Transport de voyageurs en Afrique subsaharienne : le sud Bénin doit-il se réconcilier avec le chemin de fer ?( Télécharger le fichier original )par Sebastien BRION Ecole Supérieure des Transports (Paris) - Manager Transport et Logistique 2012 |
CHAPITRE 2. Un train de croissance pour le Sud BéninSection 1. Un train pour la prospérité économiqueMême si le transport terrestre de voyageurs reste aujourd'hui un grand pourvoyeur d'emplois, il est loin de stimuler la croissance et corrompt plutôt tout le système économique (mise en place d'une économie parallèle, entrainant des pertes fiscales importantes). La relance du chemin de fer voyageur Sud Béninois peut être perçue comme une opportunité pour la prospérité économique de la région. L'exploitation ferroviaire est génératrice d'emplois directs (chantier de la réhabilitation du réseau ferré, assemblage des voitures, maintenance des équipements, exploitation de la ligne) et indirects (commerces, hôtellerie restauration, tourisme). « La présence de commerces à proximité des lieux de transit correspond au désir des entrepreneurs marchands de capter une clientèle en mouvement, de passage, mais aussi celui d'être aisément accessible. Les commerces eux aussi offrent aux transporteurs une destination en plus d'une fonction de transit, destination qui ne peut être qu'un élément de valorisation et de rentabilisation accrue des lignes qui la desservent »45(*). Par extension, c'est grâce au transport de masse que l'on peut développer les échanges et stimuler la consommation à grande échelle. Dans le cas présent, le développement des activités commerciales dépend donc du développement des transports. Le rail doit être considéré comme le fer de lance de l'économie au Sud Bénin. Section 2. Développer la qualité de pôle régional du Sud BéninIl existe une multitude de pôles qui rythment et concentrent des activités humaines. On peut définir un pôle comme « le pôle dans son acceptation courante, non seulement structure de l'espace, l'aimante, mais se situe dans cet espace comme un centre, un point d'attraction et de rayonnement »46(*). Le triangle du pôle d'échanges. Laurent GILLE 47(*) insiste sur la relation entre pôle et place d'échanges. Pôle et place d'échanges ont deux fonctions distinctes. Un pôle d'échanges fait se produire des transitions, (c'est-à-dire qu'il permet d'assurer des correspondances) tandis que la place d'échanges entraîne des transactions. Sans le pôle, il est difficile de développer une place d'échanges efficace et dynamique. Pour ainsi dire, le pôle d'échanges, subordonne ou fait naître une place d'échanges. Les places d'échanges doivent donc être desservies suffisamment au moyen d'une infrastructure de transport, pour assurer la fréquentation. On ne peut qualifier un pôle d'échanges si celui-ci ne réunit pas les prérequis pour se constituer en tant que tel.
FIGURE 19 - ELEMENTS CARACTÉRISTIQUES D'UN POLE D'ECHANGES. Source : BRION, 2012 Le Sud Bénin abrite des places d'échanges importantes bien connues (le marché international de Dantokpa à Cotonou, marché des véhicules d'occasion à proximité du port) qui attirent les commerçants de toute la sous-région. L'insuffisance et le sous-dimensionnement des transports peuvent jusqu'à produire l'effet inverse en asphyxiant ces places d'échanges, qui enregistrent une saturation, perturbant le fonctionnement et l'organisation des grands marchés urbains. Le Sud Bénin dispose également d'atouts touristiques. Néanmoins, les difficultés de raccordement de ces lieux d'échanges sont telles qu'elles limitent leur expansion. Le désenclavement des territoires pour dynamiser les échanges et créer de nouvelles relations. Le transport public régional est embryonnaire voire quasiment inexistant. De par la géographie du territoire, le Sud Bénin ne dispose pas d'axes naturels satisfaisants, qui lui permettent de relier efficacement les villes entre elles. Même la voie lagunaire, ancienne liaison fluviale entre Porto Novo et Cotonou, n'est plus opérationnelle. Le désenclavement ou la mise en relation entre deux ou plusieurs autres territoires, aurait pour effet d'amorcer une dynamique à l'échelle régionale.
FIGURE 20 - REPRESENTATION SCHEMATIQUE DE REDRISTRIBUTION SPATIALE AVANT ET APRES DESENCLAVEMENT. Source : BRION, 2012 Aujourd'hui les populations sont réticentes à s'éloigner des centres ou à s'installer loin du Grand Cotonou, quasiment seul à regrouper des services : le centre national hospitalier universitaire, les activités industrielles, les grandes institutions politiques et religieuses, les sièges des organismes internationaux, l'aéroport, le PAC, les principaux équipements culturels, les grandes écoles. Et l'absence d'un système de transport efficace n'a fait que renforcer le phénomène de macrocéphalie urbaine du Grand Cotonou. Le développement de l'infrastructure ferroviaire devrait être capable d'impulser une émigration des activités économiques en sens inverse et provoquer un desserrement urbain, au profit des villes secondaires du Sud Bénin. La planification des transports améliorerait l'aménagement du territoire et notamment l'apparition de nouveaux pôles secondaires d'habitations, la délocalisation des unités urbaines plus au Nord et viendrait comme soulager le Grand Cotonou. La possibilité d'un réseau circulaire. Le réseau ferré sud béninois décrit un large « U ». La construction de la rocade Toffo - Pobé pour fermer ce « U » est une proposition tout à fait intéressante, puisqu'elle formerait une boucle ferroviaire de 250 kilomètres environ, reliant à la fois les territoires du Grand Cotonou, avec ceux des moyenne et grande couronnes. Enfin, la construction de cette rocade présenterait un double avantage. Ce serait d'abord une simplification de l'exploitation du réseau ferroviaire et ensuite une meilleure connexion entre les villes secondaires du Sud Bénin, faisant ainsi disparaitre au passage, la notion de « lignes terminus ». * 45 [STE, 2010] * 46 [GIL, 1999] * 47 Enseignant-chercheur au Département de Sciences économiques et sociales de Telecom Pari Tech depuis 2002. |
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