2. Le coup d'État et la mise en place du
régime de RENÉ
Le coup d'État du 4-5 juin 1977, dit «
Libération » par le régime socialiste, porta au pouvoir
RENÉ. Deux-cent partisans de RENÉ dirigés par Ogilvy
BERLOUIS ont pris le pouvoir pendant que MANCHAM assistait à Londres
à la conférence du Commonwealth et institué un
« Conseil révolutionnaire »58. Le coup
d'État a été consacré par plusieurs journaux
français : dans notre corpus, on peut citer Le Monde,
Rouge, Le Matin de Paris, Le Nouveau journal et
La Croix peu après sa réalisation. D'autres
éléments ont été relevés dans des articles
postérieurs. Nous allons voir comment ces journaux abordent le putsch,
les jours qui ont précédé ce coup de force et de quelle
façon le nouveau régime est présenté.
Le journal communiste Rouge, Le Matin de Paris et
Le Monde font partie des premiers journaux à annoncer la
réalisation du coup d'État le 6 juin. Le Monde publie un autre
article le lendemain. Les quatre articles ont presque tous un titre commun qui
présentent clairement la situation : « coup d'État aux
Seychelles ». Pour Le Matin de Paris, si les Seychelles
étaient épargnées par les cyclones, elles ne
l'étaient pas par l'instabilité décrite comme une maladie
africaine. Le journal rapporte la justification des putschistes : MANCHAM
« voulait modifier la Constitution et repousser de cinq ans les
élections [de] 1979 » et parce qu'il « voulait devenir un
dictateur ». Cette justification est reprise par Le Monde du 7
juin. La véritable raison, d'après la presse française,
serait la rivalité entre MANCHAM et RENÉ59.
Frank TENAILLE de Rouge, lui, ne présente peu le coup
d'État, préférant davantage décrire les Seychelles.
Quant à DECRAENE, il décrit MANCHAM, sa présidence qui se
résume à de nombreux voyages - il aurait passé plus de
temps à l'étranger qu'aux Seychelles -, et à ce qui a
conduit au coup d'État. Presque quinze ans plus tard, Serge RAFFY
présente les putschistes comme « une poignée de jeunes
intellectuels gauchistes, formés dans les séminaires suisses et
français [qui] prirent le pouvoir » avec à sa tête
RENÉ décrit comme « un jeune avocat fasciné par Fidel
CASTRO et par toutes les légendes anticolonialistes
»60.
Pour le Figaro, face à moins d'une centaine de
policiers aux moyens réduits comme seule force seychelloise, les
putschistes n'avaient aucun mal à réussir leur
coup61. Ainsi, les points stratégiques furent
occupés et le couvre-feu instauré. MANCHAM, désormais
déchu, dénonce un complot soviétique à cause de
l'emplacement stratégique des Seychelles. Cette thèse est
défendue par Le Nouveau journal du 16 juin 1977 qui
décrit longuement comment les Soviétiques ont
préparé et appuyé le coup d'État. RENÉ prend
la tête du régime et
souhaite construire un « socialisme typiquement
seychellois ». Les officiers britanniques sont expulsés et les
institutions suspendues. Enfin, des élections sont annoncées pour
197962. Le 8 juin, on apprend la composition du gouvernement,
on sait également que quatre personnes auraient été
tuées pendant le putsch et que les dictateurs AMIN DADA et RATSIRAKA ont
largement félicité le nouveau dictateur. À Londres, on
s'interrogeait sur la participation des Seychelles à la
conférence du Commonwealth. Enfin, RENÉ et la presse
soviétique démentent la participation de l'URSS dans le coup
d'État63. Dans cet article, Plantu caricature le coup
d'État sous la forme d'une tortue seychelloise secouant sa carapace pour
se débarrasser des pions représentant les puissances
étrangères (cf. annexe n°9). Le 10, Le Monde
rapporte que le nouveau régime « ne sera certainement pas
marxiste » d'après RENÉ. Le 11 juin, on apprend la
création d'une « armée populaire de sécurité
»64. Le Royaume-Uni reconnait le nouveau régime le
13 juin65, et la France par l'annonce de la venue du ministre
de la Coopération, Robert GALLEY, aux célébrations du
premier anniversaire de l'indépendance. Les soldats tanzaniens arrivent
aux Seychelles pour encadrer la milice66. La Croix du
22 août 1977 reprend plusieurs éléments déjà
évoqués par la presse les jours précédents le coup
d'État. L'article estime, plus de deux mois après le coup
d'État, qu'il était « encore trop tôt pour
connaître l'orientation définitive du nouveau régime
».
58 GUÉBOURG Jean-Louis, Les Seychelles, Paris,
Karthala, 2004, p.76.
59 ANONYME, « Les Russes sur la route du pétrole
», Le Nouveau journal, 16 juin 1977 ; DECRAENE Philippe, «
Coup d'État aux Seychelles », Le Monde, 7 juin 1977.
60 Op. cit. RAFFY Serge, « Marx va mourir aux
Seychelles », Le Nouvel observateur, 26 mars-1er avril 1992.
61 NIRASCOU Gérard, « Aux Seychelles, Karl Marx
contre le tourisme », Le Figaro, 5 juin 1978.
62 Op. cit. DECRAENE Philippe, « Coup d'État
aux Seychelles », Le Monde, 7 juin 1977.
63 ANONYME, « Le coup d'État aurait fait plusieurs
morts, Le Monde, 8 juin 1977.
64 Le Monde, 11 juin 1977.
65 Le Monde, 15 juin 1977.
66 Le Monde, 24 juin 1977.
B) Les Seychelles de René décrite par la
presse française
France-Albert RENÉ a longtemps gouverné les
Seychelles depuis son indépendance jusqu'à récemment. La
presse française a suivi son règne et son pays pendant plus d'un
quart de siècle. Comment les Seychelles de 1977 à 2004 sont-elles
décrites dans les journaux et magazines français ? Trois aspects
de la vie d'un pays vont devoir être étudiés sur les
Seychelles : la vie intérieure, les relations extérieures et
l'économie.
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