Section 1 : Mise en évidence des effets non
keynésiens
Les résultats empiriques semblent «
confirmer» la possibilité d'effets non keynésiens des
politiques budgétaires sur l'investissement, à cause notamment
:
a) des comportements d'investissement non-keynésiens
;
b) de l'efficacité mitigée de l'emprunt
à long terme.
1.1. Comportement d'investissements non
keynésiens
Il semble que, à court terme, tout accroissement du
déficit tend à réduire la propension à investir des
firmes. Le signe négatif relatif au coefficient du ratio du solde
budgétaire (-2.82) indique en effet qu'une augmentation de 10 % du
déficit entraîne, en moyenne annuelle, une baisse de
l'investissement de 28.2 %. On est enclin à admettre l'effet
néo-ricardien des déficits publics sur le comportement
d'investissement que bon nombre d'auteurs ont également mis en
évidence dans les pays africains (SERVEN, 1998 ; PATILLO, 1998). Cette
sensibilité des entreprises aux déficits publics s'explique
principalement par le rythme élevé de progression du ratio
d'endettement des années 90 au Tchad.
Les comportements non-keynésiens, mis en évidence
ici, s'expliquent principalement par la perception du secteur privé de
l'engagement de l'Etat à
faire face à sa contrainte budgétaire inter
temporelle. Il est donc possible qu'il y ait une perte de
crédibilité des agents économiques privés sur la
capacité de l'Etat à faire face à sa contrainte
budgétaire. Cette perte de crédibilité se traduit par le
désintérêt des détenteurs de capitaux à
investir. Le solde budgétaire a un effet positif et significatif
à long terme sur l'investissement, ce qui n'est pas le cas à
court terme puisque le ratio du solde budgétaire a un signe
négatif.
1.2. L'efficacité mitigée de
l'emprunt
Les résultats obtenus révèlent par
ailleurs qu'à long terme le solde budgétaire a un effet positif
et significatif sur l'investissement public au Tchad. La valeur du coefficient
de long terme associé à cette variable est de +2,09, ce qui
signifie que l'emprunt a un impact positif sur l'investissement public. Ce
résultat met en mal la théorie économique, selon laquelle
toute hausse des dépenses publiques provoque une baisse de la production
du fait de ses effets défavorables sur les anticipations des agents
privés.
En revanche, il conforte l'idée selon laquelle la
politique budgétaire menée au Tchad est soutenable à long
terme. Les autorités publiques peuvent ainsi utiliser les variations du
solde budgétaire pour stimuler l'investissement public.
Ce résultat soutient les travaux, (MODIGLIANI et al,
1998; CREEL, FITOUSSI et LE CACHEUX, 2002 ; CREEL, BLANCHARD et GIAVAZZI, 2004)
selon lesquels, dans un contexte où les dépenses non productives
(en particulier salariales) de l'Etat sont difficiles à réduire
et les impôts difficiles à augmenter, l'ajustement
budgétaire peut se faire au détriment des dépenses
d'infrastructures, pourtant essentielles. Ainsi, l'adoption d'une «
règle d'or » des finances publiques, permettant aux gouvernements
de recourir à l'emprunt pourvu que cet emprunt soit consacré
intégralement à des dépenses d'investissement est
envisageable.
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Le gouvernement pour l'orientation de sa politique
budgétaire à long terme doit également tenir compte du
ratio d'endettement, parce qu'une politique budgétaire viable suppose
que le niveau d'endettement (courant et futur) soit faible. Or, les
résultats des tests révèlent que le ratio d'endettement,
ainsi que nous l'avions souligné plus haut, a un effet significativement
négatif sur l'investissement à long terme. Le coefficient
associé à cette variable est de - 0.28, ce qui signifie que
l'utilisation de l'emprunt comme moyen pour financer l'investissement public
à long terme, n'est pas capable de stimuler la production. Ce
résultat n'est pas sans précédent dans la
littérature empirique. Particulièrement, ce résultat se
trouve dans les travaux d'ALESINA et PEROTTI (1995), SERVEN (1997) et GIAVAZZI
et PAGANO (2000), à propos desquels une économie à dette
publique élevée accroît l'incertitude des agents
économiques.
Les résultats de l'estimation semblent donc indiquer
que les variations du solde budgétaire sur l'investissement ont des
effets non keynésiens, parce qu'elles sont utilisées dans un
régime d'endettement public élevé. L'efficacité de
la politique conjoncturelle de relance par la hausse des dépenses
publiques devient ainsi sans effet. N'ayant pas de marges suffisantes dans le
domaine des finances publiques, l'Etat est incapable de mettre en oeuvre les
programmes appropriés en matière de dépenses et de
fiscalité, une part importante des dépenses étant
consacrée au service de la dette publique.
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