-il doter la Division sécurité de ressources humaines et de logistiques adéquates pour mener à bien sa mission tout en créant un cadre spécifique pour chaque type de crime à l'image de la Convention sur les ALPC (Armes légères et de Petit Calibre). Ce processus vise à créer un cadre spécifique pour chaque crime selon les priorités déterminées. C'est à ce prix que l'espace CEDEAO pourrait devenir un espace paisible et sécurisé propice à l'investissement, au développement et apte à rendre effective la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux comme souhaité par les pères fondateurs. La vision des chefs d'État et de gouvernement de « passer d'une CEDEAO des États à une CEDEAO des peuples » d'ici 2020 en dépend. Pour ce faire, à notre sens, la CEDEAO devra : - valoriser davantage son système d'alerte précoce pour faire bénéficier l'ensemble de ses Etats d'un tel outil ; - impliquer davantage le Conseil de médiation et de sécurité afin d'engager une diplomatie préventive dans toutes les zones de tension à l'image de la bande sahélo-sahélienne ; - associer les organisations internationales et régionales dans une possible intervention pour bénéficier de la légitimité de la communauté internationale ; - associer et renforcer l'engagement des organisations de la société civile ouest-africaine sur les questions relatives à la sécurité des personnes étant donné qu'elles jouent un rôle majeur pour la sauvegarde des acquis en matière de démocratie et de la promotion des droits humains dans les Etats membres. Cela passerait, par exemple, par la révision des processus d'accréditation de la société civile par la CEDEAO ; la création d'un bureau de la société civile qui ferait partie du secrétariat exécutif de la CEDEAO ; la création d'un secrétariat de la société civile indépendant pour faciliter les rapports entre les organisations de la société civile de l'Afrique de l'Ouest et les institutions de la CEDEAO ; la création d'un groupe de travail commun CEDEAO-société civile chargé de développer un projet stratégique visant à garantir la sécurité en Afrique de l'Ouest et un projet de mobilisation opérationnel et des ressources pour exécuter cette stratégie ; - renforcer les capacités humaines en matière de sécurité de la Communauté pour mieux répondre aux questions relatives aux crises éventuelles qui surviendraient au sein d'un Etat membre ; - mettre en place un système de coopération, renseignements, assistance militaire et technique en vue de préparer les forces armées mises à disposition de l'organisation à une opération régionale efficace ; - Promouvoir la dynamique d'une citoyenneté communautaire en vue de faciliter la résolution collective et coordonnée des crises ultérieures. * 142KARAMOKO, D., la politique de sécurité de la CEDEAO dans la lutte contre la criminalité transfrontalière in « a la découverte de la CEDEAO paix et sécurité dans une CEDEAO des peuples », FES, Abuja, 05-13 octobre 2010, pp.78-82 |
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