2.4 Définir son rôle : pas la mère, pas
la copine
Anne et Patrick aurait vu un psychothérapeute. «
Qu'est-ce qu'on peut dire à l'enfant de l'autre ? ». Les
disputes, c'étaient surtout au sujet des enfants de l'autre : «
Ouais, ton fils » « Ouais, ta fille ». Et
tou-te-s deux diraient à l'enfant « Ecoute, devant moi, on ne
parle pas comme ça » que ce soit les enfants d'Anne ou les
enfants de Patrick. Même s'il s'agissait d'autres enfants, de quelqu'un-e
d'autre, ce serait pareil parce que c'est chez Anne. Mais ce ne serait pas
toujours facile. C'est aussi comme cela qu'Anne aurait compris qu'elle
était une figure parentale. Ils et elles ne sont pas obligé-e-s
de l'aimer, elle n'est pas une copine. Pour elle, elle ne doit pas faire de la
démagogie. Au début, les enfants leur auraient mené la vie
dure. Elle leur aurait dit « Ecoutez, vous n'êtes pas
obligé-e-s de m'aimer, je sais que vous n'avez pas choisi, que c'est un
choix de votre père, mais vous devez me respecter car vous êtes
chez moi. » Et d'avoir pu le dire aurait, selon elle, changé
beaucoup de choses.
Pour elle, son rôle s'est défini en parlant, en
étant obligé de parler souvent à la suite de conflits et
en jouant à la géométrie variable, en renonçant
à une famille comme les autres. Accepter de prendre du temps avec
chacun-e, avec un enfant seul, avec sa belle-fille. Elles feraient toutes les
deux des choses que les autres n'aimeraient pas : couture, patchwork, danse.
Avec son beau-fils, ce serait de la musique. Et ce ne serait plus le territoire
du père et de la mère, ce serait un nouveau territoire. Elizabeth
est danseuse, pour l'anniversaire d'Anne, elle lui aurait offert un stage de
danse qu'elles auraient fait ensemble. Une fois dans l'année, ils/elles
iraient à un spectacle tou-te-s ensemble et ce ne serait pas facile
parce qu'ils/elles n'aiment pas tous et toutes la même chose. Puis elle
irait voir un ballet avec sa belle-fille. Avec son beau-fils, elle irait
à un concert de rock sans forcément l'autre parent, celui qui a
un statut qu'elle nomme le « vrai parent ».
Pour Anne, le parent sans statut est une autre figure. Un peu
comme neveu et nièce parce qu'elle se dit aussi très proche de
ses neveux et nièces. Mais elle n'est pas la mère. Elle est d'une
génération qui fait qu'ils et elles pourraient être ses
enfants, ce serait un rapport parent/enfant. Cependant, elle travaille avec un
musicien qui est de l'âge de son fils, qui pourrait être un de ses
enfants mais tou-te-s deux n'auraient pas du tout une relation parent/enfant.
Ce n'est finalement pas seulement l'âge qui compterait mais la position
au sein
de la famille, le contexte familial. Anne est d'une
génération et les enfants, celle d'en dessous - dans la famille.
Il y aurait une relation pédagogique. C'est Anne qui « pose la
loi ». Enfin, elle se reprend car elle trouve que « poser la
loi » fait un peu directive mais ce serait elle « la
conductrice, le chef » même s'il y a une éducation dans
laquelle on discute, on débat. En dernier recours, c'est l'adulte qui
« fait la loi ». Ils/elles ne sont pas des copains, copines.
Irène Théry et Marie-Josèphe Dhavernas parle d'une
relation entre beau-parent et enfant qui se situerait aux frontières de
l'amitié, dans une logique de parenté
élective147. Effectivement, Anne explique que si à la
base, les enfants ne l'ont pas choisie au sein de leur foyer, et qu'ils/elles
n'étaient donc pas obligé-e-s de l'aimer, c'est par des moments
ensemble, des centres d'intérêt partagés que le lien se
créerait. L'affect est revendiqué pour faire valoir une
configuration, des relations que les individu-e-s jugent comme positives parce
qu'elle servent leurs constructions individuelles.
|