Transport de voyageurs en Afrique subsaharienne : le sud Bénin doit-il se réconcilier avec le chemin de fer ?( Télécharger le fichier original )par Sebastien BRION Ecole Supérieure des Transports (Paris) - Manager Transport et Logistique 2012 |
Section 3. Les nouvelles pratiques entrepreneuriales dans le transport de voyageursLa disparition progressive des sociétés publiques va rapidement laisser place au secteur privé, dans lequel va se glisser une offre de transport informelle plus ou moins controversée. Durant la crise des années 80, le transport de voyageurs va devenir alors un secteur refuge pour l'emploi. La demande de transport est telle que l'acquisition et l'exploitation d'un véhicule de transport en commun10(*) représente un véritable investissement à rendement rapide. Les investisseurs privés opèrent selon un principe bien rôdé. Le véhicule (moto taxi, voiture, minibus) est loué à la journée au chauffeur et à son équipe (constituée de receveurs, rabatteurs de voyageurs). En effet, il faut distinguer les conducteurs non propriétaires (profil bachelier autour de la trentaine), les conducteurs propriétaires et les propriétaires non conducteurs (appelés aussi investisseurs satellites). Le montant forfaitaire est alors versé chaque soir « au patron ». Les recettes supplémentaires, c'est-à-dire tout ce qui est perçu au-delà, reviennent au chauffeur et à son équipe. Pour être encore plus rentable, les opérateurs-conducteurs font ce que l'on appelle des transports mixtes, c'est-à-dire conduisent et transportent sans distinction, passagers et marchandises. Cette nouvelle forme d'exploitation va entrainer des dysfonctionnements économiques importants et va aussi avoir un impact sur les activités des marchands ambulants, qui transportent leurs produits, plus cher que s'ils le faisaient par le train. Les coûts élevés du transport seront répercutés sur les prix des marchandises, compressant un peu plus le pouvoir d'achat des Béninois, inhibant la consommation. Hormis le recours à cette pratique pour le transport de marchandises, il n'existe pas d'autres solutions plus économiques aujourd'hui. Le transport de marchandises par les gens est l'un des traits particuliers du transport en Afrique. Après enquête, (sondage prix des transports terrestres routiers Avril 2012, en annexe 6). « Le ticket de transport » pour un trajet dans le Grand Cotonou coûte entre 150 et 500 francs CFA (soit 38 centimes d'euro), en moyenne. Pour un trajet entre le Grand Cotonou et la moyenne couronne, il faut compter à peu près 1 000 francs CFA (soit 1,52 euro) et un déplacement entre Cotonou et la grande couronne coûte autour de 1 800 francs CFA (soit environ 3 euros). Les déplacements sont devenus un poste de dépense de plus en plus écrasant, d'autant plus que les prix sont indexés sur le prix des carburants. Il n'existe pas de grille tarifaire voyageurs et chaque exploitant fixe librement ses tarifs. En simulant une hausse du prix du billet de train de 1,5% par an, le mode ferroviaire resterait encore plus abordable que le mode routier qui serait de 1,6 à 2,4 fois plus cher (prix des transports en train en 1983, en annexe 7).
FIGURE 6 - COMPARAISON DES TARIFS FERROVIAIRES SIMULES ET ROUTIERS, EN FRANCS CFA (655 F CFA = 1 EURO). Source : S. BRION, 2012 Nous ne disposons pas malheureusement des tarifs routiers voyageurs de 1983, mais en supposant qu'ils étaient proches de ceux du train la même année, on peut dire que le prix des transports dans le routier aurait subi une hausse de 228% entre 1983 et aujourd'hui, tandis qu'il aurait augmenté de 54% pour le train, sur la même période étudiée. Globalement, les Sud Béninois paient très cher leurs déplacements. Alors que le ticket minimum au Sud Bénin est de 22 centimes d'euro, soit un trajet très court, le Caire qui s'est doté du métro à partir de 1980, transporte la population à partir de 16 centimes d'euro. * 10 Véhicule à moteur comprenant plus de 9 places assises, y compris celle du conducteur. |
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