2.2 Souvenirs des années soixante-dix et
construction de la parentalité
Anne a eu ses enfants dans les années soixante-dix. Elle
aurait, selon elle, été très marquée par le
mouvement 68. Ces mots m'ont évoqué un passage d'Annie
Ernaux144 :
« Et la télévision, en diffusant une
iconographie immuable avec un corpus réduit d'acteurs, instituerait une
version ne varietur des évènements, imposant
l'impression que, cette année-là, on avait tous entre dix-huit et
vingt ans et on lançait des pavés aux CRS un mouchoir sur la
bouche. Sous la répétition des images prises par les
caméras, on refoulerait celles de sa propre histoire de mai, ni notoires
[...] ni glorieuse »
Annie Ernaux, Les années
Cela relève de la volonté d'appartenance
à une identité collective construite dans l'opposition au
pouvoir. Une identité collective marquante socialement : « Mai 68
» relève autant de faits socio-historiques que de mythes construits
a posteriori. Cela ne signifie pas pour autant qu'Anne a
été marquée dès mai 1968 par « Mai 68 ».
Simplement que ce mouvement social significatif donne sens aujourd'hui, dans le
présent, à son parcours. Elle s'inscrit dans des changements
sociaux issus de cette période que tout le monde - impliqué ou
non, et quel que soit l'avis politique - a connu.
Anne venait d'une famille qu'elle décrit comme
carrée, catholique, très conformiste. Elle aurait fait sa
révolution : la liberté d'expression de l'enfant dans son
développement, le laisser parler, l'écouter parce que pour elle,
dans son enfance, ce n'était pas comme ça. Elle a appris et
apprend toujours sur l'enfant parce que c'est son sujet
préféré : l'avenir de l'enfant. Est-ce qu'il/elle sera un
adulte tel qu'il/elle souhaite le devenir ou selon l'idée qu'on s'en
fait ? Anne fait référence à Winnicott, l'enfant est un
sujet145. Elle ne fait donc pas
144 ERNAUX Annie (2008), Les années, Paris,
Gallimard, p.106
145 RODMAN F. Robert (2008), Winnicott, sa vie, son
oeuvre, Paris, Erès.
directement référence à la
redéfinition de la place des femmes au sein de la famille dans les
années soixante-dix, avec la contraception, le droit à
l'avortement, la fin de la puissance paternelle, l'accès plus libre
à la profession et le partage de l'autorité parentale dans le
mariage. Elle fait davantage référence à la nouvelle place
de l'enfant comme individu-e que les parents doivent accompagner comme tel-le.
Néanmoins, les deux sont liés, le contrôle des naissances
ayant mené à une redéfinition du rapport à
l'enfant, à un moindre nombre d'enfants, qui deviennent alors le centre
d'une éducation, d'une attention - si elle n'est exclusive (ils/elles
peuvent avoir tout de même des frères et soeurs) - reste
cependant, moins partagée. De plus, avec la loi de 1970 sur la fin de la
puissance paternelle, l'enfant cesse d'être la propriété de
ses parents et les parents ont des responsabilités éducatives
redéfinies146.
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