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Christiania : micro-société subversive ou "hippieland" ?

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par Félix Rainaud
Université de Poitiers - Master 1 Sociologie 2012
  

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3.2 Vivre la ville autrement

L'une des choses les plus marquantes à Christiania concerne le rapport à la ville et la façon de vivre la ville :

Notes de terrain

Les routes sont en réalité des chemins de terre ou pavés, tout ce qui est communément appelé « mobilier urbain » est quasiment absent, exception faite du mobilier réellement utile et directement fonctionnel : poubelles, bancs... Il n'y a pratiquement pas de réverbères, du fait de la volonté d'économiser l'électricité, ce qui crée une atmosphère très sombre, en particulier l'hiver lorsque la nuit tombe dès 15h30 et que Christinia est plongé dans le noir. Il n'y a pas non plus de plaques de rues étant donné qu'il n'y a pas officiellement d'adresses (à l'exception d'une rue en hommage à une célèbre chanteuse de reggae danoise d'origine jamaïcaine décédée dans un accident de voiture : Natasja's Gade). Des panneaux de communications sont en revanche disposés dans de nombreux endroits. Ils annoncent souvent des journées d'actions (`aktionsdag') qui sont ouvertes à la bonne volonté de tous. Il s'agit souvent en l'occurrence de venir aider au nettoyage des chemins, des berges du lac, ou bien de réaliser des constructions un peu plus importantes. Il y a en revanche plusieurs espaces pour enfants avec balançoires, toboggans... Il y également quelques toilettes et des range-vélos. Les voitures étant interdites il y a une borne rétractable à une entrée, et peu de places de stationnement à l'extérieur. Les sucettes publicitaires, abris-bus, et toutes les petites choses qui contrôlent l'usage que l'on a traditionnellement de la ville (potelets, carrefours, passages piétons, trottoirs, etc...) sont ici inexistants et remplacés par des oeuvres d'art (parfois très sommaires il faut le reconnaitre), laissant transpirer une ambiance et un sentiment de liberté.

Cette observation est confirmée par le récit qui est fait par John Jordan et Isabelle Fremeaux dans « Les sentiers de l'utopie » : « Nous marchons le long d'un mur de fortification de ce qui ressemble, de l'extérieur, à une cité médiévale. Au bout de quelques minutes, nous nous retrouvons face à une arche de pierre marquant l'entrée de cette mystérieuse enclave. Soudain, c'est comme si nous avions pénétré un autre monde ou une autre époque. Au lieu de la ville frénétique que l'on vient de laisser derrière nous, l'endroit est incroyablement paisible. Pas de lampadaires, pas de néons, pas de panneaux publicitaires. Au lieu des cris stridents des klaxons et du brouhaha assourdissant des moteurs, il n'y a que le calme des rues pavées et des simples chemins de terre battue où seuls circulent vélos et piétons. Nous sommes au coeur d'une capitale européenne et, pourtant, on peut respirer, voir les étoiles, discuter sans avoir à élever la voix ! Bienvenue à Christiania, « Libre Ville » depuis 1971, chef-lieu de l'imprévu » (FREMEAUX & JORDAN 2011 : 269).

Ce qui est valable à Christiania pour le mobilier urbain, l'est encore plus en ce qui concerne l'architecture. La fantaisie architecturale de Christiania contraste très nettement avec l'homogénéité architecturale des centres-villes modernes : « les bords du lac sont parsemés de maisons fabriquées au cours des années par les Christianites, avec pour seules restrictions leurs goûts, leurs envies, leurs fantasmes. On y trouve au hasard une maison flottante, un luxueux chalet de bois ou une habitation entièrement faite de verre ; plus loin, une sorte de vaisseau spatial semble posé à côté d'un arrangement complexe de baraques de chantier décorées de peintures d'inspiration népalaise » (ibid. 271).

L'architecture joue aujourd'hui un rôle majeur dans l'organisation et la pratique de la ville puisqu'elle a été associée à une idéologie liant à la fois des dimensions esthétique, historique, mais surtout aussi économique. Ce n'est pas un hasard si dans nos sociétés l'architecte occupe une place à part et est considéré comme une profession intellectuelle supérieure. Il se distingue clairement des autres métiers de la construction (pour la plupart manuels), distinction qui est le résultat de la division du travail, et qui élève l'architecte au rang de spécialiste et d'intellectuel (dans la mesure où il est celui qui est capable d'imaginer le futur bâtiment parce qu'il maitrise les mathématiques, la géométrie, qu'il peut visualiser et créer un plan avec les bonnes proportions, etc...) (SEGAUD, 2010).

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite