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Le facteur culturel dans la coopération sino-camerounaise:le cas de l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations internationales du Cameroun(IRIC)

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par Jean Cottin Gelin KOUMA
Universite de Yaounde II-Soa - Master II en Relations Internationales option Diplomatie 2010
  

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PARAGRAPHE II : LA LANGUE CHINOISE : UN STIMULANT POUR LES ECHANGES ET LE DIALOGUE

La communication linguistique a été relativement un obstacle à l'intégration des chinois au Cameroun, et aux transactions commerciales entre les populations camerounaises et chinoises. Plus les populations du monde maitriseront la langue chinoise et s'intéresseront à la culture du pays, mieux seront comprises l'émergence ainsi que les politiques et les idées que la Chine véhicule. Ainsi compris, la langue chinoise pourrait constituer une source d'enrichissement réciproque(A) entre les peuples chinois et camerounais. Dans une certaine mesure, elle contribue aussi à une intégration de la diaspora chinoise en Afrique centrale (B).

A) Un facteur d'intérêt réciproque

La Chine et le Cameroun entretiennent des échanges officiels vieux de quarante ans. Les courants d'échanges mutuels et bénéfiques entre la Chine et le Cameroun reposent sur la formation tiers-mondiste marquée par l'esprit de Bandoeng, les actions développantes en matière d'infrastructures, la formation scientifique et technique à travers l'expertise médicale, l'approvisionnement en ressources naturelles, etc. Ces échanges se sont développés sur tous les plans et l'ont été pour les deux parties (Voir Annexe 6: Extraits des paragraphes « Culture » et « Education » du Plan d'action de Beijing 2007-2009).

D'ailleurs, le communiqué conjoint du 31 janvier 2007 sanctionnant la visite d'Etat du Président chinois Hu Jintao au Cameroun, évoque « l'enrichissement mutuel sur le plan culturel » entre la RPC et la République du Cameroun. A cet effet, l'Institut Confucius a été mis en place pour servir de jonction entre la culture chinoise et le patrimoine culturel camerounais. Le mandarin enseigné à l'Institut est bénéfique tant au peuple chinois qu'au peuple camerounais, conformément à un crédo cher à la Chine, à savoir le « gagnant-gagnant » ainsi qu'au  principe du « respect mutuel entre les peuples ». A ce sujet, J. Jansson note que, « a number of Cameroonians former students are now fluent in mandarin and work for Chinese compagnies and with the Chinese medical team »236(*). La langue chinoise a consolidé l'amitié traditionnelle entre la Chine et le Cameroun, car un vieux adage chinois dit : « rien ne peut séparer les peuples partageant les buts et les idéaux communs, pas même les montagnes et les mers »237(*). De ce fait, la société chinoise est une synthèse de civilisation, tandis que le Cameroun est un pays multiethnique et plurilinguistique. Acquérir une langue de plus comme le mandarin, permet au Cameroun d'agrandir son patrimoine linguistique et de mieux rationaliser ses échanges avec la RPC. A ce propos, Claude Donfack Tchaleu, qui fait partie de la deuxième promotion de la filière chinois à ENS de Maroua, dit : « je n'ai pas choisi le chinois par hasard. Enfant, j'ai beaucoup regardé les films chinois, surtout de Jackie Chan et j'ai toujours rêvé de la Chine. Aujourd'hui, la Chine est une puissance avec laquelle il faut composer, nous avons tout à y gagner ». Il poursuit en disant : « je veux enseigner le chinois pour donner une opportunité aux autres camerounais d'apprendre cette langue pour mieux intégrer la culture de la Chine, car le support de toute culture, c'est la langue »238(*). Les africains gagneraient en apprenant le mandarin, car la Chine est l'une des puissances les plus actives sur le continent et elle intensifie sa coopération avec les pays africains dans tous les domaines. David Babo, enseignant du chinois, estime qu'il est important d'apprendre le chinois, car « un habitant sur cinq sur la terre est chinois. De plus, connaître cette langue nous permet de mieux coopérer avec la chine »239(*) au mieux de nos propres intérêts.

Notons néanmoins qu'il existe des similitudes apparentes entre les peuples chinois et camerounais. L'apprentissage du chinois dégage certaines similitudes linguistiques avec certaines langues locales du Cameroun à l'instar de la langue bamoun. La langue chinoise ainsi que la langue bamoun sont des langues à ton. S'agissant de la langue bamoun, Emmanuel Matateyou affirme que c'est « une langue à tons(...). On distingue les tons suivants : le ton haut, le ton bas, le ton descendant, le ton moyen et le ton flottant »240(*). Tout comme, il existe en chinois quatre tons de base et un ton neutre241(*). Néanmoins, apprendre le chinois peut, d'une part, ouvrir des opportunités aux africains, et d'autre part, à la chine, d'accélérer ses transactions commerciales au Cameroun voire en Afrique centrale.

B) Une facilitatrice de l'intégration de la diaspora chinoise en Afrique centrale

La diffusion de la langue chinoise au Cameroun permet à la Chine de surmonter les difficultés liées à la langue et aux différences interculturelles. L'Institut Confucius traduit donc cette volonté d'intégration et d'adaptation des chinois tant sur le sol camerounais qu'en Afrique centrale, à travers l'apprentissage du mandarin au Cameroun par les ressortissants de la sous région. Ainsi, avec des investissements de plus en plus importants dans certains pays africains, la Chine dispose en leur sein un nombre considérable de ressortissants. Ces derniers exercent principalement dans le commerce, notamment de produits manufacturés. Afin de mieux s'intégrer et d'être davantage compris, il leur faut un véhicule commun aux populations locales. L'enseignement du mandarin, impulsé par le gouvernement chinois, semble donc être un pilier de cette stratégie d'intégration de leurs ressortissants. Le dialogue culturel ainsi prôné, renforce la présence chinoise en Afrique centrale. Dans un document de travail publié par l'Agence Française de Développement (AFD)242(*), en termes de répartition géographique, il convient de signaler que l'essentiel de la population chinoise se concentre dans les métropoles. Sur le reste du territoire, leur présence est marginale. Les chinois de la ville de Yaoundé et de Douala habitent les quartiers qui abritent les centres commerciaux ou les quartiers qui ont un marché plus ou moins important. Ceux des chinois qui sont des coopérants ou des membres du corps diplomatique, logent dans les quartiers résidentiels. Il est également à noter qu'un grand nombre de commerçants chinois se localisent dans les façades des rues principales et il n'y a presque pas de chinois qui logent ou tiennent un commerce dans les rues secondaires. D'après Narcisse Mouellé Kombi, «il y a une colonie chinoise de plus en plus importante dans des grandes villes et même dans nos campagnes »243(*).

Cependant, il ressort du même rapport244(*) que, le degré d'adaptabilité du peuple chinois dans l'environnement social camerounais reste faible. Non seulement ils n'apprennent pas les langues locales, mais on note également une réticence des chinois à s'ouvrir à la culture camerounaise. Il ressort que 94% consomment essentiellement des aliments qu'ils cuisinent eux même ou commandent dans des restaurants chinois. Sur le plan vestimentaire, 100% ne porte que des vêtements d'origine chinoise, achetés pour les uns depuis la Chine et pour d'autres sur place au Cameroun. Mais ce rapport semble accabler les chinois alors que la réalité en est autre. Par exemple, les Dames qui enseignent le mandarin à l'IRIC mettent régulièrement des jeans. Preuve que les chinois s'ouvrent aussi à d'autres cultures.

CHAPITRE IV :

L'INSTITUT CONFUCIUS DE L'IRIC : UNE DIMENSION DE LA PUISSANCE GLOBALE CHINOISE

La puissance n'est pas seulement la capacité de commandement et de contrainte. Elle comprend une dimension moins tangible, soulignée par de nombreux auteurs, et que Joseph Nye a su le mieux cerner au travers du concept de soft power. Cette expression renvoie à la capacité d'obtenir les résultats souhaités parce que les autres veulent ce que l'on veut245(*). Le soft power repose sur la séduction et la persuasion plutôt que sur la coercition, sur  le pouvoir d'idées attractives ou la capacité de fixer l'ordre du jour politique et de déterminer le cadre du débat de manière à modeler les préférences des autres246(*). Le soft power confère donc à l'Etat qui le déploie une forme d'autorité morale et de légitimité. Cependant, François Godeman, directeur stratégie de Asia-centre, relève une énorme ambigüité dans cette notion de soft power. Il rappelle qu'à l'origine, selon le stratège américain Joseph Nye, il s'agissait de la capacité par ses valeurs, de l'attractivité de sa culture et de ses institutions, de devenir un modèle et d'amener les autres, à vouloir ce que vous voulez. Aujourd'hui, la notion recouvre aussi bien le marché des échanges économiques, la force commerciale, la compétitivité. Le soft power chinois parle donc de l'attractivité des marchandises, de la capacité à réaliser des projets de construction avec efficacité247(*) et diligence.

L'approche en termes de soft power nous parait particulièrement pertinente à tester dans le cas de la Chine au Cameroun. A cet effet, si le recours à une idéologie dans les années qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale a constitué la principale ressource de soft power pour la Chine, c'est aujourd'hui la culture qui est mise en avant. En analysant l'effet de la montée en puissance de la Chine sur la diplomatie globale, Joshua Kurlantzick écrit : « for the first time in centuries, China is becoming an international power, a nation with global foreign policy ambitions »248(*). Joseph Nye et Wang Jisi se sont efforcés de définir le soft power chinois249(*) tel qu'il se manifeste à l'heure actuelle. Les deux experts, l'un américain, l'autre chinois, reconnaissent ainsi que la montée en puissance de la Chine se fait en douceur. Ainsi, la grande séduction que la Chine semble diriger au Cameroun, tourne autour de nombreuses réalisations culturelles. L'Afrique et donc, le Cameroun n'échappent pas à son champ d'expérimentation et même de projection. Les expositions photos observées le long de la clôture des Bois St Anastasie du carrefour Warda à Yaoundé témoignent de cette coopération fructueuse entre les chinois et les africains.

La présence chinoise au Cameroun obéit à une stratégie de puissance douce qui passe par divers mécanismes de coopération. Cette pénétration chinoise se présente de manière multiforme et couvre presque tous les domaines. La création de l'Institut Confucius au Cameroun constitue l'un des maillons les plus visibles de la chaine de coopération culturelle entre les deux pays. C'est donc un moyen pour la Chine de véhiculer ses idées aux autres peuples du monde, bref de vouloir façonner le monde à son modèle.

L'implantation des Institut Confucius semble constituer un paravent à cette stratégie de puissance chinoise, axée sur la conquête des coeurs et des esprits (Section I). Ainsi, cette offensive de charme chinoise en direction du Cameroun est visible à travers la réception dont elle fait l'objet au niveau local et régional (Section II).

* 236 J. Jansson, loc. cit., p.47.

* 237Voir : http://countrystudies.us/china/130.htm, (consulté le 04/06/2011).

* 238 Le Jour, loc. cit., p.51.

* 239 Ibid.,p. 62.

* 240 E. Matateyou, Parlons bamoun, Paris, L'Harmattan, 2002, p.38-39.

* 241 Voir : Livre de chinois : Faire vivre l'expérience du chinois- vivre en Chine, Higher Education Press, Hanban, China, 2006-2007.

* 242 Voir : Document de travail : «  la présence chinoise en Afrique de l'Ouest : le cas du Mali et du Benin », AFD, août 2008.

* 243 Cameroon tribune, loc. cit., p.50.

* 244 Voir : document de travail AFD, loc. cit., p.55.

* 245 J. Nye, R. Keohane, Power and interdependance, 3 éd. , New York: Longnan, 2001, p.220.

* 246 J. Nye, « Soft power », Foreign policy, Automne, N°80, 1990, pp.166-167.

* 247 Connexions, loc. cit., p.58.

* 248 J. Kurlantzick, loc. cit., p.

* 249 B. Courmont, op. cit., p.70.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon