5.1.2. Importance de l'implication des acteurs dans le
projet de vie
La construction d'une collaboration est l'atout majeur du
projet de vie. El-le se situe au niveau des professionnels mais aussi des
familles.
> Le personnel
« En l'absence de motivation des personnels,
aucune dynamique de projet ne peut se développer91
». Les compétences des professionnels ne sont
90 Fondation de France, Le projet de vie,
op.cit.
pas forcément mises en valeurs, elles sont mal
utilisées. Les soignants connaissent leur travail, du fait de leur
formation initiale. Cependant, l'évolution des pratiques
professionnelles est constante. Par manque d'informations, le personnel peut
rester dans une approche du soin stoïque.
Le projet de vie donne comme l'explique un cadre de
santé, du sens aux actions. Une responsabilité qui valorise les
soignants dans leur travail au quotidien. Nous connaissons les
difficultés liées au travail dans certains domaines de la
santé, dont celui des personnes âgées. La charge de travail
est souvent importante. L'absentéisme peut être important et
source de problématiques au sein de l'EHPAD. Des glissements de
tâches apparaissent. Le cadre de santé passe du temps à
gérer les plannings, il lui est difficile de motiver une équipe
dont la constitution change beaucoup. Ce « voeu pieu »
semble rendre le projet de vie comme irréalisable face aux aléas
de la présence éventuelle du personnel.
Les échanges, la communication sont des outils
que le cadre utilise avec les professionnels. Cela permet d'avancer, de «
faire des consensus », comme dit un des cadres de santé.
Encore faut-il que le cadre soit motivé, soit un leadership qui va
conduire le projet de vie. Il apparait par des non dits, des soupirs durant les
entretiens, que les cadres de santé puissent être en souffrance.
Il est difficile de guider une équipe non motivée sur un projet :
« [...] rien n'est plus difficile à bien conduire, plus casuel
à réussir et plus dangereux à manier, que de se rendre
chef en introduisant des nouveautés : parce que l'interlocuteur se fait
des ennemis de tous ceux qui se trouvaient bien de l'ancien état des
choses et ne se fait, d'autre part que de froids défenseurs de ceux qui
gagnent au nouvel établissement92 ».
Les résistances aux changements, de culture
sont des freins à tout pro-jet. Elles peuvent expliquer aussi ce manque
de motivation des professionnels, pour qui le changement est synonyme
d'inconnu. Cela induit une crainte, une méfiance vis-à-vis de
toute modification organisationnelle et dans les pratiques
professionnelles.
> Les familles
Les familles sont impliquées dans la vie de
l'EHPAD dès qu'elles entreprennent de trouver une place pour leur
aïeul. Dès la visite de pré-admission, le cadre de
santé leur présente l'établissement, ainsi que les projets
de ce dernier. Cela permet aux familles informées de se sentir plus en
confiance, d'avoir des informations claires.
Malheureusement tous ne réagissent pas de cette
manière. C'est ainsi que deux cadres sur trois ne parlent pas du projet
de vie aux familles. Je me suis demandée pourquoi. Est-ce parce qu'il
est en difficultés par rapport à un quota de personnel que la
direction veut modifier à la baisse ? Son personnel étant peu
informé, il ne peut pas non plus diffuser une information auprès
des familles. Ses compétences dans ce domaine sont alors
limitées. « L'articulation
91 Fondation de France, le projet de vie,
op.cit.
92 MACHIAVEL Nicolas, (2009), Le Prince, Editions Librio,
Paris, 123p.
entre familles et professionnels dans
l'accompagnement du projet de vie individuel du résident parait
difficile du fait d'un manque de dialogue93 ». Le cadre de
santé n'assure pas sa mission de veille juridique au regard de la loi
sur la convention tripartite.
La sélection de familles au regard de la
dépendance des résidents n'est pas très éthique,
même en se défendant d'organiser des réunions pour
tous94. Certes ces dernières faites en partenariat avec le
médecin coordonnateur ou le psychologue sont instructives pour tous,
mais n'enlèvent en rien le fait que le projet de vie est une
démarche collective et obligatoire.
Les sentiments de culpabilité et de déni
des familles expliquent les présences parfois constantes de ces
dernières en EHPAD. Leurs demandes sont tournées plus vers
l'état de santé, pas sur le vécu quotidien de leur
aïeul. Ce vécu quotidien étant le projet de vie en
intégralité : projet de soins, d'animation, personnalisé.
Sans informations, les familles n'y adhèrent pas. Au contraire, celles
qui sont informées, s'impliquent car elles en comprennent l'importance
pour le mieux-être du résident.
Avec ces premiers éléments, il
s'avère que la mise en oeuvre du projet de vie est problématique
dès le début, dès l'arrivée du futur
résident. Le cadre de santé a un rôle important dans cette
démarche collective et doit faire face aux difficultés
institutionnelles et sociétales. Il est intéressant d'analyser
main-tenant les réponses aux questionnaires.
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