Le facteur culturel dans la coopération sino-camerounaise:le cas de l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations internationales du Cameroun(IRIC)( Télécharger le fichier original )par Jean Cottin Gelin KOUMA Universite de Yaounde II-Soa - Master II en Relations Internationales option Diplomatie 2010 |
PARAGRAPHE II : LES STRATEGIES DE CONQUETE DES COEURS ET DES ESPRITSParmi les objectifs déclarés de la présence chinois en Afrique, figure bel et bien la diffusion de sa culture et de sa langue afin de remodeler les africains à son image. La culture constitue de ce fait un instrument essentiel de la conquête des coeurs et des esprits, cette dernière qui consiste à vouloir dominer les autres par une tentative d'assimilation. Jean Piaget276(*) considère que toute action est assimilatrice. Une grande part des contenus culturels chinois circulent sur le continent, avec un impact immense sur l'imaginaire des individus et leur perception du monde. Ainsi, l'on pourrait affirmer que la Chine voudrait à travers sa culture, exercer une influence symbolique sur les pays où sont implantés ses Instituts Confucius. Kenneth Lieberthal estime que les Instituts Confucius ont pour mission de transmettre les idéaux confucéens : « nous essayons de transmettre les valeurs et la philosophie traditionnelle de son enseignement, la façon d'apprendre et je dirai même d'être, parce que Confucius n'était pas seulement un professeur. Il était surtout un philosophe qui a eu un impact énorme sur la pensée chinoise et la façon d'être ». Elle a indiqué qu' « une valeur confucéenne que les américains devraient assimiler, c'est le respect des ainés »277(*). Il n'est donc pas étonnant que la Chine veuille s'associer au symbole auquel les gens identifient le respect et utiliser Confucius comme une sorte de « marque commerciale »278(*). Ainsi, le soft power chinois, parce qu'il semble agir sur les mentalités, passe donc nécessairement par les programmes d'enseignement (A) et la stratégie de séduction au moyen de l'octroi des bourses d'étude aux camerounais (B). A) Les programmes d'enseignement L'Institut Confucius offre principalement des cours de mandarin et forme au diplôme de langue HSK, l'équivalent du TOEFL pour l'anglais, lequel atteste un niveau de chinois courant, permettant d'intégrer une université ou une entreprise chinoise. L'enseignant met à la disposition de l'apprenant, un support didactique (manuel de chinois accompagné d'un CD numérique), dont les programmes sont basés sur la vie de l'individu dans la société. C'est-à-dire, amener l'apprenant à s'adapter et à s'intégrer facilement dans le milieu culturel chinois. Le mandarin est enseigné aux étudiants à travers le « pin yin », c'est-à-dire la transcription phonétique en lettres des caractères. Le début des cours est souvent consacré à la prononciation pour aborder les différents tons : quatre forts et un léger. Le ton confère la signification au mot et, pour une même syllabe, correspond à ses sens différents. Par la suite, il faut que l'apprenant maitrise les caractères. Dans ce cadre, une série d'exercices est proposée à l'apprenant dans le but de lui faire comprendre la langue afin qu'il puisse l'utiliser dans la vie quotidienne. Ces exercices consistent à matérialiser de façon répétée et sur plusieurs pages, le pin yin en caractères chinois. A coté de l'écrit, l'oral est aussi pris en compte. A cet effet, l'apprenant est constamment pour prendre une part active au cours, à travers la lecture des textes, la traduction des caractères et la réponse aux questions. L'objectif pédagogique ne viserait pas ici, à faire parler couramment le chinois à l'apprenant, mais à faire en sorte que ce dernier arrive à se faire comprendre dans les rapports essentiels. Pour Zhang Xiaozhen, « nous avons quatre niveaux d'études et les cours se font sous deux vagues à savoir : les cours normaux, pour ceux qui ont le temps pendant les rentrées scolaires qui se déroulent trois fois par semaines et les cours intensifs qui se font tous les jours. La durée des cours ici est de deux heures de temps et, se déroule en trois phases : matin, midi et soir »279(*). Tonye Mvogo, apprenant de chinois du niveau I explique que : « apprendre le chinois demande beaucoup d'engagement et de sacrifice mais lorsqu'on s'accroche, tout devient facile. Pour la pratique de la langue, nous avons souvent des exercices de dialogue que nous faisons entre camarades sous la supervision d'un enseignant chinois et quand on finit, ledit enseignant essaye de nous corriger... »280(*). Les cours de langue ne sont pas la seule caractéristique de l'Institut, qui propose aussi des initiations dans des domaines aussi variés que la calligraphie, le Tai Chi, la gastronomie chinoise, la médecine traditionnelle chinoise, la culture et l'histoire de la Chine ainsi que des conférences portant sur des questions contemporaines281(*). Ce qui fait dire à Etienne Songa que : « à coté des cours classiques, nous avons des activités culturelles : festivals, concours de langue chinoise, de chant, de Kung Fu, de Tai Chi, ce, en plus des aspects culturels déjà traités dans le cours »282(*). Les productions artistiques constituent un objet de fascination de la Chine à travers le monde. C'est pourquoi à l'Institut Confucius de l'IRIC, les étudiants peuvent s'initier à l'histoire de l'art chinois, à l'acupuncture, à la calligraphie, etc. L'initiation à la calligraphie se fait par la pratique du dessin. Ainsi, toujours en 2010, l'Institut a lancé un concours de Karaoké et un autre de dessin, ouvert aux élèves du primaire au Cameroun et baptisé « la Chine dans mon esprit »283(*). Par ailleurs, à l'Institut, plusieurs tableaux sont exposés et évoquent le sens par les images ou des symboles, d'une Chine qui fascine. De novembre 2005 à janvier 2009, deux chorégraphes chinois ont séjourné au Cameroun pour former les jeunes danseurs du Ballet national. L'origine des arts martiaux chinois remonte à 4000 ans avant Jésus Christ (J.C). Vers l'an 600 avant J.C, Confucius déclarait essentiel la pratique des arts martiaux284(*). Ces arts étaient donc à l'origine des arts guerriers. Les deux arts martiaux pratiqués à l'Institut sont le Kung Fu et le Tai Chi. Prenons par exemple, le terme Kung Fu. Ce dernier ne désigne ni un style ni une école. Il est utilisé en Chine pour signifier : temps ou effort dans un travail ou exercice, habileté, compétence, virtuosité, maîtrise, exercice de qualité285(*). Les exercices d'arts martiaux sont proposés aux étudiants volontaires de l'Institut ainsi qu'à ceux de l'IRIC. En 2010 par exemple, l'Institut Confucius a connu la visite d'une équipe du temple de Shaolin. Elle a dispensé des cours d'arts martiaux aux apprenants volontaires286(*). S'agissant des conférences, on note celle tenue en 2009 au campus de l'IRIC, par deux enseignants chinois de l'Université Normale de Zhejiang, Niu Changsong et Xiaofeng Zhang, sur le thème : « la coopération sino-camerounaise dans le domaine de l'éducation ». Les deux conférenciers ont entretenu l'auditoire quant à la volonté de la Chine de partager son expérience avec d'autres pays du sud, par le renforcement des échanges dans le domaine de l'éducation. Ils ont expliqué que ces échanges passent par l'implantation des Instituts Confucius, dont l'objectif principal consiste en la compréhension et l'acquisition de la langue chinoise, et celle-ci nécessite l'intervention des locuteurs avertis compréhensifs. Une autre conférence conjointe des Instituts Confucius d'Afrique, s'est tenue à Yaoundé pour sa troisième session en 2010. A la suite de celle-ci, Jacques Fame Ndongo a déclaré que les enjeux de cette conférence conjointe des Instituts Confucius en Afrique sont clairs, « la Chine est en train de rivaliser au plan économique avec les plus grands (...). Nous devons nous approprier la langue chinoise et même la civilisation et la culture chinoise »287(*). Toutes ces activités participent ainsi à la conscientisation des africains sur les valeurs civilisationnelles chinoises. Aussi, cette volonté d'assimilation se manifeste t-elle par la traduction du nom de chaque apprenant en chinois (pin yin et caractères). A cet effet, l'enseignant prend soin d'attribuer à chaque apprenant la signification de son nom en chinois. Ce qui fait qu'à chaque fois que l'apprenant sera interpellé pendant le cours, c'est l'appellation en chinois qui est privilégiée. Cela induit un changement total de la prononciation du nom concerné. A cette stratégique pédagogique d'assimilation des apprenants, s'accompagne cette politique généreuse de bourses d'études que la Chine dirige à l'endroit du Cameroun. B) De l'octroi des bourses d'étude à l'accueil des camerounais en Chine Depuis 1973, le gouvernement chinois octroie une dizaine de bourses en moyenne par an aux étudiants camerounais288(*). Pour le compte de l'année académique 2010-2011, la Chine a mis 24 bourses d'études supérieures à la disposition du gouvernement camerounais dont 9 au niveau du baccalauréat et 15 pour les aspirants du master289(*). Les bourses offertes par l'Institut Confucius impliquent l'apprentissage du mandarin aux fins communicationnelles. Chaque année, l'Institut offre un nombre réduit des bourses d'études en Chine290(*). Ces bourses sont principalement destinées aux jeunes camerounais inscrits à l'institut ou aux étudiants de l'IRIC. Les bénéficiaires doivent toutefois s'engager à retourner au Cameroun après leur formation qui varie entre trois et quatre ans, pour être mis à la disposition de l'Institut Confucius. Dans certains cas, des bourses pour les études de master sont offertes selon des conditions spécifiques291(*). L'Etat chinois à travers l'Institut Confucius met le plus souvent à la disposition des camerounais, outre les bourses du gouvernement chinois, les bourses du HSK (test de la langue chinoise), les bourses de la compétition chinoise, les bourses de l'excellence292(*). L'objectif de ces bourses est de disposer d'un nombre assez considérables de locuteurs qui parvient parfaitement à répandre la langue à leur retour sur le territoire camerounais. En 2009 par exemple, 23 camerounais issus d'entreprises privées et publiques ont obtenu une bourse pour étudier le mandarin en Chine pendant un an et demi, dans le cadre du programme chinois « Camp d'été »293(*). L'accueil des camerounais en Chine est assuré par une politique concertée entre les gouvernements camerounais et chinois. Certaines bourses pourraient être supportées par le gouvernement chinois, tandis que d'autres reviendraient à la charge du gouvernement camerounais. Cependant, le constat qui se dégage est que, la Chine ne ménage aucun effort pour garantir l'accueil des africains d'une manière générale en Chine car, comme l'atteste Samuel Okouma Mountou, diplomate et sinologue gabonais : « les bourses d'étude offertes par le gouvernement chinois aux étudiants africains couvrent à la fois les frais liés à la scolarité et ceux liés au logement et à l'alimentation »294(*). De ce qui découle, les étudiants camerounais bénéficiaires de la bourse de coopération chinoise seraient donc pris en charge par la Chine. * 276 Cité par E. E. Boesch, L'action symbolique : fondements de psychologie culturelle, Paris, L'Harmattan, 1995, p.401. Publié sur : www.books.google.com, (consulté le 20/03/2011). * 277 Voir : http://french.peopledaily.com.cn/Culture/6962962.html , loc.cit., p.41. * 278 Idem. * 279Voir : http://www.camnet.cm/index.php?mact=News,cntnt01,print,0&cntnt01articleid=3133&cntnt01showtemplate=false&cntnt01returnid=15, (consulté le 21/03/2011). * 280 Idem., * 281 B. Courmont, op. cit., p.29. * 282 Cameroon Tribune, loc. cit., p.43. * 283 C. Vorapheth, op. cit., p.71. * 284 Voir : http://www.ci.usj.edu.lb/files/cult-art., (consulté le 11/04/2011). * 285 Idem. * 286 Cameroon Tribune, loc. cit., p.70. * 287 Journal CRTV radio loc. cit., p.29. * 288 G. Gweth, loc. cit., p.43. * 289 Voir : www.minesup.gov.cm, (consulté le 23/03/2011). * 290 Voir : www.ciuy2.org, (consulté le 11/04/2011). * 291Idem. * 292 Idem. * 293 Cameroon Tribune, loc. cit., p.70. * 294 Cite par Guy Gweth, loc. cit., p.43. |
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