3.2.4. Implications économiques des
résultats de l'estimation et recommandations
Les résultats des estimations montrent que l'ensemble
des variables explicatives retenues expliquent de façon
adéquate les probabilités d'adoption des différentes
combinaisons de
techniques CES encore appelées techniques
améliorées de conservation des eaux et des sols. Ce sont le
coût d'adoption des CES, la taille du ménage, la superficie
aménagée, les rendements escomptés par les ménages,
la perception de l'utilité des CES et la perception de la
facilité d'utilisation de ces pratiques et enfin le risque
pluviométrique auquel sont exposés les ménages.
L'élément intéressant est que le coût d'adoption des
CES est un facteur significativement déterminant de la
probabilité que les ménages adoptent une technique CES
améliorée donnée. Autrement dit, les fluctuations sur les
coûts de mise en oeuvre de ces techniques se font sentir sur le
comportement des ménages face à l'adoption de celles-ci. C'est
dire que pour une vulgarisation des techniques améliorées de
conservation des eaux et des sols, non seulement dans les deux provinces mais
aussi à l'étendue des autres provinces, il faudra tenir compte de
leur coût comme instrument de politique économique. Ainsi, cette
vulgarisation doit passer par un effort de diminution de ces coûts
d'adoption en jouant sur les coûts des différents
éléments qui interviennent dans l'estimation des coûts
totaux d'adoption. Par exemple, l'on peut favoriser l'accès des paysans
à l'accès au matériel de mise en CES des exploitations. Ce
matériel concerne principalement les charrettes, les charrues, les
pioches, les dames de 10 kg pour la casse des pierres. L'indisponibilité
ou l'accès réduit des ménages à ce matériel
a été souligné par ceux-ci lors de l'enquête. En
effet, bien de chefs de ménages interviewés ne sollicitent que le
matériel de travail afin de mener à bien leurs activités.
« Nous ne demandons que le matériel de travail auprès de
l'Etat » affirmait un chef de ménage de Boursouma. Pour ce faire,
des mesures de subvention pourraient être prises en vue de réduire
les coûts de ce matériel afin que le ménage le plus pauvre
puisse l'acquérir avec de conditions minimales d'exclusion.
La perception de l'utilité des CES a seulement un effet
individuel sur l'adoption de la combinaison à quatre techniques.
Néanmoins, ce facteur psychologique a des effets même pour
l'adoption des autres techniques bien que cet effet ne soit pas significatif.
Ainsi, pour amener les ménages à adopter les combinaisons de
quatre techniques, il faudrait inciter ces ménages à bien
comprendre les avantages et les contraintes liées à ces
techniques. Des séances de formations doivent être
organisées périodiquement (mensuelles par exemple) par des
techniciens de l'agriculture assistés par ceux de la recherche en vue de
mettre à la disposition des ménages des informations
détaillées sur les techniques améliorées par la
recherche. Ces formations même si elles existent déjà
demeurent insuffisantes car, certains ménages adoptent les CES juste en
imitant leurs voisins d'exploitation pratiquant les CES à l'issue d'un
encadrement technique reçu d'un projet par exemple.
La taille des ménages joue également un
rôle dans l'adoption des techniques CES. Si l'accroissement de la taille
du ménage conduit à une réduction de la probabilité
que ce dernier adopte une technique CES, alors le ménage serait
prêt à adopter plus d'une technique CES dès que son
utilité totale induite augmenterait. En d'autres termes, l'accroissement
de la population a un effet stimulateur sur l'innovation technologique car, les
ménages chercheront à utiliser des techniques plus productives en
vue de répondre à ce besoin supplémentaire apporté
par l'impulsion démographique. Ce résultat confirme
également la théorie de la pression créatrice de la
population de Boserup (1965). La population est donc un facteur de
développement très important auquel il faut accorder une
attention particulière en préservant sa santé et en lui
donnant un cadre approprié pour s'épanouir.
La superficie aménagée intervient comme facteur
déterminant de l'adoption des techniques CES même si son effet est
explicitement perçu sur la probabilité d'adopter deux techniques.
Cet effet significatif traduit l'importance de la disponibilité des
terres pour la mise en oeuvre des CES. En effet, si l'accès à la
terre est réduit pour les ménages, ceux-ci ne seront pas à
mesure d'utiliser plus de deux techniques même s'ils en perçoivent
des amélioratrices de leur performance. Cette contrainte de la terre
bien répandue dans la zone de l'étude peut être
perçue comme un des facteurs influençant négativement sur
l'accroissement de la productivité des sols. Cette contrainte est
alourdie par l'existence des droits de propriété coutumiers qui
exclus bon nombre de ménages. Ainsi, l'inexistence de droits de
propriété pour certains ménages les conduits à ne
pas investir davantage ou pas du tout en mesures anti-érosives et de
collecte des eaux de surface.
Il est donc nécessaire de revoir cette question de la
redistribution des terres. L'on peut inciter les populations détentrices
des droits de propriété à dialoguer avec celles qui en
sont démunies avec la participation des techniciens au
développement afin de mettre à nue les avantages et les
inconvénients de la restriction des droits sur l'économie du
pays. En outre, un système de compensation peut être
envisagé en vue d'inciter les détenteurs des droits fonciers
à céder leurs terres aux autres. Ainsi, des facilités
particulières d'accès au matériels agricoles et de
crédits peuvent être données à ces
propriétaires fonciers s'ils acceptent de d'attribuer leurs terres
à ceux qui n'en possèdent pas.
Quant aux rendements escomptés par les ménages
des pratiques anti-érosives, leur effet marginal est significatif sur
la probabilité d'adopter deux et quatre techniques. Cependant
l'effet sur la probabilité d'adoption des 2 techniques
est négatif tandis que l'autre effet est positif sur l'adoption des
quatre techniques. Les rendements escomptés affectent donc la
décision des ménages d'adopter les CES. Il faut alors mettre en
place des techniques CES plus performantes et montrer aux paysans leur
caractéristiques particulières. Cela peut permettre à ces
derniers d'accroître leurs croyances en ces techniques et ainsi inciter
les ménages à les adopter sur leur exploitation.
Les limites majeures de l'étude concernent les
difficultés observées depuis la collecte des données
jusqu'à leur traitement statistique et économétrique. Le
problème d'incompréhension de la langue locale des villages
enquêtés peut être source de doute sur la fiabilité
des informations recueillies lors de l'administration du questionnaire de
l'enquête auprès des ménages. En effet, il a fallu trouver
un interprète dans chaque village de niveau moyen, le cours moyens
deuxième année (CM2), dont la compréhension du
questionnaire reste limité. En plus, il faut compter avec les chefs de
ménages susceptibles de fournir des informations erronées et
biaiser ainsi les résultats de l'étude.
En plus des contraintes sur la collecte des données,
l'on doit prendre en compte la méthode de codification de l'information
recueillie ainsi que de l'estimation des valeurs de certaines variables dont le
coût d'adoption et d'entretien des techniques CES et le revenu de chaque
ménage. L'estimation des coûts d'adoption se réfère
à une étude de Rijks et al (1997) sur les coûts des CES. Le
problème majeur est que le questionnaire de l'enquête n'avait pas
pris en compte la proportion des superficies aménagées
réservées aux pratiques anti-érosives. Ceci a conduit
à l'utilisation d'une base de calcul certes logique du point de vue
scientifique mais qui pourrait sous-évaluer ou surévaluer ces
coûts d'adoption par ménage. Le coût d'entretien est
également évalué par la même méthode que le
coût d'adoption. Cependant, les limites de cette estimation sont
liées au fait que la plupart des ménages affirment renouveler les
techniques plutôt que de les entretenir. Il s'en suit une grande
similitude entre les valeurs de ces deux types de coûts.
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