Avant les années 1990, l'Afrique était le
théâtre des conflits de basse intensité dont les effets
internationaux se résumaient pour l'essentiel aux mouvements non
négligeables de réfugiés. En dépit de la
démocratisation et souvent comme sa conséquence, on est
passé des coups d'Etat aux guerres civiles.
La guerre civile devient donc un moyen de s'approprier le
pouvoir et d'éviter la marginalisation sociale.
L'un des faits marquant de la plupart des conflits en Afrique
Centrale et plus particulièrement dont sont victimes respectivement
l'Angola, le Congo et la RDC, est sans doute la tendance à leur
propagation et diffusion hors des frontières nationales.
De ce fait, un inventaire des contextes sociopolitique et
sécuritaire dans ces trois pays s'impose.
Section I : LA SITUATION INTERNE AU CONGO BRAZZAVILLE
Paragraphe 1 : Le contexte sociopolitique au Congo
La République du Congo, couvre une superficie de
342.000km2, pour une population estimée de nos jours à 3. 894.000
et une densité de 8,5 habitants au Km2. Son taux de croissance annuelle
en 2008 était estimé à 5% pour une mortalité
infantile de 97% et une espérance de vie de 51ans.
La population congolaise se repartie en quatre groupes de
langue bantoue et a pour langue commune le kituba et le lingala. Sa langue
officielle est le français et sa monnaie le franc CFA (1euro= 655,57
CFA). L'école est gratuite et obligatoire pour les enfants de 6 à
15ans.
Ayant pour capitale Brazzaville, la République du Congo
est limitée au Nord par la République Centrafricaine, à
l'Est et Sud-est par la RDC, au sud-ouest par l'Angola (enclave de Cabinda),
à l'ouest par le Gabon et au nord-ouest par le Cameroun. Il
possède une façade maritime longue de 169km, ouverte sur
l'océan atlantique.
Le pays regorge plusieurs ressources naturelles et le
pétrole constitue la ressource minérale principale et faisant du
pays en 1982, le quatrième producteur africain. Les gisements de
pétrole se situe au large du littoral et le pétrole brut
représente traditionnellement 90% des exploitations annuelles du pays.
Le Congo exporte aussi le gaz naturel, le plomb, le cuivre, l'or et le bois.
L'industrie très protégée est
orientée surtout vers la production des biens de consommations.
Ces
usines, transforment les produits agricoles (huilerie, tabac, canne à
sucre...) et les
produits forestiers (scieries et usines de déroulage
de bois). Le Congo fabrique également des produits textiles du ciment et
du savon. Une raffinerie du pétrole fonctionne à
Pointe-Noire3. Le pétrole et le bois constituent les
principales recettes du Congo. L'économie informelle couvrirait plus des
3/4 des échanges commerciaux, échappant ainsi aux taxes et
à l'impôt.
Le transport entre Brazzaville et Pointe-Noire est manifeste
grâce aux 510km du réseau ferroviaire. Le réseau routier
plus dense comporte peu de routes revêtues. Le réseau fluvial
quant à lui permet d'atteindre les zones Nord-est du pays. C'est ainsi,
le Congo et ses affluents constituent avec le chemin de fer Congo Océan
(CFCO), l'essentiel des voies de transport faisant du Congo un pays de transit
pour ses voisins.
L'agriculture à elle seule occupe 34% de la population
active et contribue seulement pour 13% au PIB. Elle est essentiellement
fondée sur les cultures de subsistance. Les cultures d'exportation sont
: le palmier à huile, la canne à sucre, l'arachide, le tabac, le
café et le cacao. Les importations en 2007, s'élevaient à
3230 millions de dollars contre 2930 millions pour les exportations. Les grands
partenaires commerciaux sont en majorité ceux de la zone libre
échange de l'Afrique centrale.
L'élevage quant à lui, est encore à
l'étape primaire et constitue dans son ensemble des bovins.
Malgré ses richesses pétrolières et
l'importance de ses installations portuaires, l'économie du Congo,
après des années d'étatisation et une succession de guerre
civile (de 1993-1997), est en grande partie à reconstruire. Le PIB est
passé de 3 milliards en 1993 à 1,7 milliard en 1995, le PIB par
habitant tombant de 1230 dollars à 680 dollars. La dette
extérieure brute dépassait en 1993 les 6 milliards de dollars.
Ces difficultés financières et économiques ont pour cause
la mauvaise gestion et l'on fait passer du pays à revenu
intermédiaire (PRI) à un pays pauvre très endetté
(PPTE).
La République du Congo s'est trouvée
plongée dans des crises politiques immédiatement après
avoir accédé à l'indépendance le 15 Août
1960.
Pratiquement, toutes ces crises à connotation ethnique,
cause de la source et la perpétuité des tensions viennent des
conflits de pouvoir opposant les élites politiques et militaires et
provoquées par elles.
Les phénomènes de suspicion mutuelle et de la
rivalité politique ont été au coeur des différentes
crises congolaises. Ils se sont exacerbés lorsque le pays est devenu
réellement un Etat à parti unique en 1964.
Jusqu'au 15 Août 1963, date de révolution
congolaise marquant la chute du président Fulbert YOULOU
succédé par MASSAMBA-DEBAT, ce pays connut ensuite plusieurs
promu à une relative stabilité.
3 Deuxième ville de la RC ; capitale
économique.
Depuis lors, il n'a cessé de connaître de
sérieuses tensions politiques souvent marquées par de brutale
mutation. Le pays connut ensuite plusieurs changements de régime et des
assassinats politiques4.
L'ère MASSAMBA-DEBAT ouvra des portes à des
assassinats politiques. Le mouvement insurrectionnel de juillet 1968 conduit
Marien NGOUABI à la tête du pays, suivi de la débaptisation
du Congo, du changement de l'hymne nationale et des armoiries du Congo en
décembre 1969. La République du Congo devient la
République populaire du Congo et a pour idéologie le
marxisme-léninisme. De ce fait, le Mouvement National pour la
Révolution (MNR) parti unique céda la place au parti Congolais du
Travail (PCT).
Dans les années 1970, les conflits de pouvoir au sein
du PCT ont conduit à des assassinats politiques notamment ceux du
Président Marien NGOUABI et du Cardinal Emile BIAYENDA en mars 1977.
La gestion militaire du pays de mars 1977 à 1979 avec
le Comité Militaire du Parti (CMP) ayant à sa tête le
président Jacques Joachim YOMBI OPANGO, fut sombre et chaotique.
De 1979 à 1991, sous le règne de SASSOU NGUESSO
avec un régime monopartisme, le Congo s'est distingué par une
grande stabilité institutionnelle.
La tenue de la Conférence nationale en février
1991 ouvra les portes à l'ère démocratique et à
l'organisation de premières élections libres et transparentes
dont le vainqueur dans l'ensemble fut Pascal LISSOUBA, ancien premier Ministre
de MASSAMBA-DEBAT avec son parti politique, l'Union Panafricaine pour la
Démocratie Sociale (UPADS).
Suite aux diverses tensions dues aux appétits du
pouvoir, la gestion de l'Etat par Pascal LISSOUBA commença par une
guerre civile. Jean Pierre Colin écrit : « la guerre civile, avec
son cortège d'atrocités, pourrait bien être la forme de la
violence du 20ème siècle5 ».
La guerre civile de 1993-1994 a laissé se
sédimenter un climat de tension politique permanente et
d'insécurité exacerbée par la méfiance entre les
partis politiques antagonistes qui entretiennent de ce fait des milices
privées6.
Cette guerre a opposé les « zoulous »,
milice privée de Pascal LISSOUBA aux « Ninjas », milice
privée du leader de l'opposition à cette époque Bernard
KOLELAS appuyées par les « Cobras » du président
sortant D. Sassou NGUESSO. Elle fut apaisée par l'entrée de
l'opposition au gouvernement en 1995.
La reprise de la guerre était prévisible du
fait que l'Etat ne parvenait pas à contrôler les milices
partisanes.
A l'approche des nouvelles échéances en juin
1997, le Congo plongea de nouveau dans une
guerre civile qui se solda en
octobre 1997 par la victoire des forces démocratiques unies
4 Source internet : www.Ulaval.ca/ax1/Afriquecongo.htm
5 T de Mont Dial et J. Kleir, Dictionnaire de la
stratégie
6 OCDH et FIDH in arbitraire et impunité « les
droits de l'homme au Congo Brazzaville » avril 1998 p41
(FDU) ayant à son sein le PCT de Dénis Sassou
NGUESSO et alliés, appuyés par des forces armées
Angolaises et Tchadiennes, les anciens éléments de la garde
présidentielle du `feu' MOBUTU et les refugiés rwandais sur
l'espace républicain pour la défense de la démocratie et
l'unité nationale (ERDDUN) qui regroupait les partis politiques
soutenant Pascal LISSOUBA, appuyé par les éléments de
l'UNITA de Jonas SAVIMBI. La fin de la guerre fut marquée par l'auto
proclamation de Dénis Sassou NGUESSO comme Président de la
République et contraint à l'exil le camp déchu.
En 1999, les combats reprennent entre l'armée
appuyée par les anciens éléments des forces armées
rwandaises, des forces armées zaïroises (ex-faz), les forces
armées Angolaises et les milices de Bernard KOLELAS (Ninjas)
dirigées par le pasteur NTUMI représentant ce dernier en exil.
Les combats se déroulent dans les quartiers sud de Brazzaville et la
région du Pool avec extension dans les pays du grand Niari (Niari,
Bouenza et Lekoumou) impliquant ainsi les milices de Pascal LISSOUBA, les
« Cocoyes .»
Malgré la paix retrouvée en partie suite
à l'accord de cessation des hostilités de décembre 1999 et
le « dialogue inter Congolais sans exclusive » en mars-avril 2001
à Brazzaville, la région du pool reste le théâtre
des opérations militaires. Cette guerre a eu des impacts sur le plan
sécuritaire.
Pour répondre aux besoins de sécurité,
le gouvernement agit à travers la force publique. La force publique a
toujours existé dans ce pays, est-ce pour autant dire que la population
connaît une sécurité réelle ?
A cet effet, la force publique non fiable du fait de sa
politisation et de nombreuses atteintes au droit de l'homme qui lui sont
imputables prolifère des milices privées affilées aux
partis politiques. La présence des forces étrangères quant
à elle est à l'origine de l'imbrication de conflit aux
différents conflits que connaît le sous-région de l'Afrique
Centrale.
La guerre civile qui a affecté le Congo-Brazzaville en
trois phases (1993-1994 ; 1997 ; 1998- 1999) remonte à la
démocratisation qui s'est produite à Brazzaville au début
des années 90. Elle a opposé tout d'abord Pascal LISSOUBA
à son challenger des élections présidentielles de 1992,
Bernard KOLELAS. Contestant la valeur des résultats du premier tour des
élections législatives de 1993, KOLELAS appelle ses partisans
essentiellement les « Lari » des quartiers sud de la capitale
à boycotter la suite du scrutin, puis à ne pas reconnaître
le gouvernement formé par le nouveau premier Ministre Jacques Joachim
YOMBI OPANGO (ancien président du Congo de 1977-1979). L'armée
divisée ethniquement et politiquement refusa d'obéir aussi
aveuglement au chef de l'Etat Pascal LISSOUBA d'ailleurs en rupture avec son
prédécesseur, Dénis Sassou NGUESSO qui l'avait pourtant
fait élire7.
7 R. POUTRIER 1997 : les raisons d'une guerre incivile, Afrique
contemporaine n°166, avril-juin 1988, P 17
8 R. POUTRIER, Op cit. p.32
En 1993, les premiers combats entre milices rivales se
produisirent au départ dans Bacongo et
Makélékélé où les paisibles populations
vouées à la cause de ces deux leaders vivaient jadis en parfaite
harmonie. On assista pour la première fois à la destruction des
habitats des populations des unes dans les zones sous contrôle des autres
et vice-versa, au déplacement des citoyens fuyant la guerre, aux tueries
et autres exactions. La guerre gagna aussi les régions du Pool (fief de
Bernard KOLELAS). Dans ces régions en conflit, le mode d'action fut le
même que celui utilisé par les milices à Brazzaville. Cette
guerre causa la mort de 2000 personnes et de plus de 100.OOO
déplacés8.
Les miliciens « Cobras » de Sassou NGUESSO,
malgré leur présence dans les combats au côté des
« Ninjas » se sont manifestées dans les zones nord de
Brazzaville par les actes de terreur isolés, faisant ainsi du quartier
Mpila et ses environs une zone à haute insécurité.
L'atténuation de ces tensions et affrontements
armés fut manifeste avec la nomination de Bernard KOLELAS au poste de
Maire de la ville de Brazzaville. Ce dernier se rallia plus ou moins à
la coalition présidentielle.
La deuxième phase de la guerre commença lors de
la visite de Denis Sassou NGUESSO à Owando le 12 mai 1997 visite qui a
fait place à des règlements de comptes entre les partisans de
YOMBI OPANGO et ceux de Sassou NGUESSO, ayant ainsi donné la mort
à 12 personnes et occasionné le déplacement de plus de
4000 personnes qui vont trouver refuges à Oyo, village natale de Denis
Sassou NGUESSO.
Le 02 juin 1997, un convoi militaire à destination de
Brazzaville, composé des proches de YOMBI OPANGO est attaqué
à Oyo, bilan 4 morts et 10 blessés.
Dans le nuit du 04 au 05 juin 1997, les armes neuves sont
partagées dans les quartiers supposés être les fiefs de
Sassou NGUESSO et les FDU. Dans la matinée du 05 juin, la force publique
équipée par les engins blindés encercle la
résidence de Sassou NGUESSO. Ce fut le début des
hostilités à Brazzaville. Des échanges de coup de feu ont
rapidement pris de l'ampleur d'une fusillade dans toute la ville capitale avant
de se transformer en guerre civile dévastatrice.
La rapidité des événements dès le
5 juin démontre que les miliciens étaient extrêmement bien
préparés et prêts au combat.
Malgré de nombreux cessez-le-feu
régulièrement signés, et souvent violés, la guerre
s'intensifiait avec l'usage des armes lourdes par les belligérants.
Toutes les régions nord septentrionales tombaient les unes aux autres
aux mains des « cobras » de SASSOU.
Le 05 septembre 1997, Bernard KOLELAS nommé premier
Ministre, après prolongation du
mandat par le conseil constitutionnel
intronisé pour la cause pendant la guerre, mis fin à sa
neutralité et s'allia à Pascal LISSOUBA.
Malgré les bombardements intensifs des zones sous
contrôle des
cobras par l'armée de LISSOUBA, ceux-ci continuèrent de
résister militairement.
Le 14 octobre, un vaste offensif fut lancé et se solda
par la libération des zones sous contrôle de Pascal LISSOUBA. Les
fiefs du pouvoir déchu qui jusque là épargné par la
guerre vont peu à peu connaître le climat
d'insécurité sous le contrôle des FDU. On assista à
des actes de pillages, au règlement des comptes et à divers
formes d'exactions. Cette guerre a fait plus de 10.000 morts et provoqué
le déplacement de près de 800.000 personnes dont 50.000
réfugiés.
La troisième partie de cette guerre commence le 29
Août 1998, par la réaction violente des miliciens ninjas à
la suite d'exécution de trois de leurs membres accusés de
braquage. Cet événement a été un détonateur
de la rébellion armée qui a repris dans le pool avant de
s'étendre dans la région sud ouest du Congo
contrôlées par les cocoyes fidèles à Pascal
LISSOUBA, puis le sud de Brazzaville.
Après cet événement, les ninjas ont
riposté par la tuerie à Goma Tsé-tsé de 6
personnes, membres d'une délégation du Ministère de la
recherche scientifique en mission dans la localité. Ce qui a
été suivi par l'exécution de toutes personnes
supposées travailler pour le compte de D. S. NGUESSO et de son
gouvernement.
Au lieu d'assurer la sécurité de la population
civile du Pool, les forces armées gouvernementales appuyées par
les ex-faz, de l'armée Angolaise et des milices des FDU (cobras) se sont
livrés au pillage et à la destruction des maisons des
particuliers et des villages entiers, à diverses exactions, aux
exécutions arbitraires et règlement de compte tant dans les pays
du Niari. Les rebelles par contre ont procédé à des
opérations terroristes qui se manifestent par la destruction des
infrastructures sociales et étatiques, au sabotage des lignes
électriques, au pillage, aux assassinats et à l'utilisation du
bouclier humain, tout en semant la terreur au sein de la population
vouée à leur cause. Ce qui a contraint les populations de ces
contrées à chercher refuge dans les forêts, à
Pointe-Noire et dans les pays environnants, livrées à des
conditions sanitaires et matérielles précaires et sans
bénéfice d'aucune assistance humanitaire à l'exception de
ceux qui se sont faits déclarés réfugiés dans les
localités du sud du pays. En outre, alors que les combats se
poursuivaient dans les localités sud du pays, les ninjas se sont
infiltrés dès le 18 décembre 1998 dans les quartiers de
Bacongo, mfilou et Makélékélé, dans la zone sud de
Brazzaville.
Les forces gouvernementales prises de cours ont
été obligées de quadriller la zone puis procéder
aux bombardements intensifs afin de neutraliser et déloger lesdits
ninjas.
Un couloir humanitaire fut ouvert pour la circonstance. On
assista ensuite aux actes de pillages orchestrés par les
éléments de Sassou NGUESSO, vidant ainsi ces zones de leurs
richesses acquises9.
La rébellion dans le pool a été
menée par les ninjas et Tsilulu dirigé par le Pasteur Ntumi,
lieutenant de Bernard KOLELAS.
9 Amnisty International, Op.cit. p.22
Dans un contexte frontalier, avant l'ère
démocratique, le problème de sécurité au niveau des
frontières entre le Congo et l'Angola se limitait aux seules incursions
militaires des éléments de l'UNITA sur le territoire congolais du
fait du soutien du MPLA par exécutifs qui ont marqué la vie
politique congolaise.
C'est le soutien du président Pascal LISSOUBA à
Jonas SAVIMBI sur le plan militaire qui a été à l'origine
de l'intervention des forces Angolaises aux deux derniers conflits civils
congolais, et ceci dans le seul but de mettre fin aux bases arrière de
l'UNITA dans la partie sud-ouest du Congo.
Le nord septentrional du Congo quant à lui est l'objet
des incursions des forces armées de la RDC, à la poursuite des
rebelles de Jean Pierre BEMBA. Ces incursions sont source de la terrorisation
de ces populations, les exposant ainsi à plusieurs services. Dans ce
même contexte à des différentes périodes et sur la
base des suspicions, plusieurs bateaux de transport et de commerce ont
été confisqués par l'armée de la RDC sous pretexte
qu'ils contenaient des armes du mouvement national de libération du
Congo (MNLC) de jean pierre BEMBA.
Longtemps, sous le règne de MOBUTU, les tensions entre
la RDC et le Congo avaient été accentuées avec
l'ère KABILA père puis KABILA fils pour l'unique raison que le
Congo héberge les ex-faz danger potentiel pour la déstabilisation
des institutions de la RDC.
En outre, en demandant une aide militaire à l'Angola,
le pays s'est trouvé impliqué dans le grand conflit qui frappe
les pays des grands lacs.
Section I : LA SITUATION INTERNE EN RDC ET EN ANGOLA
Paragraphe 1 : La transition en RDC
Comptant en son sein près de 300 sous groupes
réunis en 7 groupes ethniques, avec une population estimée en
2007 à 58. 592.438 habitants pour une densité de 24 habitants au
km2, la RDC dispose d'importantes ressources et possède l'un des plus
grands potentiels hydroélectriques du monde.
Elle partage ses frontières avec la R.Congo à
l'Ouest, la RCA et le soudan au nord, l'Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la
Tanzanie à l'Est, la Zambie et l'Angola au Sud. Le pays est
majoritairement chrétien (plus de 80%), le français est la langue
officielle, le Swahili, le kikongo, le Tshilouba et le lingala constituent les
langues véhiculaires. En 2003, le taux de natalité était
de 45,15 pour mille, celui de la mortalité infantile de 97 pour mille
pour une espérance de vie de 48,9 ans et un taux
d'alphabétisation estimé à 88%.
L'agriculture occupe près de 60% de la population
active et représente plus d'un tiers du PIB, 3% seulement de la
superficie totale sont utilisés, le coton, le café, le caoutchouc
et le cacao constituent les cultures commerciales.
En 2001, le bétail comprenait 0,76 million de bovins,
19,6 millions de volailles, 4 millions de
caprins, 0,90 millions de moutons
et 0,95 million de porcs. La pêche pratiquée surtout en eau
douce, fournit une partie importante de l'alimentation. La
production du bois était de 69,8 millions de m3.
15% de la population active travaillent dans les secteurs
miniers et industriels et contribuent pour 17,5% au PIB. Les richesses du pays
sont constituées par les ressources minières, premier producteur
mondial du cobalt en 1996 avec 6100 tonnes, 2eme producteur mondial du diamant
en 1995 avec 20 millions de carats. Avant 1991, le cuivre était le
produit d'exportation le plus lucratif.
L'industrie s'est développée autour de
l'exploitation des minerais. Les gisements de pétrole en mer sont
exploités depuis 1975.
Sur la plan économique, malgré la richesse
minière du pays, son PIB a chuté de 10 milliards de dollars en
1991, à 5,3 milliards de dollars en 1995, soit un revenu annuel moyen
par habitant de 120 dollars. Le taux d'inflation en 1996 a atteint 75,3%. La
dette extérieure quant elle s'élève à 13,1
milliards de dollars sans compter plus de 5 milliards de dollars
d'arriérés de services de la dette.
Il est à noter cependant, qu'en raison de l'anarchie
et la désorganisation qui affectent le pays depuis de nombreuses
décennies, toutes les statistiques sont à prendre avec
prudence.
Ancien Congo Belge, ancien Zaïre, la RDC de part son
histoire été le théatre des mouvements séparatistes
qui ont laissé de profonde rancoeurs. Elle s'est confrontée
à une situation financière désastreuse, qu'elle parvient
difficilement à surmonter malgré ses potentialités
considérables10.
A l'origine de la crise de la RDC, on peut évoquer
d'abord l'influence d'un passé où l'ethnie est au coeur de
l'activité politique et cela remonte à l'aube de
l'indépendance. Cette crise, à cause e la juxtaposition des
conflits dans les pays voisins à la RDC, a fini par prendre des
dimensions régionales dont les causes sont aussi bien historiques,
politiques que sécuritaires.
1- Le contexte Politique
Politiquement, l'ancienne colonie belge a donné durant
les six (6) premières années de son indépendance une image
chaotique11.
De part ses immenses richesses qualifiées de «
scandale géologiques », la RDC fut la proie de deux grandes
puissances et n'est pas restée en marge de l'influence des deux blocs :
le bloc de l'ouest ou celui de l'OTAN dont le leadership est exercé par
les USA suivi des occidentaux d'une part et, du bloc de l'est ou pacte de
Varsovie dont le leadership est exercé par l'URSS avec à sa suite
tous les pays de l'Est d'autre part.
En pleine gestation, la RDC est écartée entre le
courant socio nationaliste incarné par P.
LUMUMBA, Pierre MULELE,
SUMIALO, Laurent Désiré KABILA et le courant capitaliste
10 Source internet : www.t/
Fg.ulaval.ca/ax1/Afrique/Czaïre.htm
11 Jeune Afrique l'intelligent n° 2089 du 23-29 janvier
2001 p1-20
défendu par Joseph KASAVUBU, Moïse TSOMBE et plus
tard relayé par Joseph Désiré MOBUTU.
Au lendemain de l'indépendance, la RDC s'est vue
plongée dans deux guerres civiles. Ainsi, il faut porter du
crédit au régime du Maréchal MOBUTU SESE SEKO pour le
rétablissement de l'ordre et le maintien de la cohésion
nationale. Effectivement, dès juillet 1960, la province du Katanga avec
à sa tête Moïse TSOMBE, fit sécession dans le
Kassaï du Sud. L'horrible guerre civile qui s'en suivit sur l'ensemble du
territoire fut marquée par l'intervention des mercenaires
étrangers (Belges, Français et Sud-africains), les casques bleus
de l'ONU et par l'assassinat de P. LUMUMBA en janvier 1961. La sécession
Katangaise pris fin en 1963, mais la rébellion des lumumbistes se
poursuivit jusqu'en 1965. A cette même période, le commandant en
chef, le Général MOBUTU, s'empara du pouvoir après avoir
déposé le président KASAVUBU, se proclamant ainsi
président de la République du Congo. Il instaura un régime
autoritaire du type présidentiel, fondé sur un parti unique, le
Mouvement populaire de la Révolution (MPR).
En effet, l'histoire du règne de MOBUTU est
jalonnée d'une série de purge et d'éliminations physiques
de tous les opposants à son pouvoir.
Dans les années 1970, il lance un vaste programme
d'africanisation. De ce fait, le Congo devient officiellement le Zaïre,
les noms des grandes villes furent rebaptisés, les prénoms
étrangers, les prénoms étrangers furent supprimés
au profit des patronymes traditionnels africains et devint obligatoire. La
monnaie nationale porta un nouveau nom : le Zaïre, plus tard le nouveau
Zaïre.
Entouré par les pays à idéologie
socialiste, durant tout son règne MOBUTU a eu à faire face
à divers mouvement déstabilisateurs soutenus par ses voisins.
C'est pour ces faits qu'il a eu à réprimer grâce au
concours des ses alliés extérieur en 1997 et 1978, deux
importantes tentatives de mouvement sécessionniste Katangais au Shaba en
provenance probablement de l'Angola. Les 32 ans du règne autoritaire
avait rendu MOBUTU impopulaire12 . L'ère démocratique
fut marquée par différents troubles sociaux qui se solda par la
plus longue conférence nationale que le monde n'ait jamais connu.
La situation politique et sociale demeure, en effet
incertaine, et l'afflux, depuis la fin de l'année de 1994, de 1,5million
de réfugiés rwandais hutu (fuyant la reprise du pouvoir par les
tutsi du front patriotique rwandais à Kigali en juillet 1994) à
la frontière orientale de la RDC contribue à aggraver les
désordres internes. C'est dans ce contexte, qu'après une
année de rébellion, les troupes de l'Alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent
Désiré KABILA, appuyées par les forces armées
burundaises, ougandaises, rwandaises et angolaises, parvinrent à marcher
sur Kinshasa en mai 1997, marche par laquelle MOBUTU fut contraint de se
réfugier au Maroc pour y décéder deux mois plutard.
12 Présentation RDC, source Internet : www.t/
fg.ulaval.ca/ax1/Afrque/Czaïre.htm
A son arrivée au pouvoir, KABILA suspendit toutes les
institutions de la république, et mis fin sans consultation au vaste
programme d'africanisation opéré par MOBUTU dans les
années 1970. Le zaïre devint la République
Démocratique du Congo et la monnaie (le Zaïre) devint le franc
Congolais.
Accueilli en libérateur en 1997, Laurent
Désiré KABILA commença à régner en
dictateur, recourant lui aussi à la répression
sévère, aux arrestations arbitraires et aux tortures. Les
congolais qui s'attendaient à de grands changements ont
été amèrement déçus.
La participation des forces étrangères aux
côtés de Laurent Désiré KABILA avait pour raison, la
question de sécurité des frontières que la RDC partage
avec les Etats concernés. Ceci porte à croire que les questions
de sécurité aux frontières sont momentanément
résolues.
KABILA interdit les activités des partis politiques,
manifestement publiques et s'octroie tous les pouvoirs (exécutif,
législatif et judiciaire), remettant ainsi en cause les acquis de la
conférence nationale chers à la classe politique. D'où les
postes de commandement de la nouvelle armée étaient aux mains des
officiers rwandais et ougandais.
Hormis la question de sécurité au niveau des
frontières, parmi les raisons cachées qui justifient la
présence des forces armées rwandaises au côté de
KABILA, il ya la promesse qu'avait faite ce dernier à Paul KAGAME dans
les prétendus accord de LEMURA, de lui céder une portion de son
territoire réglant ainsi le problème de la recherche des terres
par les rwandais. Engagement que KABILA n'a jamais tenu et qui est l'une des
causes de la guérilla à l'Est de la RDC13.
Le comportement hégémonique des rwandais qui ont
aidé KABILA ne tarde pas à resurgir les sentiments nationalistes
et anti tutsi au sein de la population. Tournant le dos à ses «
parrains », KABILA renvoie plusieurs ministres dont ceux d'origine
rwandaise et demande aux troupes ougandaises et rwandaises de quitter le
territoire. Ce qui du reste conduit à une nouvelle guerre civile
à l'est de la RDC le 02 Août 1998.
La nouvelle crise en RDC, oppose non seulement deux factions
rivales, mais des factions politiques armées, appuyées par des
armées étrangères régulières, en territoire
étranger. La RDC est à la fois victime d'une crise politique
interne et d'une agression extérieure qui se greffe à la crise
intérieure.
En janvier 2001, Laurent Désiré KABILA est
assassiné à Kinshasa. Il fut succédé par son fils
Joseph KABILA au poste de président de la République.
Le nouveau et jeune président s'appui sur la politique
d'ouverture, tant nationale qu'internationale, pour la conquête d'une
solution de paix à la crise en RDC. Ce qui a conduit au retrait
progressif des forces étrangères d'occupation sous les auspices
du conseil de sécurité de l'ONU grâce aux accords de Lusaka
et de Sun City.
13 Breackman C., Kabila prend le pouvoir, ouvrage collection
Paris Ed.GRIP et complexe, 1998, P.251
C'est dans ce contexte que déclarait le
Président Ougandais YOWERI MUSEVENI au quotidien « New vision
» de kampala : « on ne peut éternellement accuser de rester au
Congo pour y voler de l'or.»
A titre de rappel, la guerre de 1998 a également
été le théâtre des affrontements armés
ouverts avec engins lourds, sur la terre congolaise entre les forces
armés rwandaises et les forces armées ougandaises dans la ville
de Kisangani.
Depuis son arrivée au pouvoir, Joseph Kabila a vu son
pays s'enfoncer dans les guerres ethniques, guerre qui ne cesse de rendre
complexe les problèmes de sécurité. Mais les diverses
concessions opérées entre les belligérants donne une lueur
d'espoir avec l'organisation des élections prévues en 2006.
2- La sécurité en RDC
La RDC souffre d'abord de ses propres maux internes dont les
conséquences retombent sur les voisins et lui reviennent quelque
années dans un effet boomerang.
En dehors des tensions issues de la guerre froide à
connotation ethno idéologique, toutes les crises qu'ont connues la RDC
ont un caractère ethnique relançant ainsi la question sur
l'ethnicité et sécurité des frontières. C'est dans
ce contexte que le Professeur SAUTER dans son analyse écrit : « les
frontières africaines n'ont pas tenu compte du fait sociologique,
c'està-dire des divisions humaines14 .»
Il faut reconnaître que le facteur qui pèse sur
la RDC résulte du partage du continent à la conférence de
Berlin. En fait, les délimitations coloniales, gage de
souveraineté n'ont tenu compte des données géographiques
et surtout humaines, négligeant ainsi le substrat même des
frontières : la terre et les hommes.
En effet, du mouvement de l'indépendance du Katanga,
en passant par la rébellion de Pierre MULELE sur la prise de Kisangani
(Stanleyville) et les tentatives sécessionnistes du Shaba de 1977 et
1978 jusqu'à la guerre civile de 1998, le constat est presque le
même du point de vue des conséquences socio humanitaires à
savoir : l'exode des populations, le bombardement intense des positions civiles
et militaires occasionnant d'énorme pertes humains, l'existence des
charnières humaines, la famine, les épidémies, les
règlements de compte à caractère politique et tribal, la
xénophobie15.
Le refuge de mouvement de rébellion chez le voisin
immédiat a toujours suscité de l'onde de choc dans le cadre de la
contamination des conflits dans la sous-région. Ce fait à
l'origine à l'origine du problème de sécurité des
frontières en RDC, le rendant ainsi complexe à cause des
différentes imbrications de divers conflits que connaît ce pays.
C'est pour cette raison que
14 Gilles SAUTER « Quelques réflexionx sur les
frontières africaines » in problèmes des frontières
dans le tiers monde. Paris,Harmattan 1982, P 41
15 C. Braeckman et M.F Cros, « KABILA prend le pouvoir
» Ed Grip ET Complexe, 1998,P 45
l'on observe la présence de plusieurs forces
armées à la crise qui secoue la RDC. Présence
motivée par une seule raison, à savoir la sécurité
de leur frontière avec la RDC.
Hormis ses intentions expansionnistes, le point nodal de la
présence des forces rwandaises en terre congolaise est
l'hébergement par cette dernière des cerveaux du génocide
rwandais et des éléments de l'ex-FAR au sein de cette population
en fuite. Ce qui pour KAGAME contribua à prolonger l'état de
guerre au-delà des frontières rwandaises16.
La présence des forces ougandaises et burundaises en
RDC a pour but de mettre fin aux bases arrière de leurs mouvements
rebelles17.
La présence des forces zambienne et
zimbabwéenne en RDC n'a pas d'enjeu sur la sécurité des
frontières.
Aux enjeux frontaliers se reposent les enjeux de fonds
à caractère économique à savoir la pillage des
richesses minières de la RDC dans les zones contrôlées par
ces forces étrangères. Ce qui constitue la logique de greffage
d'occupation et de prédation.
La question des tensions frontalières entre les deux
Congo remonte du temps de la guerre froide. Tensions marquées par des
incursions de part et d'autre des concernées qui ont très souvent
conduit à des incidents diplomatiques d'une part et d'autre part du
soutien des mouvements de déstabilisation des institutions politiques de
l'un par l'autre. C'est dans cette optique que MOBUTU écrit dans son
livre « dignité pour l'Afrique » en page 79 : « personne
n'est à l'abri des agressions, le seul remède est d'entretenir
des rapports de confiance avec son voisin ». Ces rapports de confiance
mutuelle ont permis à Sassou NGUESSO et MOUBUTU de normaliser le bon
voisinage entre les deux pays.
Ce climat pris fin avec l'arrivée de Laurent D.
KABILA, puis de Joseph KABILA à cause d'une part de la présence
des ex garde présidentielle de MOBUTU au Congo Brazzaville et de
l'autre, des relations qu'avait le président Denis S. NGUESSO avec Jean
Pierre BEMBA.
Pour des raisons d'ordre idéologique,
l'insécurité a toujours régné à la
frontière commune entre l'Angola et la RDC au temps de MOBUTU. Ce qui se
manifeste sur le terrain par l'hébergement et le soutien d'une part du
MPLA aux gendarmes Katangais et de MOBUTU à l'UNITA d'autre part. La
situation qui est à l'origine de l'intervention et d'appui militaire du
gouvernement de Luanda aux différents événements qu'a
connu la RDC de 1996 à nos jours : la guerre de libération de
1997 et la crise civile d'août 1998. C'est dans le but de mettre fin aux
activités de l'UNITA que l'armée angolaise occupe le sud de la
RDC en protectorat, mettant ainsi cette dernière à l'abri des
attaques des mouvements rebelles.
A l'instar de toutes les puissances, Luanda n'est pas un bon
samaritain. Logiquement, il faut payer l'effort de guerre à ces deux
protectorats (Angola et Zimbabwe). Comme l'atteste le rapport de l'ONU sur le
pillage des ressources de la RDC, l'Angola et Zimbabwe pillent avec le
consentement de Kinshasa au-delà des intentions expansionnistes pour ce
dernier.
16 Géopolitique Africaine, octobre 2002,p199
17 Cyprien MAMINA, « contribution à l'étude
du conflit angolais »Mémoire de l'ENAM 1991. P106
D'accord non tenu aux tergiversations de Sun City, c'est un
grand pays qui demeure démembré et ouvert, fait nouveau à
des impérialistes non plus extérieurs mais africains.