Section 2. Les implications en termes de Politique
Economique
Les politiques dont il est question portent en premier lieu
sur la réduction de la dette publique et en second lieu sur la
nécessité de mise en place d'une politique de relance et de
discipline budgétaire.
2.1. Les politiques de réduction de la dette
publique
Il ressort de nos résultats qu'une augmentation de la
dette publique entraîne à long terme, une réduction de
l'investissement public.
A cet effet, il convient de se poser deux questions
essentielles : jusqu'où ira la dette publique ? Quel sera son impact sur
le bien-être des générations futures ? Evidemment ces
interrogations posent les problèmes de soutenabilité et de la
neutralité de la dette. Ces problèmes trouvent leur fondement
dans un taux de croissance élevé de la dette publique tchadienne.
Aussi, sommes nous conduit à nous pencher sur les recommandations de
politique économique susceptibles de réduire l'endettement de
l'économie tchadienne.
De telles politiques tournent autour de l'augmentation des
recettes fiscales et de la baisse rationnelle des dépenses
budgétaires. La nécessité d'élargir l'assiette
fiscale et de réduire, de manière rationnelle, le niveau de vie
de l'Etat devient important lorsque les taux d'intérêts sont
sensiblement plus élevés que le taux de croissance de
l'économie.
a. L'augmentation des recettes fiscales
Les principales politiques utilisées à cet effet
sont :
1) la mise en place des droits d'accises (taxe sur la pollution)
;
2) la canalisation du secteur informel (il génère
des centaines des millions de francs CFA qui échappent au contrôle
du trésor public) ;
3) l'intensification du contrôle relatif au recouvrement
des recettes de l'Etat(le respect du principe de l'unité de caisse)
4) la dynamisation et la diversification soutenue de
l'économie tchadienne. Si l'investissement est productif, la dette sera
épongée par l'augmentation de l'activité économique
et par voie de conséquence celle de la base de l'imposition.
Toutefois, la promotion d'un tel investissement public
nécessite le respect des conditions telles que la bonne gouvernance, la
mise en place d'un code d'investissement public...
32
b. La réduction des déficits
budgétaires
Les principales mesures pour minimiser les dépenses
budgétaires sont entre autres :
1) la programmation des emprunts publics ;
2) la promotion d'une stratégie d'endettement par
emprunts obligataires ;
3) la création d'une centrale autonome
d'évaluation et de sélection des projets d'investissements ;
4) la réalisation des paiements anticipés de la
dette8 ;
5) la mise en place d'un pacte de soutenabilité nationale
de la dette publique qui tient compte des ressources disponibles de l'Etat ;
6) la définition d'une cible d'endettement (un niveau
optimal de l'endettement).
L'option d'un ajustement par une réduction des
dépenses publiques est souvent présentée par les
institutions internationales comme l'aspect principal de l'ajustement des
finances publiques, en raison d'un niveau excessif des dépenses
gouvernementales et du rôle prépondérant de l'Etat dans les
économies des pays moins avancés.
Il convient cependant de faire observer que cette option de
réduction systématique des dépenses publiques ne repose
pas sur une analyse pertinente, notamment, celle de la dynamique conjointe des
recettes et des
dépenses publiques. Se pose alors la question de la
relation de causalitéentre les recettes et les
dépenses publiques, une condition nécessaire du
retour à une situation de politique budgétaire
soutenable serait de spécifier les origines des déficits, afin de
mieux orienter la politique de financement de celles-ci (ENGONE, 2002). La
réduction de la dette publique passe également par une
stimulation de la croissance.
8 Il s'agit pour le Tchad, pays producteur du pétrole,
d'utiliser les surplus des recettes pétrolières inhérentes
des hausses successives et inattendues des prix de pétrole, pour les
paiements anticipés de la dette.
2.2. De la nécessité de la mise en oeuvre
des politiques de relance à la nécessité de la discipline
budgétaire
Le financement des politiques de relance par l'emprunt, moyen
privilégié, devient difficile puisque la dette publique est
déjà importante. Il est donc nécessaire de recourir
à des nouvelles sources de financement et d'utiliser avec discipline les
ressources obtenues.
a. La nécessité de privilégier des
nouvelles sources de financement
Notre étude ne s'est pas intéressé
à la question de déterminer le niveau optimal de la dette
publique qui sera compatible à des objectifs de croissance. Cependant,
partant du constat que le niveau de la dette publique influence
négativement l'activité économique, il convient
d'explorer, les pistes alternatives de financement de l'investissement public
au Tchad. Le moyen le plus efficace pour financer les dépenses publiques
d'investissement est de mobiliser les ressources nationales et cela
nécessite l'amélioration des recettes fiscales, l'accroissement
de l'épargne intérieure et la dynamisation du marché
financier régional.
b. La nécessité de la discipline
budgétaire
« Les dépenses publiques jouent un rôle
fondamental dans la stabilité et la croissance des pays en
développement. Toutefois, l'orientation de l'investissement public est
importante. La plupart des pays en développement ne peuvent pas se
permettre d'accroitre l'investissement public dans tous les secteurs. Aussi,
apparaît-il nécessaire d'établir des priorités
» (GHOSH, 2007). A cet égard, l'Etat tchadien doit operer des choix
prioritaires en matière de dépenses publiques et ces choix
doivent être guidés par la nécessité de favoriser
l'investissement public dans une vision à moyen terme voire à
long terme, s'inscrivant dans une stratégie globale pour l'avenir. L'un
des enjeux majeurs pour le Tchad est de disposer d'une main d'oeuvre
qualifiée.
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En effet, toutes les mesures que nous avons mentionnées
plus haut ne peuvent devenir effectives si les moyens humains et intellectuels
ne s'y prêtent pas. En outre, l'Etat doit créer les conditions
pour une action plus efficace du secteur privé. Il faut donc consentir
à des investissements dans les domaines de santé, de
l'éducation et des infrastructures. La structure des dépenses
publiques est un élément déterminant de
l'efficacité des politiques budgétaires en général.
La stratégie des dépenses courantes doit être
orientée de manière à accroitre l'épargne publique
et à éviter les dépenses inopportunes.
L'Etat tchadien devra adopter une véritable discipline
budgétaire en matière des dépenses publiques si elle veut
que sa politique budgétaire soit bénéfique à
l'activité économique. La bonne gouvernance est encore ici
plus
qu'indispensable. Elle nécessite que les
autorités affirment une réelle
volontéd'assainir les finances publiques.
CONCLUSION GENERALE
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La présente étude, consacrée à la
détermination du lien entre l'emprunt et l'investissement public, et
plus précisément l'impact de l'emprunt sur l'investissement
public au Tchad, nous a permis de voir comment la dette publique (emprunt)
affecte les variables macroéconomiques comme l'investissement public.
Elle nous a également permis de montrer que l'environnement
macroéconomique influence significativement le rôle de l'Etat,
notamment les modalités de financement des dépenses publiques
d'investissement.
Il ressort de cette étude que la dette publique
(emprunt) exerce une influence négative sur l'investissement public
à long terme, Ce qui est en accord avec de nombreux travaux (GIAVAZZI et
PAGANO, 1990 ; BLANCHARD, 1990 ; VILLIEU et MINEA, 2008) qui identifient
l'existence d'un fort effet anti-keynésien des déficits publics
lorsque que la dette publique est élevée.
Partant de l'environnement économique tchadien, nous
nous sommes inspirés du modèle issu des travaux de BARRO (1990) ;
FUTAGAMI (1993) et repris par VILLIEU et MINEA (2008). Nous avons eu recours
à la technique la de co-intégration de JOHANSEN (1988) et
à l'estimation d'un modèle vectoriel à correction d'erreur
(MVCE) pour mettre en relief une liaison.
Au regard des enseignements de la théorie
économique, trois variables explicatives ont été retenues
: le déficit public, la dette publique et les recettes fiscales.
Les résultats obtenus confirment l'existence d'une
corrélation négative entre la dette publique (emprunt) et
l'investissement public au Tchad. De tels résultats inclinent à
affirmer que la dette publique n'est pas considérée comme une
richesse nette par les agents. Ces résultats traduisent le comportement
anticipatif et rationnel des agents économiques (agents ricardiens) en
ce qui concerne la hausse des impôts futurs pour rembourser les
intérêts de la dette et le principal.
Enfin, les résultats obtenus permettent de mettre en
relief les implications en termes de politique économique visant d'une
part, la réduction de la dette publique par le biais de l'accroissement
des recettes fiscales et la réduction des déficits
budgétaires et d'autre part, la nécessité de la mise en
oeuvre des politiques de relance à travers la nécessité de
privilégier des nouvelles sources de financement et la
nécessité d'instaurer une discipline budgétaire.
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