Chapitre VII : Les relations
seychello-réunionnaises
La Réunion, département d'outre-mer, est le
territoire français le plus important de l'océan Indien. Avec
Djibouti et Mayotte, elle sert de base à la présence
française dans l'océan Indien237 : en effet,
elle abrite le quartier-général de ses forces pour le sud de cet
océan avec 2 800 hommes, bien que l'essentiel de la flotte soit
basée à Djibouti238. Elle a donc un poids
régional important. Elle est même considérée comme
la « vitrine de la France » de l'océan
Indien239. Sans la Réunion, la présence
française dans l'océan Indien n'a pratiquement plus aucune raison
d'être240. La Réunion intéresse, voire
attire les pays voisins, dont les Seychelles - les sociétés
réunionnaises et seychelloises sont parentes241. Il est
donc important, voire indispensable, d'évoquer les relations entre la
France et les Seychelles de RENÉ à travers les liens entre
l'archipel et la Réunion.
237 WAUTHIER Claude, Quatre présidents et l'Afrique.
De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand. Quarante ans de politique
africaine, Paris, Éditions du Seuil, 1995.
238 DELCORDE Raoul, Le Jeu des grandes puissances dans
l'océan Indien, Paris, Harmattan, 1993.
239 Centre de hautes études sur l'Afrique et l'Asie
modernes, La Réunion dans l'océan Indien, Paris, CHEAM,
1986.
240 Op. cit. DELCORDE Raoul, Le Jeu des grandes
puissances dans l'océan Indien, Paris, Harmattan, 1993.
241 Op. cit. Centre de hautes études sur
l'Afrique et l'Asie modernes, La Réunion dans l'océan
Indien, Paris, CHEAM, 1986.
242 TENAILLE Frank, « Un coup d'État renverse l'homme
des britanniques », Rouge, 6 juin 1977.
A) Les premières relations à travers les
liens entre le SPUP et le PCR
Les premiers éléments de la presse
française sur les relations franco-seychelloises se portent sur les
relations entre le SPUP, parti de RENÉ au pouvoir, et le PCR (Parti
communiste réunionnais). Le PCR est l'un des principaux partis
communistes de la Réunion. Il est proche du SPUP de RENÉ. Quatre
articles ont été identifiés : le premier est paru dans
Rouge le 6 juin 1977, c'est-à-dire au lendemain du
coup d'État qui a porté au pouvoir RENÉ et l'équipe
socialoprogressiste ; viennent ensuite Le Monde et Le Figaro
le 5 mai 1978 ainsi que Libération le 13 septembre de la
même année.
Tout d'abord, on relève une supposition émise
par Frank TENAILLE au lendemain du coup d'État des partisans de
RENÉ. D'après le journaliste de Rouge, le parti de
RENÉ aurait « agit en coordination avec les forces progressistes de
l'île Maurice, de la Réunion et le gouvernement malgache
»242. Par conséquent, le SPUP avait déjà des
relations avec le PCR tout comme avec le MMM mauricien. La coordination entre
le SPUP et le PCR aurait permis en parti à RENÉ de prendre le
pouvoir.
Nous pouvons observer une nouvelle fois l'existence des
relations entre le parti de RENÉ et le PCR à travers la
réunion des partis et organisations progressistes et
révolutionnaires du sudouest de l'océan Indien. La
Conférence s'est tenue au « Mahé Beach », le plus grand
hôtel de l'île d'après Gérard NIRASCOU, du 17 au 24
avril 1978. Durant cette conférence, les partis seychellois et
réunionnais, avec les mouvements mauricien et malgache, ont
condamné la politique des Occidentaux243. Avec le PCR,
sans oublier les autres partis progressistes de la région, le SPUP
crée le Comité permanent de liaison et d'information basé
sur l'île de Mahé244.
243 NIRASCOU Gérard, « Aux Seychelles, Karl Marx
contre le tourisme », Le Figaro, 5 juin 1978.
244 Le Monde, 5 mai 1978 ; LAURENT
Frédéric, « La route du pétrole passe par les
Seychelles », Libération, 13 septembre 1978.
245 AMALRIC Jacques, « M. Mitterrand réaffirme que
Paris reste à l'écoute du tiers-monde », Le Monde,
13 juin 1990.
B) De la « pomme de la discorde
»...
Comme nous l'avons vu précédemment, il y avait
eu des tensions entre la France et les Seychelles autour du statut de la
Réunion. (cf. Chapitre VI L'État des relations). Nous
avons vu que la Réunion en tant que département français a
été remis en cause par les Seychelles de RENÉ qui ont fait
partie du Comité had hoc de l'OUA. Elle constituait donc une
« pomme de la discorde » entre la France et les Seychelles,
d'après Jacques AMALRIC245. Les relations entre la
Réunion et les Seychelles étaient sans doute assez houleuses
malgré les liens culturels, démographiques et économiques
anciens qui les unissent. Pourtant, les journalistes ne donnent aucune
description des relations seychello-réunionnaises durant cette
discorde.
C) ... jusqu'à l' « aubaine pour les
Seychelles »
Nous allons voir quels aspects de ces relations sont
décrits par les journaux français. Avant de débuter notre
étude, nous constatons que les informations sont peu nombreuses et
qu'elles proviennent largement de la LOI : dix articles de notre
corpus contre trois du Monde.
Près de dix ans après la fin du contentieux,
Jacques AMALRIC présente, au moment de la visite de MITTERRAND aux
Seychelles en juin 1990, la Réunion comme « une aubaine pour les
Seychelles ». En effet, d'après le journaliste, elle formait une
tête de la coopération francoseychelloise qui contribue au
développement des Seychelles. Le journaliste a bien vu que la
coopération française par le biais de la Réunion n'a
cessé de se développer. Nous allons voir dès lors quel a
été son développement.
diplomatiques et politiques, presque aucun
élément n'a été trouvé, si ce n'est la
visite de délégations industrielles menée par des
personnalités réunionnaises ou françaises, ou encore la
venue du préfet de la Réunion, Jean ANCIAUX et le
président du Conseil régional, Pierre LAGOURGUE, les 8 et 12
juillet 1988 - pendant cette visite, ils ont rencontré le
président RENÉ246. Toutefois, un seul article
plus détaillé a été identifié. Il est paru
dans la rubrique « Diplomatie » de la LOI le 14 janvier 1984
sous le titre de « Signature d'un accord de coopération ». Cet
article évoque la signature d'un accord général de
coopération entre les États membres de la COI nouvellement
créée. Dans cet article, on peut constater que la Réunion
a participé à la réunion, qui s'est déroulée
les 9 et 10 janvier, en tant qu'observateur (cf. chapitre IX « La
France et les Seychelles à travers les réunions internationales
»). Il faut attendre le 10 janvier 1986 pour voir la Réunion
intégrer la COI.
Ensuite, on peut constater qu'une seule allusion aux relations
militaires entre la Réunion et les Seychelles a été
identifiée : la formation de deux hélicoptères seychellois
à la Réunion pour 1989247 (cf. Chapitre
XIII « Les relations militaires »).
Des informations dans le domaine sanitaire ont
été fournies par les journaux français. Ainsi, nous
pouvons voir que l'administration française à la Réunion
prenait en charge les soins des Seychellois dans les hôpitaux
réunionnais, hormis pendant l'éphémère crise qui a
opposé la France et les Seychelles en 1985 (cf. chapitre VI
« L'état des relations »). Dès 1992, un partenariat
hospitalier entre le Centre hospitalier départemental (CHD) de
Saint-Denis de la Réunion et l'hôpital de Victoria se met en place
puis se renforce en 1996248. La même année, la
Réunion exhorte ses voisins, dont les Seychelles, à lutter contre
le SIDA249. (cf. chapitre XI Les relations
sanitaires).
Les articles traitant de manière plus approfondie la
coopération seychelloréunionnaises portent sur les relations
économiques entre la Réunion et les Seychelles (cf.
Chapitre XIV « Les relations économiques », p...). Ces
relations sont visibles dans les articles de la LOI. Un premier
article de taille modeste, intitulé « En concurrence avec la
Réunion » parait le 24 décembre 1983. L'article
évoque le risque d'une concurrence entre la Réunion et les
Seychelles en termes d'accueil de thoniers en raison de l'impasse à
cette époque des négociations sur la pêche entre les
Seychelles et la CEE. Dans un article intitulé « Baisse du
déficit commercial » paru le 9 juin 1984, on peut constater que la
Réunion est, avec le Pakistan, le Japon et l'Algérie, l'un des
principaux clients des Seychelles. Il est également, avec le Japon, le
principal client pour le poisson seychellois. Un autre article de la LOI,
datant du 7 juillet 1984, confirme ce fait en précisant qu'une partie
des tonnages pêchés - d'après la FAO, la pêche
artisanale seychelloise s'est élevée à 5 000 tonnes en
1981 - est réservée à l'exportation, «
essentiellement vers la Réunion ». On sait que 80 % de
l'importation réunionnaise en provenance des Seychelles est
constituée de poissons. Pourtant, les échanges entre la
Réunion et les Seychelles étaient modestes à cause des
faibles ressources économiques de l'État-archipel, et les
exportations réunionnaises vers les Seychelles étaient
faibles250. Le 18 novembre 2000, la LOI annonce que
Parabole Réunion débarque sur les écrans seychellois. En
effet, la société de télévision par satellite
réunionnaise a entamé des négociations avec les
autorités seychelloises pour obtenir l'autorisation d'émettre aux
Seychelles.
246 « Renforcement de la coopération avec la
Réunion », La Lettre de l'Océan Indien, 16 juillet
1988.
247 « Coopération militaire tous azimuts »,
La Lettre de l'Océan Indien, 3 décembre 1988.
248 « Aide médicale de Paris », La Lettre de
l'océan Indien, 20 janvier 1996.
249 FOLLÉA Laurence, « L'île de La
Réunion exhorte les pays voisins de l'Océan Indien à
lutter contre le sida », Le Monde, 31 décembre 1996.
250 Op. cit. Centre de hautes études sur
l'Afrique et l'Asie modernes, La Réunion dans l'océan
Indien, Paris, CHEAM, 1986.
En dehors des articles sur les relations économiques
dans le domaine de la pêche, nous pouvons évoquer les
investissements réunionnais effectués suite à deux
missions industrielles réunionnaises aux Seychelles en mai et fin
octobre 1987. Ainsi, on peut voir que le groupe Chane-Nam a
décidé d'implanter trois petites unités dans
l'agro-alimentaire, qu'Apavou finançait un projet d'hôtel
chiffré à 40 millions de FF (plus de 6 150 000
d'euros251), que Bourbon-Bois a obtenu des
marchés dans l'habitat social et que la société
Profilage de la Réunion « pourrait fournir les Seychelles
en hangars et en tôles métalliques ». À cela on peut
rajouter l'aide d'un million de dollars à Air-Seychelles par la Banque
française commerciale-Océan Indien (BFCOI), ainsi que
l'investissement de trois sociétés de pêche de la
Réunion et des Ets I.A.Ravate aux
Seychelles252. En cinq lignes, un article de la LOI
évoque la création future de sociétés mixtes
entre des entreprises réunionnaises et seychelloises après la
visite d'une délégation d'industriels réunionnais
dirigée par Claude-Francis GODERIAUX, conseiller du commerce
extérieur français253. Le 16 juillet 1988, on
apprend que la coopération entre la Réunion et les Seychelles
s'est renforcée: le préfet de la Réunion et le
président du Conseil général ont participé
personnellement aux négociations d'un contrat favorable à
l'entreprise Bourbon-Bois.
251 D'après nos calculs.
252 « Investissements réunionnais », La
Lettre de l'Océan Indien, 7 novembre 1984.
253 « Sociétés mixtes », La Lettre de
l'Océan Indien, 26 mars 1988.
254 « Visite du ministre des Affaires
étrangères de la République des Seychelles »,
News Press, 4 octobre 2002.
255 « Entretien du Ministre délégué
à la coopération et à la Francophonie avec les
autorités seychelloises », News Press, 13 février
2003.
Enfin, les derniers éléments dont nous disposons
par la biais de notre corpus sur les relations entre la Réunion et les
Seychelles de France-Albert RENÉ, proviennent de deux bulletins
émis par l'agence de presse française News Press. Le
premier date du 4 octobre 2002 et évoque la visite en France du 2 au 4
octobre du ministre seychellois des Affaires étrangères,
Jérémie BONNELAME. Il se serait entretenu avec le ministre
délégué de la Coopération et de la Francophonie,
Pierre-André WILTZER, sur une coopération
décentralisée, notamment avec la Bretagne et bien sûr la
Réunion, sur la pêche et le tourisme254. Dans un
bulletin datant du 13 février 2003, on apprend qu'un accord de
coopération entre la Réunion et les Seychelles a
été signé en présence du ministre BONNELAME. Selon
ce bulletin d'information, cet accord élargit la coopération
entre la Réunion et les Seychelles à tous les secteurs. Parmi les
secteurs cités, il y a le tourisme, la pêche, l'aménagement
du territoire, la sauvegarde de
l'environnement, la francophonie, et on peut constater qu'il y
a d'autres domaines que le bulletin d'information a
préféré ne pas citer, car ils devaient être
nombreux255. La coopération entre la Réunion et
les Seychelles jusqu'à la fin de règne de RENÉ aurait
été plus restreinte. Néanmoins, cet accord confirme le
renforcement de plus en plus accru des relations entre les deux territoires
depuis les années 80.
Si l'on dispose d'un aperçu des relations
économiques et si l'on a rappelé le conflit autour du statut du
département d'outre-mer, il n'en demeure pas moins que les relations
entre la Réunion et les Seychelles sont très mal couvertes par
les journaux français. Sans La Lettre de l'Océan Indien,
il aurait été quasiment impossible d'évoquer ici les
relations entre la Réunion et les Seychelles à l'époque du
président RENÉ. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il en est
ainsi dans l'ensemble de la presse écrite française. Si les
journaux métropolitains semblent bouder les relations entre le
département d'outre-mer et l'État-archipel de l'océan
Indien, on suppose que cela s'avère différent pour les magazines
franco-africains comme Afrique-Asie ou encore les journaux
français publiés dans les territoires français de
l'océan Indien, notamment à la Réunion. La meilleure
référence pour cette île serait Le Quotidien de la
Réunion.
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