La Sécurité Collective en
Afrique Centrale dans le cadre de l'Accord tripartite entre le CONGO,
l'ANGOLA et la République Démocratique
du CONGO
Présenté par :
Giberly MOUANDA-MOUANDA Juriste
Doctorant
INTRODUCTION
Depuis plus de trois décennies, les gouvernements et
les peuples d'Afrique sont confrontés à des graves crises qui
posent de manière préoccupante la problématique de la
sécurité. Il est devenu évident, pour tous les acteurs et
observateurs que le règlement des questions de sécurité
conditionne le développement du continent en général et de
la sous-région d'Afrique centrale en particulier.1
Le problème de l'insécurité en Afrique
constitue une sonnette d'alarme. Que de meurtre par ici, que de grincement de
dents par là. Les fibres de l'humanité ne vibrent plus que des
appétits égoïstes, de haine et de jalousie qui
génèrent des guerres sans précédent. Aucun pays
d'Afrique aujourd'hui ne peut prétendre être exempt de cette
insécurité, ni être à l'abri des maux dont souffre
l'Afrique, plongée dans un véritable chaos apocalyptique.
Loin d'avoir jeté les bases de la paix et d'un nouvel
ordre de sécurité internationale, la fin de la guerre froide a
précipité l'Afrique dans une ère de désordre et
d'insécurité pour les Etats pris individuellement et
collectivement pour les peuples.
Avec la fin de guerre froide, l'Afrique est devenue un
véritable brassier. Des tensions, des violences et des guerres sans nom
ramènent ce continent à une époque de violence
séculaire. Ce constat s'explique par le fait que ce continent offre un
spectacle digne de pitié qui le place parmi l'un des plus instable et
troublé de la planète ; il n'ya qu'à jeter le regard sur
ce qui se passe au Gabon après l'élection de Ali Ben BONGO
à la présidence de la République. Ces
événements se sont produits également au Darfour, en
côte d'ivoire et jusqu'à nos jours à l'Est de la
République du Congo (RDC). Ces turbulences périodiques
constituent un sujet de préoccupation constat pour les chefs d'Etats,
les forces citoyennes et les populations du continent. Après cet
aperçu général peu exhaustif, mais indicatif, que dire
finalement de l'Afrique centrale ?
Ravagée par des guerres intestines aux relents de
guerre coloniale, l'Afrique centrale paie le plus lourd des tributs odieux de
la violence armée. De l'Angola au Tchad en passant par les deux Congo et
la Centrafrique, la liste des conflits qui ont coûté la vie
à des centaines des milliers, voire à des millions d'innocent,
est aussi impressionnante que des drames successifs se sont accomplis dans
l'indifférence la plus totale d'une communauté internationale
pourtant prompte à intervenir lorsque certains intérêts se
trouvent en jeu comme il a été le cas en Irak. De nos jours, la
majorité de ces conflits qui minent la sous-région ont
trouvé un apaisement. Sauf à courir le risque de plonger
définitivement dans le chaos, les Etats ne peuvent continuer à
accepter que la violence soit le mode de règlement des conflits
internes.
Ce sont les tensions politiques et sociales à
l'intérieur des Etats qui ont conduit le plus souvent aux crises
entre Etats. La dégradation de la sécurité
intérieure des Etats découle de plusieurs facteurs historiques
en étroite corrélation que l'on peut globalement attribuer
à ce
1 Géopolitique Africaine, colloque international :
l'avenir de la sécurité collective en Afrique BZV, 28-29 novembre
2003, p2
que l'on pourrait appeler la crise de gouvernance. Sur un plan
plus général, la question des frontières demeure un
élément potentiel de friction entre les Etats de la
sous-région. L'héritage de la conférence de Berlin de 1884
sur le partage de l'Afrique pèse encore dans le temps présent.
Face à des défis sécuritaires aussi
nombreux et complexes, les Etats de la sous-région se sont
organisés après avoir pris conscience, des divers maux qui
caractérisent les conflits en Afrique centrale, que seule une approche
solidaire peut donner de chances de succès dans la recherche d'une paix
durable. D'où la raison fondée de l'accord tripartite de
sécurité entre le Congo, l'Angola et la RDC qui s'inscrit dans le
cadre de la coopération en matière de sécurité
entre ces trois pays. L'accord a été signé le 03
décembre 1999 par les ministres en charge des questions de
sécurité à ces trois pays.
L'accord tripartite en matière de
sécurité vise à garantir la paix et la
sécurité, maintenir l'ordre public, faciliter la circulation des
personnes et biens, de développer et d'approfondir les relations de
coopération et de bon voisinage par le biais des commissions
spécialisées tout en sauvegardant la souveraineté de
chaque Etat.
Dans son projet de pacte panafricain contre l'agression, Denis
Sassou NGUESSO définit la sécurité collective comme «
un réseau de traités, de coopérations, d'organisations
internationales qui lient les Etats d'une même région ou un
même continent les uns aux autres et leur garantie la paix2
.»
La sécurité collective relève donc de la
stratégie de la diplomatie préventive. Cette dernière a
pour objet d'éviter que des différends ne surgissent entre les
parties, d'empêcher qu'un différend existant ne transforme en
conflit ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il
s'étende le moins possible.
Faute d'un cadre de système de sécurité
à l'époque, pour l'Afrique centrale, cet accord s'inscrit dans la
tentative d'une expérience dans le cadre de la prévention et de
la résolution de certains problèmes de sécurité
dans la sous-région.
Notre étude consiste à évaluer l'impact
des différents mécanismes et stratégies de l'Accord dans
la mise en place de la sécurité le long des frontières
communes à ces trois Etats. Autrement dit, il s'agira dans une certaine
mesure de dégager les limites de l'Accord dans les différents
problèmes auxquels sont confrontés les populations vivant de ces
trois frontières.
Au regard de ce qui précède, notre étude
présente un intérêt pratique, au plan juridique et
opérationnel.
· L'intérêt juridique est relatif à la
compétence que confèrent ces trois Etats à l'accord dans
le cadre de la sécurité collective de leurs frontières
communes ;
· L'intérêt opérationnel est lié
aux différentes stratégies utilisées par l'Accord pour
mettre fin à l'insécurité au niveau des frontières
communes et à son évaluation.
2 Coeur d'Afrique Magazine n°45 double 08-09
septembre-octobre 2003, p.41
En sus de cette coopération, on peut se demander :
· Comment l'Accord tripartite de sécurité
contribuerait-il à faire sortir les Etats parties de
l'insécurité chronique et de la guerre civile ?
· L'Accord permettrait-il de mettre fin aux divers
phénomènes constatées au niveau des frontières
communes aux pays signataires ?
· En quoi la nouvelle convention sur la libre
circulation des personnes et des biens des Etats signataires renforcerait-elle
l'intégration sous-régionale entre ces trois Etats au niveau de
la CEEAC ?
Dans ce contexte, quelques hypothèses peuvent orienter
notre recherche en ce qui concerne la place de l'accord par rapport au
traité de la CEEAC, notamment sur la sécurité
frontalière, la libre circulation des personnes et des biens. Ainsi,
l'objectif général de notre étude est l'application de
l'Accord tripartite de sécurité entre la RC, l'Angola et la RDC
dans le cadre de la diplomatie préventive. C'est pourquoi, tout au long
de cette analyse, nous allons exposer et analyser les termes de l'Accord, son
impact réel, dans le résolution des problèmes
sécuritaires frontaliers.
Par ailleurs, cette oeuvre n'a nullement la prétention
d'être exhaustive. En effet dans son élaboration, nous nous sommes
confrontés à plusieurs difficultés sur le terrain en
dépit du temps imparti. La plus grande difficulté a
été le fait que l'accord, les protocoles en, la matière et
les documents de travail de la commission conjointe tripartite de
sécurité (CCTS) n'ont pu être retrouvés au niveau du
Ministère de la défense nationale, du Ministère de
l'intérieur et les archives nationaux, pour des raisons
stratégiques. De même, l'absence de ces documents et autres
informations y relatifs au niveau des ambassades de la RDC et de l'Angola.
A cela s'ajoute le manque d'ouvrage spécialisé
dans les bibliothèques. Malgré ces difficultés, la
réalisation de ce travail a été rendue possible
grâce à la recherche documentaire, aux interviews, aux rapports
des sous-commissions et autres réunions de la CCTS, par la consultation
de l'internet et de divers journaux.
Pour rendre compte de la complexité de notre
étude, notre analyse s'articule autour de deux grands axes : la
première partie traite des origines de l'Accord tripartite et dans une
deuxième partie l'on abordera les mécanismes de cet accord.
La dernière décennie du 20eme siècle a
été celle des bouleversements politiques institutionnels et
économiques en Afrique centrale.
Ces bouleversements ont changé le visage de la sous
région depuis les indépendances marqués par des conflits
armés, des massacres, des exodes massives, des épidémies
et des rebellions aux conséquences graves.
Ces conflits, issus des bouleversements des stratégies
géopolitiques et géoéconomiques ont profondément
changé de nature depuis la fin de la guerre froide : de coup d'Etat et
de conflits
de basse intensité à l'intérieur des pays,
on est passé à de véritables guerres civiles impliquant
massivement des populations et irradiant sur plusieurs pays.
Les grandes puissances qui pour le meilleur ou pour le pire,
jouaient un rôle stabilisateur se sont retirées laissant le champ
libre à des multiples entrepreneurs de souveraineté. De ce fait,
l'impérialisme occidental a cédé la place à
l'impérialisme sous-régional, source de persistance des conflits
dans la zone de l'Afrique centrale comme en attestent les stratégies
Ougandaises et Rwandaises en République Démocratique du Congo
(RDC).
Ces conflits à connotation ethnique tournent autour de la
libre disposition des richesses exploitées à des fins
personnelles.
L'instabilité politique quant à elle, est le fait
du double problème, à savoir la faiblesse de l'Etat et l'absence
de l'alternance.
PREMERE PARTIE
L'ORIGINE DE L'ACCORD TRIPARTITE
DE SECURITE
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