Faire reconnaître une parentalité sans
statut
Dans le cas de recompositions familiales
1 Présentation des personnes
rencontrées
1.1 Anne
Quand j'ai déposé mon annonce sur EFiGiES, une
personne inscrite a transmis ma recherche à Elizabeth. Elizabeth
reconnaissait dans mon annonce, le profil de sa belle-mère, Anne,
ex-conjointe de son père. Elle la connaît depuis l'âge de 9
ans. Stéphane, son frère, la connaît depuis l'âge de
12 ans. Stéphane a vécu chez son père avec elle pendant
plusieurs années et Elizabeth s'y rendait un week-end sur deux.
Elizabeth m'explique qu'Anne a trois enfants d'un premier mariage mais les
considèrerait aussi, elle et Stéphane, comme ses enfants.
Elizabeth fait donc le lien entre Anne et moi et me
transfère la réponse que lui a écrite Anne par mail. Anne
serait très touchée par cette reconnaissance d'Elizabeth
vis-à-vis d'elle car la démarche de sa belle-fille signifie
qu'elle reconnaît elle-même cette parentalité. Anne trouve
que c'est un beau sujet d'étude, qu'elle a des choses à en dire
de ces enfants non prévue-s qu'elle « aime sans
débat ». Elle conclut sa réponse en remerciant
Elizabeth pour « cette belle confiance ».
Par la suite, pour des raisons de distances
géographiques, je ne pouvais pas la rencontrer en face à face. Et
au bout de deux mois de tentatives de mails avortées (Anne ne recevait
rien de ma part), nous avons décidé de nous contacter par
téléphone. L'entretien a donc été mené au
bout du fil, ce qui n'est pas une méthode que j'apprécie. Je
trouve que la prise de note limite la capacité d'écoute, tronque
inévitablement les propos et éventuellement, les déforme.
Néanmoins, si je n'en ferai pas ma méthode de
prédilection, j'ai pallié à ces inconvénients en
précisant à mon interlocutrice que j'avais besoin de noter le
plus précisément possible ses propos pour ne pas les
déformer. Nous avons donc pris notre temps. Il y a eu des silences mais
qui ne m'ont pas semblé gênés, qu'elle s'appropriait pour
réfléchir à ce qu'elle souhaitait dire et que j'utilisais
pour finir d'écrire. J'ai donc tenté de rester la plus
fidèle possible à ses propos et, effectivement, au moment de
retranscrire l'entretien au propre, je me suis rendue compte que j'avais
écrit des phrases entières et non des idées. En revanche,
quand elle répétait plusieurs fois la même chose, j'ai eu
tendance à ne pas le noter, ce qui est dommage, car cela montrait une
importance donnée à l'élément en question.
Anne a 55 ans, vit dans une grande ville et vient d'une
famille de province qu'elle décrit comme bourgeoise, cultivée,
catholique (elle rit sur le catholique). Sa mère, comme elle,
était à la fois artiste et travaillait auprès de jeunes
enfants. Elle était, selon sa fille, très attentive à
l'éducation des enfants. Anne m'explique qu'elle-même en a une
tribu de cinq. Elle a deux filles, Aurélie et Virginie d'une trentaine
d'années, et un fils de 25 ans, Mickaël, tou-te-s trois issu-e-s
d'une première union. Patrick, son second mari, a un fils de 30 ans,
Stéphane, et une fille de 27 ans, Elizabeth, d'un premier mariage
également. Il et elle n'ont pas eu d'enfants ensemble. Hugues, le
père d'Aurélie, Virginie et Mickaël, a eu trois autres
enfants approximativement du même âge que ses petits enfants.
Aurélie et Virginie sont mariées et ont
respectivement une fille de trois ans pour la première, et deux fils de
deux et quatre ans pour la seconde. Anne n'a plus de lien avec Hugues, il
était cadre supérieur à l'époque. Patrick est
sociologue.
A la fin de l'entretien, Anne me remercie. Elle me dit que
ça l'intéresse, qu'elle connaît la sociologie par Patrick,
qu'elle trouve bien qu'on parle de ces familles particulières plus
qu'avant. Elle me précise que quand sa belle-fille l'a
désignée, elle a été émue, touchée
même si elle savait qu'elle était considérée comme
parent. Elle me dit que grâce à moi, elles ont reparlé de
cette famille et de cette parentalité. L'entretien lui-même a
donc, pour elle, été une preuve de reconnaissance par l'annonce,
par son sujet et par sa belle-fille qui a fait le relai entre elle et moi. Anne
m'a perçue comme étant une jeune femme étudiante admettant
la possibilité d'autres formes de familles, de parentalités.
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