5.2.4. Les passerelles entre les entretiens et les
questionnaires
Certains points de convergence mais aussi de
divergence entre l'exploitation de l'analyse des entretiens des cadres de
santé et les questionnaires des personnels apparaissent.
> Les convergences d'opinions La qualité de
vie
Depuis 1999, date de la venue de l'accréditation
dans les hôpitaux, les politiques en ont fait un sujet
prioritaire.
En EHPAD, le projet d'établissement a notamment
des objectifs en ce
sens :
- « Coordination, coopération,
évaluation des activités et de la qualité des
prestations
- Organisation et fonctionnement des
différents services rendus101 ».
Le projet sera le reflet des valeurs et de
références éthiques de la part de
l'institution.
Depuis de nombreuses années, le personnel est
sensibilisé à la notion de qualité dans ses formations. Il
y a la qualité du service rendu par les soins, mais aussi celles de
l'animation et des conditions de vie.
Le personnel est de plus en plus qualifié, les
formations réactualisent les niveaux de compétences. Les
mentalités changent face à la vieillesse, chaque être a des
droits, qu'il soit dépendant ou pas, atteint ou pas d'un handicap. Le
projet de vie n'est pas une fin en soi, mais se réajuste selon
l'état de santé de la personne âgée. Face à
des fins de vie, le personnel sera plus à même d'accompagner le
résident et sa famille.
Le cadre de santé garantit cette qualité
de vie avec différents outils : formations, gestion des risques,
indicateurs de qualité...car de la « Place du soin, place de la
vie, de l'équilibre trouvé entre les deux dépendra la
qualité du projet de vie102 ».
Le défaut d'organisation
Il représente le manque de temps cité
par tous, cadres de santé et autres professionnels. Cependant il est
à noter que le rôle du cadre est notamment d'organiser, de
planifier, et de gérer.
Il est nécessaire qu'il trouve des
stratégies afin de mieux organiser l'EHPAD et d'en parler avec les
professionnels concernés. Sinon, des conséquences peuvent encore
plus désorganiser la vie quotidienne de l'institution :
l'absentéisme, la perte de motivation, les risques psycho-sociaux, les
risques de maltraitance. Il est vrai que l'effectif total de personnel est
difficile à atteindre, quel que soit le type d'EHPAD. Pénurie de
personnel, personnel non qualifié, charge de travail, peurs de la
vieillesse et de la dépendance, autant de questions que se posent les
cadres de santé interrogés.
101 AMYOT Jean-Jacques, MOLLIER Annie,
op.cit.
102 Ibid.
Le turn over
De ce fait, le turn over est présent. Faut-il
l'associer à une mauvaise organisation, à des professionnels de
la nouvelle génération qui bougent beau-coup, à des
problèmes culturels ?
Les professionnels et les cadres de santé
soulèvent ce problème. Pour le suivi d'un projet, il est plus
opportun d'avoir un personnel fixe, qui le connait. Là où le
personnel se lasse, c'est de former sans cesse des nouveaux, qui ne resteront
qu'un temps. La fidélisation sur un poste et un endroit n'est plus
à la mode pour la jeune génération: « Leur
culture de l'intuito-connectif leur donne très vite le sentiment d'avoir
fait le tour et de n'avoir plus rien à apprendre103
».
Mais dans le même temps, pouvoir impliquer
d'autres compétences, permet au cadre de santé d'enrichir le
projet de vie : des avis différents, d'autres valeurs, des
échanges.
L'importance de la communication
Les différents professionnels émettent
le problème du manque d'informations. Il est à deux niveaux :
celui des cadres de santé et celui des autres personnels.
Les cadres de santé ont la sensation de manquer
d'informations quant à la mise en oeuvre du projet de vie. Ils en
déduisent qu'ils ne peuvent donc pas informer leur
personnel.
Ce dernier reçoit peu d'informations de la
hiérarchie et des autres personnels. Il ne s'intéresse que
très peu au projet de vie, son information aux familles
n'intéresse que les soins de base comme la toilette, les repas...les
professionnels ne s'impliquent donc pas. Ils sont pourtant à la
recherche d'un sens à donner à leur travail. La plupart des
auxiliaires de vie ne connaissent pas le projet de vie. Est-ce un
problème de compétences ? de regard des autres professionnels
?
Pourtant l'articulation entre les professionnels ne
peut que se faire par de la diffusion d'informations, d'échanges. Le
cadre de santé a ce rôle de constructeur, de diffuseur
d'information. Il peut s'appuyer sur le médecin coordonnateur, qui
apparait très peu nommé dans l'enquête. Est-ce le fait
qu'il soit à temps partiel dans l'établissement, ou le fait que
l'équipe le voit très peu ?
Des réunions ont lieu pour les familles
cependant, qui sont souvent conduites soit par le psychologue, soit par le
directeur de l'EHPAD. Un manque de coordination existe, et se répercute
à tous les niveaux.
L'amélioration du projet de vie
Au regard des trois points cités
précédemment, la mise en oeuvre du pro-jet de vie est
freinée. Son amélioration est demandée par tous, mais
encore faut-il l'avoir construit et employé par tous. Avant
d'améliorer le projet de vie en lui-même, il est nécessaire
de l'objectiver, de le travailler ensemble, et de ré-
103 LAMBERT Jacques, (2009), Management
intergénérationnel, Editions Lamarre, Pays-Bas, 269
p.
soudre les problèmes existants par une
communication efficace, une information transversale, une coordination de
professionnels. De ce fait, les familles et le résident seront à
même d'être mieux informées et impliquées dans le
projet de vie.
> Les divergences d'opinions.
Elles concernent la connaissance du projet de vie par
le résident et sa famille. Les cadres de santé ainsi que les
animateurs pensent que ceux cités précédemment le
connaissent. Comment ?
Pour les cadres de santé, la visite de
pré-admission et le jour de l'accueil sont des moments où la
famille et le résident reçoivent le plus d'informations.
Cependant, si on se réfère aux entretiens, deux cadres sur les
trois ne parlent pas du projet de vie. Si on extrapolait, cela ferait sept sur
onze qui en parlerait normalement. Il ne faut pas oublier ce taux de 90 % de
oui annoncé par les cadres de santé questionnés. Il y a
là une anomalie de leur part.
Les animateurs pensent sans doute que l'animation est
perçue comme un projet. Mais si les familles n'ont pas entendu parler du
projet de vie, comment seraient-elles au courant du projet d'animation ? A
moins que l'animateur présente ses activités en tant que
tel.
Les autres catégories de professionnels ne
s'expriment pas sur ce sujet. Qui ne dit rien consent ou alors est-ce une forme
de manière de me faire comprendre qu'en fait les familles et le
résident ne sont pas plus informés qu'eux ?
L'animation aussi n'est pas vue de la même
façon par ces deux catégories de professionnels. Les familles
participeraient selon les animateurs. Le cadre de santé est-il
présent à ces moments là ? Je me demande s'il existe une
communication efficace entre les cadres de santé et les animateurs. Le
projet d'animation est peu perçu par les cadres comme
intégré dans le projet de vie. Un manque d'information ? Ou une
déviance de la formation initiale ? Mon enquête ne me permet pas
d'y donner des points de réponses.
Un point est cependant à soulever : la place
des professionnels qui sont peu cités : le médecin coordonnateur,
le psychologue et le kinésithérapeute. La participation de tous
est vitale pour le projet de vie. Ces catégories de professionnels se
doivent de communiquer avec les autres et se faire connaitre de
tous.
Au regard de tous ces points, je me demande alors si
mes premières hypothèses émises sont
vérifiées.
Je suis partie d'une question globale : comment en
tant que cadre de santé, puis-je sensibiliser le personnel et les
familles pour faire vivre le projet de vie en EHPAD ?
Mes hypothèses de départ se sont
confirmées, mettant en évidence des critères qui
participent au succès du projet de vie :
- La diffusion de l'information
- L'implication des professionnels
- L'implication des familles
- L'implication du résident
- La motivation des professionnels
Mais en approfondissant cette enquête, je me
rends compte que d'autres facteurs sont présents pour le faire vivre,
comme l'accompagnement du cadre dans le projet de vie, l'articulation entre
tous les acteurs.
Quels sont alors les grands axes managériaux
relevant de ma responsabilité de future cadre de santé que je
vais pouvoir utiliser dans l'animation d'un EHPAD par rapport au projet de vie
?
|