Chapitre IV : Technologie de l'Information et de la
Communication et performance des PME: une
tentative d'évaluation empirique.
L'impact des TIC sur la performance des entreprises peut
être cernée à travers la productivité de ce facteur
de production. S'il est vrai que la productivité n'est pas une condition
suffisante de la performance des entreprises, elle peut tout au moins
être une de ses proxies dans la mesure où le succès d'une
entreprise dépend aussi de sa capacité à fournir de plus
en plus d'output en utilisant de moins en moins d'input.
La productivité des investissements en TIC ne peut
être déterminée à priori. En effet, si les TIC sont
théoriquement des facteurs de la productivité, il est ressorti
des analyses précédentes que l'utilisation que l'entreprise en
fait compte, de même que plusieurs autres facteurs pertinents
liés, cette fois, à l'environnement de l'entreprise. L'objet de
ce chapitre est de faire ressortir, de manière globale, l'impact des TIC
sur la productivité des PME qui les ont adoptées.
En l'absence d'instruments appropriés, cet objectif
peut s'avérer irréalisable. C'est d'ailleurs une des raisons
à la base du paradoxe de solow. Il n'est pas possible, sans recourir
à des techniques adaptées et des données
appropriées, de retrouver la trace des TIC dans la productivité.
Par ailleurs, on ne peut espérer mettre en évidence l'impact des
TIC sur la productivité au moyen des simples corrélations, sans
contrôler les autres facteurs de productivité. Une approche
économétrique semble donc plus intéressante.
L'économétrie est la mesure de
l'économie. A partir des données, elle permet de mesurer l'effet
de telle variable sur telle autre, puis de tester la significativité de
cet effet. En d'autres termes, elle permet de mesurer les causes en
contrôlant les effets des autres variables (raisonnement « toutes
choses égales par ailleurs »).
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Ce chapitre a deux principales articulations : La première
est consacrée à l'approche méthodologique ; la
deuxième, à la présentation des résultats
empiriques.
IV-1 Méthodologie
On peut être dubitatif sur la possibilité
d'estimer l'impact global des TIC avec un degré de confiance
raisonnable, eu égard aux problèmes de spécification et
d'estimation du modèle. Il convient dès lors de porter une
attention, non seulement sur la spécification du modèle
économétrique (1), mais aussi sur les problèmes
d'estimation qui peuvent se poser (2).
IV-1-1 Spécification du modèle
économétrique
La productivité se définit comme le rapport
entre la production et l'ensemble ou une partie des ressources mises en oeuvre
pour la réaliser. La production représente la quantité de
biens et services produits. Les ressources utilisées
(c'est-à-dire les moyens utilisés ou facteurs de production) sont
traditionnellement le travail, le capital14. Dans le cadre de cette
étude, le facteur capital est décomposé en deux
catégories : le capital TIC et le capital ordinaire (hors - TIC). Le
modèle que nous voudrions spécifier devra nous permettre, de
mettre en évidence l'effet du capital TIC sur la production, soit, de
déterminer sa productivité apparente.
Par définition, la productivité apparente
(unifactorielle) met en relation le produit crée avec chaque facteur de
production. Elle est mesurée en supposant que l'on fait varier un
facteur en maintenant l'autre fixe. En pratique, la productivité
apparente d'un facteur de production est donnée par son
élasticité par rapport à l'output.
Pour mesurer l'élasticité de l'input TIC par
rapport à l'output, la plupart des études utilisent une fonction
de production classique de type Cobb-Douglas (Bryjolfsson et Hitt, 1996)
puisqu'en général, elle est une bonne description des processus
de production (Jorgenson, 1992). Soit donc la fonction suivante :
Y ? F A L TIC K ? A L TIC K
?
? , , , ? * 1 *
? 2 * 3
? [1]
i i i i i i i i i
14 Ces ressources comprennent aussi l'énergie, les
matières premières, etc.
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Y est l'output;
K est le stock de capital hors TIC ;
L est la force de travail ;
TIC est le stock de capital TIC ;
A est un paramètre de productivité ;
i est un indice qui désigne les unités
d'observations ( i = 1 ....N), c'est-à-dire,
les PME retenues dans notre échantillon ( N au
total) ;
?j est l'élasticité de l'output
par rapport à l'input j .
Ici, l'utilisation de l'approche économétrique
permet d'avoir des hypothèses flexibles, notamment sur la nature des
rendements d'échelle. Il n'est pas nécessaire de supposer des
rendements constants. En effet, les rendements constants ne sont
nécessaires que si l'on ne dispose pas d'informations suffisantes pour
calculer le taux de rendement du capital. Ainsi, lorsque le taux de rendement
est calculé par des méthodes économétriques (comme
dans le cas présent), les rendements peuvent être croissants,
décroissants, ou constants.
L'équation [1] permet d'obtenir le modèle
économétrique suivant, en utilisant la forme log-linéaire
qui présente l'avantage que les coefficients de pente qui seront
estimés représentent directement les élasticités de
facteurs:
LnY = +
y a + a [2]
i i 1 LnL i 2 LnTIC LnK
+ a +
i 3 i i
yi mesure la productivité
multifactorielle de l'entreprise i ;
ei est un terme d'erreur qui
représente la part de l'output non expliquée par le
modèle. Il résume l'information manquante dans le
modèle (erreur de mesure, erreur de spécification, erreur de
fluctuation d'échantillonnage).
Le modèle spécifié en [2] a ses limites :
le problème essentiel est l'omission de certaines variables pertinentes
dans l'analyse : le membre de droite n'est qu'une liste incomplète des
déterminants de la production. D'autres éléments tels que
l'ouverture sur l'extérieur de l'entreprise, l'intensité de la
recherche et développement, peuvent
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aussi jouer un rôle non négligeable dans
l'explication du niveau de l'output. L'omission de ces variables peut
être une source de biais notable pour l'estimation des effets des
facteurs principaux ou considérés comme d'intérêt
premier, s'ils se retrouvent corrélés avec le facteur omis. Dans
la section suivante, nous aborderons la manière de tenir compte de ce
biais dans la procédure d'estimation.
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