Chapitre VI : État et qualité des
relations franco-
seychelloises
Nous jugeons qu'il est nécessaire de voir l'état
et la qualité des relations francoseychelloises à l'époque
de RENÉ à travers les journaux français. La qualité
des relations entre États est importante. Il y a des États qui
entretiennent de bonnes, voire d'excellentes relations (par exemple la France
et l'Allemagne), d'autres qui entretiennent des liens mauvais, voire
conflictuels (comme la France avec la Côte d'Ivoire de Laurent GBAGBO).
D'après Benjamin KANINDA MUDIMA, la qualité des relations
diplomatiques est relative car elle évolue en fonction des facteurs
historiques, culturels, idéologiques, politiques, économiques,
psychologiques194. Par la colonisation en autre, la France
entretient des relations relativement bonnes avec les États africains,
en particulier avec ses anciennes colonies (par exemple la Côte d'Ivoire
ou le Sénégal). C'est pareil dans le sud-ouest de l'océan
Indien. Sous la présidence de RENÉ, comment peut-on qualifier les
relations entre la France et les Seychelles et comment sont-elles
présentées par la presse française ? Nous envisagerons ce
sujet à travers un plan en deux parties : tout d'abord, il s'agira de
voir les relations plutôt positives qui émanent de facteurs
spécifiques ; et ensuite la partie négative des liens pour des
raisons précises.
194 KANINDA MUDIMA Benjamin, Les privilèges et
immunité en droit international : cas du ministre des affaires
étrangères de la RDC, Kinshasa, Université de
Kinshasa, 2008.
195 ANONYME, « Le nouveau président affirme que son
régime « ne sera certainement pas marxiste » », Le
Monde, 10 juin 1977.
A) Des relations bilatérales bonnes
Un certain nombre d'articles de presse française nous
indique que les relations francoseychelloises sous RENÉ étaient
bonnes. Sous quels aspects ces relations positives sont-elles visibles ?
1. Des relations étroites et amicales
Avant que RENÉ ne s'empare du pouvoir, les relations
entre la France et les Seychelles étaient déjà
relativement bonnes. Elles étaient également anciennes. Donc,
lorsque ses partisans ont pris le pouvoir le 5 juin 1977, il a
hérité de ces relations dans cet état. Ainsi, le 8 juin
1977, lors d'une conférence à Victoria afin de présenter
son gouvernement, il a affirmé que les Seychelles entretenaient des
bonnes relations avec la France, que celle-ci est un pays ami, d'après
Le Monde195. La légitimité d'un pouvoir
putschiste aux yeux de la communauté internationale a
toujours posé problème. Pourtant, le
régime de RENÉ a très vite obtenu sa reconnaissance. Dans
son édition du 24 juin 1977, Le Monde annonce que le ministre
de la Coopération, Robert GALLEY, allait assister au premier
anniversaire de l'indépendance seychelloise. De ce fait, la France a
entériné le putsch.
En outre, on constate que plusieurs descriptions des relations
diplomatiques sont faites par les journaux français en 1978, en
particulier à l'occasion de la visite en France du président des
Seychelles. Les articles consacrés à la visite du
président RENÉ à Paris peuvent refléter en parti la
qualité des relations franco-seychelloises dès le début du
régime de RENÉ comme nous allons le voir.
Deux aspects présentés par Le Monde
semblent montrer un intérêt particulier de RENÉ pour
la France, facilitant ainsi les relations franco-seychelloises. D'abord, il est
présenté par Philippe DECRAENE comme étant «
francophone comme presque tout les Seychellois [et] francophile comme la
plupart de ses compatriotes, et comme James MANCHAM lui-même196
». En effet, il ne faut pas oublier que les Seychelles
étaient jusqu'en 1810 une colonie française. Malgré 166
années de colonisation britannique, le caractère francophone et
le passé français demeurent toujours aussi vivaces : les
Seychellois préfèrent donc sentimentalement la France au
Royaume-Uni. On retrouve ce même capital de sympathie dans plusieurs
États d'Afrique noire. Le Figaro du 12 septembre 1978 justifie
la présentation de DECRAENE : il évoque l'existence d'entretiens
de « liens sentimentaux réels avec la France ». C'est sans
doute une des raisons qui ont décidé RENE et BARRE à
discuter ensemble des « liens historiques » qui unissent les deux
pays par le biais de la Réunion197. Deuxième
aspect, RENÉ pense qu'un lien avec la France serait « un moyen de
faire pièce au poids de la Grande-Bretagne, dont l'influence reste
prépondérante non seulement aux Seychelles, mais dans l'ensemble
de l'océan Indien » toujours d'après
DECRAENE198. Au nom de l'indépendance nationale et par
souci de rupture avec le passé colonial britannique aux effets parfois
néfastes sur l'économie et la société, mais aussi
au nom de la démilitarisation de l'océan Indien, RENÉ
souhaite donc écarter l'influence britannique déjà en
déclin. La Croix du 13 septembre 1978 présente le
président RENÉ, à l'occasion de sa visite en France du 11
au 13 septembre 1978, comme étant un « ami de la France ».
Dans Le Monde du 13 septembre 1978, le président GISCARD
D'ESTAING semble répondre à RENÉ en souhaitant la
poursuite du dialogue avec les Seychelles en englobant l'archipel dans la
« politique de dialogue entre la France et l'Afrique, jusques et y compris
dans l'océan Indien »199. Nous pouvons voir que
RENÉ a hérité « des relations confiantes et
fructueuses [...] établies avec la France » d'après Le
Figaro. Et l'enseignement du français à parité avec
l'anglais200 est un indice d'appréciation des
Seychellois et du gouvernement envers la France.
196 DECRAENE Philippe, « M. France-Albert René est
l'hôte du gouvernement français », Le Monde, 12
septembre 1978.
197 BOURGEOIS Claude, « Le président des
Seychelles à Paris », Le Dauphine libéré, 13
septembre 1978.
198 Op. cit. DECRAENE Philippe, « M.
France-Albert René est l'hôte du gouvernement français
», Le Monde, 12 septembre 1978.
199 DECRAENE Philippe, « Nous n'accepterions en aucun cas
une base militaire dans l'archipel », Le Monde, 13 septembre
1978.
200 Op. cit. ANONYME, « Les Seychelles :
clés de l'océan Indien », Le Figaro, 12 septembre
1978.
Enfin, Le Monde, ainsi que Le Figaro, nous
décrivent l'état des liens bilatéraux en 1978.
D'après Le Figaro, « la France développe en
direction des Seychelles une assistance économique, culturelle et
technique selon différents axes » grâce à une
quinzaine de coopérants et des crédits de coopération.
Cela refléterait, d'après le quotidien, « la volonté
d'assistance de la France à l'égard de ce jeune État
»201. L'article du Monde, antérieur
à celui du Figaro202, nous donne davantage de
descriptions. La quinzaine de coopérants, des « experts et [des]
techniciens », est confirmée. On apprend que le ministre
seychellois du développement, Maxime FERRARI, souhaitait voir leur
nombre augmenter. On apprend également que les Seychelles vont ouvrir
une ambassade en France : soit deux ans après l'indépendance
seychelloise, même sous MANCHAM, il n'y avait pas d'ambassadeur
seychellois à Paris. Voilà ce qu'on peut dire des relations
françaises en 1978 d'après les articles.
Ensuite, d'autres articles décrivent ou évoquent
l'étroitesse, la qualité et l'histoire des relations entre la
France et les Seychelles du président RENÉ.
Dans son article paru dans Libération le 4
décembre 1981, Pierre HASKI évoque la rencontre entre le ministre
seychellois du Développement, Maxime FERRARI, envoyé
spécial du président RENÉ, avec les dirigeants
français. À l'issu de ces rencontres, ces hommes politiques
disent que les relations franco-seychelloises sont « très bonnes
»203. Fin décembre 1986, l'envoyé
spécial du Monde à Victoria, Jacques de BARRIN, a
présenté le début de son article en annonçant que
« Paris [est] à l'écoute de la « révolution
socialiste » ». L'idée du dialogue entre la France et le
régime de RENÉ est donc reprise.
Dans l'édition du 2 juillet 1998, Frédéric
FRITSCHER, correspondant du Monde à Luanda (Angola), rapporte
la tournée du président CHIRAC en Afrique australe
racontée par le chef de l'État français avant de quitter
la capitale angolaise le 30 juin et de terminer ainsi son voyage. En confirmant
sa demande au président sud-africain Nelson MANDELA et à son
vice-président Thabo MBEKI, ainsi qu'au président mozambicain
Joaquim CHISSANO, de soutenir la demande française d'adhésion
à l'association des pays riverains de l'océan Indien, CHIRAC
évoque l'importance qu'elle représente aux yeux de la France.
Parmi les justifications, il y a les rapports étroits entretenus avec
les îles du sud-ouest de l'océan Indien, dont les Seychelles.
Donc, en 1998, les rapports franco-seychellois étaient toujours
étroits204. Un an avant le départ à la
présidence de RENÉ, on peut constater, d'après un bulletin
d'information de l'agence de presse française News Press datant
du 13 février 2003, que la France avait la volonté de «
renforcer ses liens de coopération et d'amitié avec les
Seychelles à tous les niveaux ». Autrement dit, les relations
franco-seychelloises étaient toujours amicales.
201 Op. cit. ANONYME, « Les Seychelles :
clés de l'océan Indien », Le Figaro, 12 septembre
1978.
202 DECRAENE Philippe, « Les dirigeants de Mahé
redoutent un éventuel « scénario à la comorienne
» », Le Monde, 21 juillet 1978.
203 HASKI Pierre, « SOS contre les mercenaires »,
Libération, 4 décembre 1981.
204 FRITSCHER Frédéric, « M. Chirac
clôt en Angola sa tournée de « nouveau partenaire » de
l'Afrique australe », Le Monde, 2 juillet 1998.
Enfin, pour terminer notre développement sur la
présentation des liens diplomatiques à travers la
réorganisation de l'ambassade des Seychelles à Paris, il convient
de souligner que ce sujet est traité par trois articles parus dans la
LOI. Tout d'abord, il y a celui du 6-13 août 1983
intitulé « Relance diplomatique ». D'après
l'hebdomadaire, les Seychelles avaient fermé des ambassades par mesure
d'économie en 1981. Dès 1983, elles ont décidé
d'être de nouveau présentes sur la scène diplomatique,
d'où l'accréditation de plusieurs ambassadeurs seychellois, dont
un prévu pour la France « dans les prochain mois » à
compter du mois d'août. Nous savons que cette personne n'est autre que
Danielle de SAINT-JORRE (cf. Chapitre IV « Les principaux acteurs
d'après la presse française, p. ».). L'article du 20
décembre 1997 a un titre presque semblable : «
Réorganisation diplomatique ». On apprend que toutes les ambassades
seychelloises en Europe allaient être fermées pour des mesures
d'économie. Seule l'ambassade à Paris est restée ouverte
afin de représenter les Seychelles dans toute l'Europe. On apprend
également qu'un nouvel ambassadeur seychellois en France allait
être nommé : Callixte d'OFFAY. Enfin, nous avons l'annonce faite
par la LOI du 4 juillet 2003 de la fermeture de cinq ambassades pour
octobre 2003 en raison de mesures économiques prises par le gouvernement
seychellois. L'hebdomadaire a affirmé que le sort de l'ambassade des
Seychelles à Paris, alors toujours dirigé par Callixte d'OFFAY,
n'est pas encore connu à cette époque.
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