2.2.2 Démarche vers un
modèle optimal
Conduire un projet de changement représente toujours un
exercice difficile pour les entrepreneurs qui doivent choisir et
élaborer des stratégies et des démarches susceptibles de
maximiser leurs chances de succès. Plusieurs auteurs proposent des
modèles de conduite du changement à caractère purement
théorique ou pratique.
2.2.2.1 Quelques
modèles de conduite du changement organisationnel
Par modèle, il faut entendre une
représentation schématique d'un processus réel ; en
sciences sociales, il s'agit d'une représentation abstraite,
idéale, mathématique ou symbolique de la réalité
qui fournit une vision simplifiée mais caractéristique d'un
phénomène. Dans le cadre de cette recherche, la mise sur pied
d'un modèle qui soit adapté à notre contexte, se fera sur
la base des travaux des auteurs tels que COLLERETTE, GROUARD et FERNANDEZ.
Modèle de COLLERETTE, LEGRIS et
SCHNEIDER
Les travaux de ces auteurs ressortent trois grandes phases
dans le processus de conduite du changement organisationnel comme le montre la
figure ci-dessous.
Figure n° 3: Phases du
processus de conduite du changement organisationnel
Source : COLLERETTE et al.
(2003, p.60)
Comme le montre bien cette figure, le processus de gestion de
changement organisationnel selon ces auteurs se décompose en trois
principales phases :
Phase 01 : Eveil
Ce stade, crucial pour la réussite du changement,
débute lorsque les individus portent attention à une
sollicitation au changement. C'est le cas du contremaître qui s'interroge
sur l'organisation du travail proposée par le département de la
qualité; c'est le cas du vendeur qui se demande s'il doit vraiment
compléter les nouvelles fiches sur le profil des clients comme
demandé par le service du marketing. Ces personnes sont incitées
à changer, et se questionnent sur la pertinence de le faire ou non. Il
s'agit donc d'une période de réflexion où l'on
soupèse les avantages et désavantages du changement promu par les
dirigeants en vue de prendre position. Selon que le bilan sera positif,
mitigé ou négatif, les réactions iront de l'enthousiasme
au refus, en passant par la résignation.
Phase 02 : Transition
La transition correspond à la
période où les gens doivent abandonner les pratiques en vigueur,
pour s'apprivoiser d'autres. C'est une période comprise entre les
anciens automatismes qui n'ont plus leur place, et les nouveaux qui ne sont pas
encore acquis. Ce passage vers de nouveaux automatismes active deux processus
interdépendants
Ø
Désintégration :
Une désintégration est un processus progressif
consistant à déterminer les aspects jugés non
adaptés du système. Les anciennes habitudes s'estompent laissant
place aux nouvelles pratiques.
Ø Reconstruction
Au fur et à mesure que la désintégration
s'effectue, engendrant des vides fonctionnels, le système se met
à la recherche de nouvelles bases, de nouvelles pratiques pouvant
l'aider à agir efficacement face aux situations de son environnement.
Ces nouvelles pratiques peuvent être proposées ou inventées
par elle-même.
Tant sur le plan individuel que sur le plan collectif et
organisationnel, la transition est une période souvent marquée
par les flottements, de l'ambiguïté, de la turbulence, des
tensions, des conflits, des paradoxes, du désordre, du
mécontentement, de l'inefficacité et une
vulnérabilité de l'entreprise. Pour contrer ces risques, il faut
se doter d'un système de pilotage méthodique comportant des
mesures d'exception qui serviront à :
- limiter la fatigue
- réduire les sources de confusion et d'angoisse et
- éviter les expériences d'échec.
Voilà pourquoi cette période exige
généralement beaucoup d'efforts de la part des dirigeants que des
gens touchés.
Phase 03 : Ritualisation
La ritualisation est une phase au cours de laquelle les
nouvelles pratiques commencent à se stabiliser, les doléances
s'apaisent, les individus développent graduellement les automatismes et
retrouvent un niveau d'efficacité plus élevé. L'enjeu ne
se situe pas entre les anciennes et les nouvelles pratiques, mais plutôt
dans la recherche d'un état d'équilibre, d'harmonie pour
éviter que l'entreprise se retrouve dans une situation inconfortable.
Telle que présentées, ces phases
s'étalent progressivement dans le temps et suivant cet ordre parce que
l'on ne saurait parler par exemple de la transition si l'éveil ne s'est
pas encore réalisé ; car c'est elle qui permet de remettre
en cause l'ancien système, d'identifier les problèmes et leurs
symptômes avant d'entamer le processus de la transition.
Modèle de GROUARD et MESTON
Dans leurs investigations, ces deux auteurs proposent aux
dirigeants d'entreprise un outil stratégique, un modèle de
gestion du changement basé sur dix (10) clés.
Clé 01 : Définir la
vision
La définition de la vision repose sur
une connaissance approfondie de l'entreprise et de son environnement ainsi que
sur une perception globale des enjeux du projet de changement à
opérer. La vision est le repère que les responsables du
changement vont utiliser pour piloter le processus et de s'assurer de son bon
déroulement. Son élaboration s'appuie sur une démarche
générale en cinq étapes :
- Formaliser la nécessité de changer,
- Identifier les enjeux du changement,
- Etablir des visions alternatives,
- Choisir la vision,
- Formaliser la vision.
Cette étape est primordiale dans le processus de
mobilisation des acteurs car ces derniers ne pourront adhérer au projet
que lorsqu'ils comprennent bien sa vision, les objectifs à atteindre et
ses enjeux.
Clé 02 : Mobiliser
Une fois que la vision est bien définie, l'on pourra
ainsi se lancer dans le processus mobilisation. Cette clé poursuit cinq
objectifs :
- Créer l'appropriation de la vision,
- Bâtir le changement avec et sur les hommes,
- Libérer les énergies,
- Confirmer les enjeux du processus de changement,
- Construire la structure du processus de changement.
Cette clé propose trois démarches
différentes mais complémentaires :
a) la cascade des séminaires avec la population
cible ;
b) l'analyse et la programmation pour s'assurer de la
compréhension de la vision ;
c) les ateliers du changement, pour générer sur
le terrain des améliorations personnelles à fort impact.
Clé 03 : Catalyser
Catalyser le processus de changement, c'est
accélérer le changement dans l'entreprise sous influence d'une
organisation et d'un fonctionnement conçus à cet effet. Il s'agit
concrètement de mettre en place une structure de pilotage formée
de :
- La direction générale,
- L'équipe de facilitation du changement,
- Les équipes de compétences,
- Les divisions opérationnelles et fonctionnelles,
- Les équipes support.
Clé 04 : Piloter
Il s'agit de définir le
système de pilotage qui permettra de s'assurer que le changement suit le
cheminement voulu, de prévenir les dysfonctionnements et les
écarts et d'orienter efficacement les efforts. Parmi les
activités de pilotage on peut énumérer :
- la construction d'une logique du processus du changement,
- la planification et le suivi de ce processus,
- la faciliter du changement et de son
accélération,
- le suivi des personnages clés de l'organisation
vis-à-vis du changement,
- l'identification des méthodes et des outils
requis,
- l'initialisation et le suivi du coaching,
Clé 05 : Concrétiser
La concrétisation consiste en un réel passage de
la situation actuelle à la situation visée. Pour
concrétiser son action, il faut :
a) Changer les rôles et les responsabilités avant
de tenter de modifier les comportements,
b) Assurer une participation massive le plus tôt
possible,
c) Laisser de l'autonomie à l'intérieur du cadre
défini par la vision,
d) Adapter la démarche de concrétiser en
fonction des acteurs.
La concrétisation repose sur un processus qui permet
à chacun de comprendre comment il peut concrètement participer au
changement.
Clé 06 : Faire Participer
La participation de tous à la
concrétisation du changement est d'un enjeu important car elle rend
possible l'exploitation de la richesse que constitue la diversité des
personnes. Elle aide à convaincre les résistances grâce
à l'implication directe des salariés et assure une
pérennité du changement.
Pour obtenir une participation massive des acteurs, les
responsables du projet devront le plus souvent guider sans chercher à
contrôler, gérer les attentes des premiers niveaux d'encadrement,
donner suite aux idées et aux initiatives, accorder le droit à
l'erreur car le changement s'assimile à un apprentissage.
Clé 07 : Gérer les aspects
émotionnels
Tout changement perturbe les individus et
les remet en cause car il touche directement les individualités en
agissant sur leur image, leur rôle et leur identité. Cette
situation crée de nombreuses réactions émotionnelles
provoquées par la peur ou à l'inverse par l'attrait de la
nouveauté, l'attachement aux façons de faire, l'espoir d'un
travail plus enrichissant ou la peur de l'échec, etc.
Pour gérer ces aspects émotionnels, les
dirigeants doivent au cours du processus de conduite de changement
établir un diagnostic de la situation actuelle, identifier et suivre les
pôles de résistances et de blocage, et enfin élaborer des
stratégies pour contrecarrer ces résistances et blocages.
Clé 08 : Gérer les enjeux de
pouvoir
Pouvoir et changement sont souvent
antagonistes or la réussite du changement demande que la
répartition du pouvoir évolue pour être cohérente
avec les objectifs visés. Ceci peut conduire certains individus à
résister ou à vouloir infléchir le changement dans un sens
qui leur serait favorable. Dès lors la réorientation du pouvoir
vers les objectifs visés s'avère comme une
nécessité dans la réussite du changement. Elle exige une
forte implication de la part du dirigeant et s'appuie sur trois
phases :
- La définition de la situation de pouvoir
visé,
- La gestion des enjeux de pouvoir,
- L'utilisation des systèmes pour réorienter le
pouvoir.
Clé 09 : Former et coacher
Le changement organisationnel requiert l'acquisition et
l'interprétation de compétences nouvelles mais aussi de
comportements et de modes de pensée nouveaux. La formation et le
coaching occupent donc une place importante dans le processus de changement qui
aboutit sur une dynamique d'auto apprentissage. On y retrouve clairement:
- La détermination et l'évaluation des besoins
en formation et en coaching,
- La formation en distinguant les besoins techniques
spécifiques à l'évolution des métiers et le
développement des savoir-faire de type relationnel nécessaires au
changement,
- Le coaching qui a pour but d'accompagner individuellement
les managers ou les décideurs pour les aider à faire face
à des situations exceptionnelles ou nouvelles,
- Le feed-back ou « effet miroir ». Peu
habituel dans les entreprises, il vise à accélérer le
développement du potentiel d'un salarié en l'encourageant dans
l'analyse de ses performances et de ses comportements.
Clé 10 : Communiquer
Durant le processus de changement, la communication doit
être extrêmement intense sur les plans interne et externe. La
communication permet d'informer à la fois sur le déroulement du
processus et également de générer un foisonnement
d'idées qui enrichit le processus et l'accélère. Pour
soutenir efficacement le processus de changement organisationnel, la mise en
oeuvre de la communication du changement doit remplir quatre
conditions :
- Elle doit être cohérence avec les politiques de
communication externe et interne,
- Elle doit s'appuyer sur une véritable politique de
communication avec des objectifs,
- Elle doit être à la fois globale et locale,
- Elle doit renforcer l'implication et la participation de
tous les acteurs.
Modèle de FERNANDEZ
Selon FERNANDEZ (2005), il est crucial pour un chef de projet
d'adopter une approche pratique et concrète pour aller au delà
des outils et des méthodes ordinaires utilisées et réussir
la conduite de projet en termes de création de valeurs. Pour ce faire,
il propose une démarche composée de douze facteurs clés
structurés autour de 4 grands axes d'actions
transversaux :
AXE 1 : Intégrer l'analyse de la valeur afin de
bâtir le référentiel projet
Organiser ne se limite pas à définir la phase de
planification. Organiser, c'est aussi bâtir le cadre de
référence déterminant le système de valeur et de
performance, en parfaite compréhension avec l'ensemble des acteurs du
projet. Les facteurs de base sont :
Facteur clé 1 : La construction
d'un référentiel de valeurs consensuel est un préalable
à tout projet de changement. Ce qui passe par le calcul du coût
d'investissement, du retour sur investissement, etc.
Facteur clé 2 : Dépasser
l'approche mécaniste et déterministe lors de la phase de
planification pour privilégier la réactivité qui passe par
la planification, l'ordonnancement. Les outils le plus utilisés ici sont
le GANTT, le PERT ou le CPM, etc.
L'utilisation de l'analyse de la valeur garantit un recentrage
sur les besoins essentiels afin d'éliminer les coûts inutiles.
L'analyse de la valeur ne sert pas uniquement à définir le
meilleur coût. Elle est aussi de la première importance pour
bâtir un référentiel de compréhension commune des
attendus du futur système en cours de réalisation.
AXE 2 : Adopter un style de management
coopératif
Dynamiser la coopération étendue, ce n'est pas
coordonner l'origine du projet ; le manager ne dispose pas de toutes
les cartes et ne peut dicter à la virgule près les tâches
respectives. Seules les approches dynamisant la coopération de
l'ensemble des acteurs sont susceptibles de mener à la réussite.
Facteur clé 3 : Remplacer la
coordination des tâches par la synchronisation des rôles. Pour
cela, il faut mettre en oeuvre le management coopératif, encourager
l'initiative
Facteur clé 4 : Abandonner
réellement le mode de management autoritaire.
Il faut dépasser le cadre du management directif et
adopter un style de management "start-up".
Facteur clé 5 : Adopter des
principes de management d'équipes favorisant la coopération
interne et externe. Ce qui nécessite la construction des
équipes, la coopération et l'autonomie, le partager des valeurs
et enfin la poursuite d'un but commun.
AXE 3 : Développer les outils de
pilotage
Réussir un projet, c'est maîtriser l'art de la
subtile symbiose entre les hommes, les techniques et les enjeux
économiques.
Développer les outils d'assistance à
l'anticipation n'est pas seulement mesurer, faire un contrôle
répressif, sans pour autant contribuer à la limitation des
dérives. Seule la mise en place de véritables outils d'assistance
à l'anticipation, intégrant notamment la gestion des risques et
des menaces, permettra de prévenir les fausses routes.
Facteur clé 6 : Mesurer la
performance pour assister la prise de décision à travers la
construction du tableau de bord du projet
Facteur clé 7 : Ne pas se
contenter de mesurer les délais et les coûts sans assurer le suivi
des enjeux.
Facteur clé 8 : Adopter une
démarche d'amélioration continue.
Facteur clé 9 : Anticiper les
risques d'échecs.
AXE 4 : Accompagner le changement
Faciliter l'intégration, ce n'est pas uniquement mettre
en oeuvre. Les approches parcellaires des projets sont à l'origine de la
création de nouvelles frontières, véritable rupture de la
continuité de services autant sur les plans organisationnels,
technologique que culturel. Facteur clé
10 : Intégrer les projets dans la chaîne de
valeur.
Les actions à mettre en place sont :
- Identifier la chaine de valeur,
- Intégrer le projet dans toutes les dimensions
organisationnelle, technologique et culturelle au coeur de la chaîne de
création de valeurs.
Facteur clé 11 : Assurer un
pilotage actif du changement de bout en bout à travers la conduite du
changement en pratique.
Facteur clé 12 : Intégrer
les coûts directs et indirects du processus d'intégration dans les
budgets initiaux avec la préparation du budget financier de la conduite
du changement.
Une profonde analyse de ces trois modèles permet de
faire les constats suivants :
Le modèle COLLERETTE et Al., bien que donner une bonne
orientation de la conduite du changement organisationnel, reste trop focaliser
vers la gestion des processus car il ne met pas un accent particulier sur le
facteur humain.
Par contre GROUARD et MESTON, en plus de pendre en compte le
côté processus, s'attardent plus sur l'aspect humain dans le
processus de conduite de changement.
Pour finir, nous dirons que FERNANDEZ quant à lui,
oriente sa réflexion sur la conduite de changement vers une approche
quantitative, l'analyse de la valeur. D'où le développement des
outils d'analyse des coûts comme système de pilotage des projets.
Après toutes ces observations et au regard des
objectifs de cette étude, nous arrivons à la conclusion selon
laquelle, seul le modèle de GROUARD et MESTON pourrait mieux s'adapter
à la conduite du projet Guichet Unique Electronique. Ce choix se fonde
sur le fait qu'en plus de son orientation processus, ce module met un accent
particulier sur le facteur humain qui est la clé de la réussite
de ce projet.
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