Le système judiciaire en Haiti et les obstacles qui paralysent son développement( Télécharger le fichier original )par Gina BOURGEOT Universite d'Etat Haiti (Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince) - Licence en Droit 2001 |
Section IILes auxiliaires de Justice Dans le règlement des litiges de nombreuses personnes sont appelées à intervenir. Certaines assistent le Juge dans sa fonction de dire le droit et d'autres interviennent à l'instance pour aider les plaideurs. Ces différentes catégories d'intervenants sont les auxiliaires de justice. Pour la commodité de notre exposé, nous allons répartir ces auxiliaires en deux cycles et inclure une troisième catégorie. Les Auxiliaires du Premier Cycle Dans cette catégorie, nous allons regrouper : les avocats et les fondés de pouvoir, les greffiers et les huissiers. Les Avocats et les Fondés de pouvoir L'avocat est aussi vieux que la justice. Son histoire, en dépit d'une métamorphose constante des formes de la profession, est celle de la défense permanente des intérêts d'autrui. La période contemporaine a été marquée par une diversification de l'activité et une homogénéisation des structures de la profession d'avocat. Le domaine de son activité s'est étendu des activités d'assistance judiciaire aux missions de représentation des plaideurs en justice, puis aux fonctions de consultation et de rédaction d'actes juridiques. Libérale et indépendante, la profession d'avocat est réglementée par le décret du 29 mars 1979. Elle s'exerce dans le cadre d'une organisation corporative, appelée « Ordre des Avocats ». Il y en a dix-huit, à raison d'un par tribunal de première instance. L'avocat bénéficie au regard de la loi pénale d'une totale liberté de parole, puisqu'une immunité couvre les paroles et les écris en rapport avec la procédure en ce qui concerne les infractions de diffamation, d'injure et d'outrage. Le Conseil de l'Ordre est gardien de la déontologie du barreau, faite de règles professionnelles et de sanctions disciplinaires. L'avocat est tout d'abord tenu d'un certain nombre d'obligations qu'énonce, de façon générale, la formule du serment d'avocat : dignité, conscience, indépendance, probité à l'égard des clients, mais aussi à l'égard des magistrats et des confrères. L'accent doit être aussi mis sur le secret professionnel qui est à la fois une obligation et un droit. C'est de l'obligation au secret que découle l'inviolabilité de la correspondance échangée avec le client, même détenu et celle du cabinet. De même, aucune perquisition ne peut avoir lieu au cabinet d'un avocat. S'il s'agit de poursuites dirigées contre l'avocat lui-même, la perquisition de son cabinet ne peut avoir lieu qu'en présence du bâtonnier, lequel doit veiller au respect de l'inviolabilité de tous les dossiers non concernés par les poursuites. Les avocats ne sont pas les seuls à assurer la défense des justiciables. Ils sont aidés dans cette tâche par les « Fondés de pouvoir. » Les Greffiers Le greffier joue un rôle capital dans le fonctionnement de la juridiction puisqu'il en assure le secrétariat. Il tient la plume au cours des audiences. Il authentifie les actes judiciaires. Il conserve les minutes des ordonnances, jugements et arrêts, d'en délivrer copie exécutoire ou copie certifiée conforme, d'exécuter aussi les travaux de recherche, de classement, de correspondance, de statistiques. C'est pourquoi auprès de tous les tribunaux de la République est attaché au moins un greffier. A cet égard, des attributions particulières lui ont été confiées, et il dispose d'un statut spécifique. L'article 37 du décret du 22 août 1995 énonce clairement les responsabilités de cet auxiliaire du Juge : « Les greffiers sont chargés de la régie des greffes et sont personnellement responsables des valeurs qu'ils perçoivent et des pièces dont ils sont dépositaires. » Les Huissiers du Justice Comme le greffier, l'huissier est un auxiliaire de justice. Leur nom provient de « huis » qui signifie la porte en vieux français. Ce sont les gardiens de la porte du tribunal. On distingue deux classes d'huissiers : les huissiers audienciers et les huissiers exploitants. Les premiers procèdent à l'appel des causes et des témoins lors de l'instance et salariés d'État ; les seconds, qui ne sont pas rémunérés, sont chargés de signifier les décisions judiciaires et de procéder à l'exécution forcée des jugements. Ils perçoivent des frais à chaque acte signifié. Les Auxiliaires du Second Degré Les avocats, les fondés de pouvoir, les greffiers et les huissiers tout en jouant un rôle essentiel, ne sont pas les seuls auxiliaires de la justice. Trois autres officiers publics apportent leur contribution pour faciliter le service public de la justice. Ils se nomment : notaires, arpenteurs et officiers d'état civil. Les Notaires La première loi sur le Notariat remonte à février 1919. Mais en 1969, le Législateur considérait qu'à « la faveur de ce nouvel humanisme qui préside à l'évolution de notre Droit positif, il importe d'harmoniser les dispositions de la loi du 24 février 1919 sur le Notariat avec les exigences nouvelles posées par le statut économique et social du pays ». Dans cette perspective, la fonction de notaire a été redéfinie, grâce au renforcement des dispositions légales. Les notaires sont des officiers publics titulaires d'un office ministériel.1 Ils exercent une ___________________________________ 1- Les officiers ministériels sont les personnes titulaires d'un office ministériel, c'est-à-dire d'une charge leur octroyant le monopole de l'exercice de l'activité. Ce ne sont pas des fonctionnaires, mais des membres de professions libérales qui doivent obligatoirement prêter leur service lorsqu'ils en sont légalement requis. juridiction volontaire et amiable. Ils sont chargés de donner le caractère d'authenticité aux actes que les parties déposent chez eux. L'acte est, le plus souvent, dressé en minute : le notaire conserve la minute et délivre aux parties une « grosse » contenant la formule exécutoire ou des expéditions, simples copies de l'original. Aussi sont-ils d'un grand apport pour les juges qui doivent faire triompher la vérité en départageant les parties en litige. Les arpenteurs La profession d'arpenteur n'existe plus à proprement parler dans certains pays, comme la France, par exemple. Mais cette profession n'en demeure pas moins un héritage de l'ancienne Métropole. Et l'arpenteur haïtien serait l'équivalent des « experts-géomètres français. » En Haïti, l'arpenteur est un officier public assermenté ayant pour attributions de mesurer les terres, qu'elle qu'en soit l'affectation, d'en calculer les surfaces et d'en fixer les bornes. Après chaque arpentage, il dresse un procès-verbal dont copie sera remise au propriétaire. Les Officiers d'état civil L'article 17 de la loi du 20 août 1974 qui réglemente la profession d'officier d'état civil décide qu'il est établi dans chaque quartier et commune un officier de l'état civil qui placera son bureau au coeur de cette communauté. Salarié de l'État et payé par le Ministère de la Justice, l'Officier d'état civil est tenu de résider au lieu désigné de sa commission sous peine d'être considéré comme démissionnaire. L'Officier d'État civil est compétent pour recevoir les actes de naissance, de mariage, de divorce, de décès, de reconnaissance et d'adoption ainsi que toutes modifications ou rectifications y relatives ordonnées par décision de justice. La Police Nationale d'Haïti A cette liste, il faut ajouter la Direction Centrale de la Police Judiciaire, auxiliaire immédiate des autorités judiciaires (Commissaires du Gouvernement, Juges d'Instruction et Juges de paix). Mais, il faut préciser tout de suite qu'il a fallu attendre sept ans pour voir l'application de l'article 269 de la Constitution qui place la Police sous le contrôle de la justice.1 La lecture du C.I.C. permet de rappeler les attributions de la Direction Centrale de la Police Judiciaire dans son rôle d'auxiliaire de la justice : a) constater les infractions aux lois pénales, en dresser procès-verbal, en établir les circonstances et en rassembler les preuves; b) rechercher les auteurs des crimes, délits et flagrants délits ; c) surveiller et rechercher les malfaiteurs opérant ou se réfugiant sur le territoire national ; d) coopérer avec les organisations étrangères de police au besoin ; e) lutter contre la contrebande, le trafic illicite des stupéfiants ; f) fournir toutes informations susceptibles de prévenir ou réprimer les atteintes à l'ordre et à la sûreté politique, économique et sociale dans le cadre des lois de la République. Les Experts de justice Les Magistrats, dans l'exercice de leur fonction, peuvent aider par une autre catégorie de personnes. Il s'agit des experts de justice. Dans cette catégorie, on retrouve les Médecins légistes et les Experts-Comptables. Les Médecins légistes Le médecin légiste, après huit ans d'études au minimum, agit dans une branche de la médecine qui étudie l'ensemble des aspects juridiques de la pratique médicale. Il est donc souvent appelé à apporter son concours aux autorités administratives et judiciaires. La pratique médico- _____________________________________________ 1- C'est la loi du 29 novembre 1994 qui porte création et organisation des forces de police. A ce sujet, voir « Le Moniteur », No 103, mercredi 28 novembre 1994 légale implique une formation de médecin légiste particulière pour devenir un auxiliaire de la justice. En effet, il peut être appelé à se prononcer dans le cadre d'une enquête ou encore d'une expertise au tribunal civil comme au pénal. Dans tous les cas où un acte médical présente une dimension juridique, le médecin légiste est un acteur indispensable dans le cadre des aspects légaux de l'exercice de la médecine, mais également dans un cadre civil comme dans un cadre pénal. Le diplôme de médecin légiste permet d'exercer des actes médico-légaux tels que l'autopsie dont la technique nous vient d' Ambroise Paré, fondateur de la chirurgie moderne au XVIème siècle. Le médecin légiste s'est imposé comme un spécialiste à part entière à partir du XIXe siècle, et avec notamment, en France, les travaux de Mathieu Orfila (1787-1853), d'Ambroise Tardieu (1818-1879) et de Paul Brouardel (1837-1906).
Les autopsies effectuées par le médecin légiste sont utilisées en cas de mort violente ou inexpliquée, soit lorsque la présomption de meurtre existe depuis le début de l'enquête, parce que les circonstances de la mort sont ou apparaissent a priori suspectes, soit lorsque l'affaire a été instruite sans qu'une autopsie ait été effectuée sur la victime, ce qui peut motiver l'exhumation du corps sur décision de justice. Certaines séries télévisées actuelles nous montrent des médecins légistes agissant comme des détectives pour retrouver le criminel à partir du cadavre de sa victime Dans la réalité, le médecin légiste s'occupe certes de déterminer les causes d'un décès et de permettre l'identification d'un cadavre, mais il a également d'autres activités. On le retrouve dans les enquêtes où il évalue le taux d'invalidité attaché à un handicap, à une blessure ou à une pathologie. Il est également présent pour établir la réalité d'abus sexuels ou de sévices. Le médecin légiste peut faire appel à l'ensemble des connaissances cliniques, biologiques et toxicologiques. Les spécialistes qui apportent leur contribution à l'enquête peuvent être des médecins nutritionnistes, des toxicologues, des pharmacologues, des balisticiens ou des dentistes, par exemple. Les compétences requises pour devenir médecin légiste sont celles d'un médecin ayant prêté serment dans sa branche professionnelle et devant le juge. En effet, le médecin légiste délivre des rapports d'expertise pour les certificats de décès dans le respect des obligations découlant des dispositions conjuguées du Code de déontologie médicale, du Code de la santé publique et du Code civil. La responsabilité juridique d'un médecin légiste concerne aujourd'hui l'ensemble des aspects concernant l'exercice de la profession médicale, c'est-à-dire toutes les questions liées à l'éthique médicale et à la déontologie, au secret professionnel, à la responsabilité, à la rédaction des actes et des documents médicaux. Lorsqu'une autopsie apparaît nécessaire, le corps est obligatoirement transporté dans un local spécialement prévu à cet effet. Les vêtements de la victime sont retirés puis examinés avec soin. Tous les indices corporels sont identifiés, étudiés et conservés pour un examen ultérieur, et, le cas échéant, pour être présentés au cours de la procédure judiciaire. Pendant l'autopsie, toutes les anomalies sont photographiées, décrites et quantifiées. On réalise parfois une radiographie de certaines parties du corps. Le contenu de l' estomac, les liquides organiques ainsi que des échantillons de divers organes sont analysés dans des laboratoires spécialisés. Les Experts-comptables Un Expert-comptable est un professionnel de la comptabilité. Il tient, contrôle, surveille, redresse la comptabilité des entreprises et entités juridiques. Il établit les bilans et comptes de résultats des entreprises. Dans son travail d'Assistance juridique : il peut rédiger les procès - verbaux de réunions du conseil d'administration et des assemblées d'approbation des comptes, les statuts, les baux et autres contrats courants. D'autre part, l'expert comptable a la possibilité de représenter son client auprès des organismes et Administrations publiques, ce qui lui permet d'accroître l'efficacité du service rendu. Après avoir étudié le système judiciaire haïtien, il revient maintenant de présenter ses problèmes, de les analyser et de proposer des pistes de solution.
Deuxième partie Les Obstacles qui paralysent le Développement du Système Judiciaire en Haïti La justice étant un service public, son accès doit être garanti à tous sans distinction. Cet accès se mesure en termes de distribution spatiale des tribunaux, de la distance à parcourir pour les atteindre, du coût des services disponibles ainsi que de la langue dans laquelle sont rendues les décisions de justice. Le nombre des citoyens qui peuvent aujourd'hui accéder à la justice est très réduit quand on tient compte de la distribution spatiale des tribunaux à travers le pays. Il suffit pour s'en convaincre de se référer à la répartition actuelle des tribunaux sur tout le territoire et du nombre de Juges actuellement en fonction par tête d'habitants. Cette situation a provoqué le développement du recours à «une justice privée» par la population. En effet, les victimes des violations flagrantes des libertés fondamentales, au lieu de recourir à des voies légales afin d'obtenir réparation, se contentent le plus souvent de recourir à une justice privée. Elles ont donc la tentation de se faire justice. Cette attitude revancharde est selon les victimes, plus rapide, directe et plus sûre. C'est comme si l'époque de la loi du talion n'a jamais été révolue en Haïti. Le fonctionnement de l'appareil ou du système judiciaire en Haïti a fait l'objet de plusieurs inventaires, diagnostics, études, analyses et rapports, tant d'experts internationaux que nationaux. Ces spécialistes, à chaque fois, recommandent des plans d'actions à court, moyen et long terme comportant des mesures pour soit reformer le système, soit améliorer son fonctionnement. Les spécialistes haïtiens et étrangers sont unanimes à reconnaître le dysfonctionnement de l'appareil judiciaire haïtien. Le constat, déjà ancien, fait pratiquement l'unanimité aujourd'hui. Tous les débats tournent autour de la carte de la réforme. Mais, la grande question demeure toujours à l'ordre du jour : Quel système de justice pour Haïti ? La réforme de la justice implique de sérieuses transformations au sein de l'État et de la société. Une des valeurs fondamentales sur laquelle se fonde la théorie de l'État de droit est le respect de la loi d'abord par toutes les autorités de l'État qui à leur tour, auront pour responsabilité de la faire appliquer. Il en résulte que cette valeur constitue sans contestation aucune les théories sur lesquelles se fondent la Démocratie et l'État de droit. Le problème de l'avancement est crucial, car vous ne pouvez pas considérer que vous recrutez un fonctionnaire une fois pour toutes et que son avancement tiendra au bon vouloir de tel ou tel, ou qu'il sera figé parce que les structures ne le permettent pas, parce que la fonctionnalité n'a pas été établie ainsi. Et puis, bien évidemment, plus en aval que la carrière, le problème du droit à la pension, le problème des garanties quant à la retraite. L'appareil judiciaire tel qu'il fonctionne actuellement ne peut garantir la protection d'un fonctionnaire dans l'exercice de sa fonction. La Magistrature est totalement dépendante du pouvoir exécutif via le Ministre de la Justice. Le problème s'accentue par la tendance qui a été toujours la nôtre d'avoir une justice contrôlée. Dans cette partie, nous allons faire ressortir la problématique du système judiciaire haïtien au troisième chapitre et comment par une réforme on peut résoudre ce problème (quatrième chapitre). |
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