De l'action en réduction des libéralités excessives en droit comparé rwandais et congolais( Télécharger le fichier original )par Fabrice KASEREKA MUSAVULI Université de Goma - Licence 2011 |
§2. Réduction des libéralités portant sur les biens mobiliers et immobiliers en droit congolaisIl faut le rappeler, c'est à l'ouverture de la succession que les héritiers réservataires peuvent intenter l'action en réduction lorsque leur réserve héréditaire a été entamée par les libéralités excessives. Nous savons que par les libéralités le disposant consent des biens mobiliers ou immobiliers qui peuvent faire l'objet du rapport ou de la réduction. A. Biens ou droits réels mobiliers. Aux termes de l'art.4 de la loi n°73 - 021 du 20 Juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et régime immobiliers et régime des sûretés telle que modifiée et complétée par la loi n° 80 - 008 du 18 Juillet 1980, « sont mobiliers tous les autres droits patrimoniaux et notamment les actions et intérêts dans les sociétés, associations et communautés qui jouissent de la personnalité civile encire que les immeubles appartiennent à l'être moral ». A la lumière de cette disposition, notre attention se cristallise sur l'action tendant à réduire le bien mobilier constituant une libéralité excessive. Il faut indiquer que l'objectif de la réduction c'est la restitution des biens disposés gratuitement au-delà de la quotité disponible afin de pouvoir reconstituer la masse successorale. Le cas particulier de la donation de somme d'argent nous intéresse particulièrement. Nous pouvons assimiler cette somme d'argent comme un droit patrimonial. Pour la réduction d'une telle donation, cératines solutions sont applicables : a. Premier cas, -le donataire n'a pas employé les deniers donnés : le montant à réunir fictivement est celui de la somme donnée : ceci en vertu de l'application du principe du nominalisme monétaire b. Deuxième cas, -le donateur a employé des deniers dans l'acquisition d'un bien dont la dépréciation, en raison de sa nature, est inéluctable. La valeur à réunir fictivement est celle du montant de la somme donnée. c. Troisième cas, -le donataire a employé les deniers dans l'acquisition d'un autre bien qui n'est pas en raison de sa nature, soumis à dépréciation inéluctable au jour de l'acquisition. La valeur a réunir fictivement est celle du bien subrogé au jour du décès du donateur, d'après son état au jour de l'acquisition. Il s'ensuit que les aliénations effectuées sur les biens à rétrocéder seront rétroactivement anéanties sous réserve cependant, pour les meubles, de l'application de la règle de l'art. 658 CCC L III, qui dispose qu'en fait des meubles, possession vaut titre ». B. Réduction des biens immobiliers. L'arsenal juridique congolais a connu une grande révolution en matière foncière à travers la promulgation de la loi foncière du 20 Juillet 1973. En réalité, cette loi a créé une rupture significative avec les lois de la période coloniale. Il est évident que le successeur tient ses droits du de cujus. Dès lors, l'étendue et la nature des droits acquis par l'héritier sont déterminés par l'étendue et la nature des droits du de cujus.90(*) Cependant ici notre analyse se focalisera sur la réduction d'un bien immobilier ayant fait l'objet d'une aliénation, et avant cette étape nous analyserons le principe d'inattaquabilité des droits consacrés dans le certificat d'enregistrement. 1. Définition du certificat d'enregistrement. De prime abord, la loi dite foncière n'a pas donné une définition claire du vocable « certificat d'enregistrement ». Voilà pourquoi c'est dans la doctrine Belgo-Française que paradoxalement nous allons chercher les éléments de définitions. En effet, bien que ne connaissant pas le certificat d'enregistrement dans leu système foncier, les droits belges et français connaissent néanmoins l'institution du certificat de propriété. Celui-ci est un acte par lequel un fonctionnaire ou un agent public atteste l'existence d'un droit sur une chose ou sur une valeur.91(*) Les auteurs congolais ne sont pas unanimes sur la définition à donner au certificat d'enregistrement. Pour le professeur KIFUABALA, les auteurs qui ont écrit à ce sujet, se bornent dans la plupart de cas, à souligner de manière tout à fait incidente, un aspect du certificat d'enregistrement. Ainsi, STENMANS, parlant ainsi de la force probante du certificat d'enregistrement, souligne qu'il est un instrument au quel la loi attache les effets de droit exceptionnel. HEYSE écrit tout simplement que le C.E est le véritable titre de propriété (...). C'est ainsi qu'eu égard aux éléments donnés, le Prof KIFUABALA dégage une définition : « le certificat d'enregistrement est un titre authentique établi par le conservateur des titres immobiliers qui constate l'existence et la consistance d'un ou de plusieurs droits réels immobiliers ou fonciers.92(*) Pour le professeur KALAMBAYI LUMPUNGU, le C.E. est un titre officiel qui atteste un droit dans ses contours. C'est un certificat de propriété immobilière enregistré conformément à la loi par un fonctionnaire en l'occurrence le conservateur des titres immobiliers qui, en délivrant, moyennant perception des droits par l'Etat opère la constitution et la transmission de la propriété intellectuelle.93(*) De toutes ces définitions proposées, nous pouvons dégager une définition avant de parler de l'inattaquabilité des droits consacrés dans le certificat d'enregistrement. Pour nous, le C.E est un acte authentique et dressé selon les formes légales, qui prouve l'existence du droit de jouissance d'un fond concédé par l'Etat et sur lequel acte sont mentionnées les charges réelles grevant ce fond ». a notre avis cette définition proposée pour nous ne sera pas à l'abri des critiques. 2. Inattaquabilité des droits constatés dans le C.E. La question de l'Inattaquabilité n'est pas récente. Elle a soulevé des controverses doctrinales. En effet, ce principe est né du système Torrens. Le Professeur KALAMBAY démontre que l'art.33 de l'Act Torrens disposait : « Tout certificat de titre dûment scellé et signé du Registrer fera foi en justice de son contenu et de son immatriculation et fera preuve que la personne, qui est dénommée, est réellement investie des droits qui y sont spécifiés. Un certificat de titre ne pourra être contesté ni annulé sous prétexte de notification insuffisante de la demande faite pour l'obtenir et de l'irrégularité dans la dite demande ou dans les formalités ». L'Act Torrens interdit donc contester le droit du titulaire du certificat d'enregistrement et consacre ainsi le principe de l'inattaquabilité du titre tant par les parties que par les tiers.94(*) Le législateur congolais du code civil livre II a suivi la même conception que l'auteur de l'Act Torrens, c'est-à-dire faire inattaquables les droits réels inscrits au certificat d'enregistrement. Il s'agissait de la théorie dite de l'absurdité du principe de l'inattaquabilité du certificat d'enregistrement. Cette théorie s'est instaurée jusqu'à 1980. L'art. 227 de la loi dite foncière, fut donc modifiée par l'art. 1er de la loi du 18 Juillet 1980. C'est ainsi que pour réduire un bien immobilier ayant été consenti comme libéralité, présente une complexité dans le cas où la mutation a été opérée. L'article 219 de la loi foncière dispose que « le droit de jouissance d'un fonds n'est légalement établi que par un certificat d'enregistrement du titre concédé par l'Etat ». Cependant, le donataire aura le droit de propriété ou le droit à devenir propriétaire sur le bien immobilier donné. Ainsi, les héritiers réservataires, en intendant leur action en réduction devant la juridiction compétente ne pourront demander au juge que de condamner le donataire aux dommages et intérêts. C'est aux termes de l'article 227 de la loi dite foncière qu'est dit : « le certificat d'enregistrement fait pleine foi de la concession, des charges réelles et, éventuellement, des droits de propriété qui y sont constatés. Ces droits sont inattaquables et les actions dirigées contre eux ne peuvent être qu'en dommages et intérêts. Toute fois, les causes de résolution ou de nullité du contrat ou de l'acte, ou l'erreur de l'ordonnance d'investiture donnent dans les deux années depuis la mutation, ouverture à une action en rétrocession, avec des dommages et intérêts, s'il ya lieu ». Toujours faut-il préciser, l'exposé de motifs de la loi n° 80 - 008 du 18 Juillet 1980 s'explique en ces termes : « Bien qu'il soit souhaitable qu'à partir d'un certain moment, les droits fonciers et immobiliers reposent sur une assise inébranlable, ce souci ne peut aller jusqu'à consolider le fruit des vices ou des manoeuvres frauduleuses. Or il a été observé que l'alinéa 2 de l'art. 227 de la loi foncière n°73 - 021 du 20 Juillet 1973 est à l'origine d'une interprétation qui considère le certificat d'enregistrement comme un voile juridique, couvrant toutes les indélicatesses en vue d'obtenir son établissement. Telle peut être l'économie d'un texte légal : il serait dans ce cas immoral et contraire à l'ordre public. L'art. 1er de la loi n°80 - 008 du 18 Juillet 1980 entend mettre en terme cette situation équivoque ainsi créée. Il maintient la règle de l'inattaquabilité du certificat d'enregistrement, mais uniquement en faveur d'un titre bien établi dans des conditions licites ou après l'écoulement d'un délai de deux ans. Ce sont les impératifs de la lutte contre les agissements délictueux dans le domaine des transactions immobilières - agissements qui minent la base de notre système d'enregistrement - et le principe même d'après lequel la fraude corrompt tout, qui rendent cette décision inéluctable ». Dans un délai de deux ans, après la mutation, l'action des réservataires ne peut qu'être en dommages et intérêts contre le donataire dont le comportement peut être fautif ou aussi l'action peut être en réduction en tenant compte de la valeur du bien au moment de la donation. * 90 L. NGHENDA, Op. cit., 1082. * 91 KATUALA KABA KASHALA, Le certificat d'enregistrement et le livret de logeur, (Jurisprudences et notes de lecture), éd. BATENA NTAMBUA, Kinshasa, 1998, p. 7. * 92 KIFUABALA TEKIZALAYA, Droit civil les biens : les droits réels fonciers, Tome I, Presses Universitaires de Lshi, 2001, pp. 416 et 417. * 93 KALAMBAY LUMPUNGU, « Protection juridictionnelle des droits de l'homme en matière immobilière », in Revue Juridique du Zaïre, n° spécial, p.109. * 94 KALAMBAY LUMPUNGU, Droit civil : régime foncier et immobilier, Op. cit., pp. 231-232. |
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