Chapitre II
Le Personnel Judiciaire
Le mot « justice » évoque
immédiatement les Magistrats qui sont les premiers desservants de
l'institution. Mais pour trancher les litiges, les juges doivent être
saisis. Dans la plupart des cas, ils le sont par les parties elles-mêmes.
Dans d'autres où c'est la société qui est en jeu, il faut
quelqu'un qui la représente. Ce sera le rôle du ministère
public. Une fois saisis, les juges ne peuvent départager les
antagonismes qu'autant qu'ils bénéficient de l'aide de ceux que
l'on désigne globalement sous l'appellation d'auxiliaires de justice. Il
apparaît cependant que l'activité de ces différents
professionnels se manifeste, pour certains d'entre eux, plutôt par une
aide apportée aux magistrats et, pour d'autres, plutôt par une
aide apportée aux parties.
Ce chapitre sera donc consacré aux Magistrats (Section
I) et aux auxiliaires de justices (Section II).
Section I
Les Magistrats
Mise au Point
Terminologie
Pendant longtemps, on a cru que les termes
« Magistrat » et « Juge »
étaient synonymes. Mais d'éminents juristes pensent que les deux
termes cachent deux réalités distinctes. A l'appui de leur
thèse, ils argumentent que le terme « Juge », pris
dans son sens étymologique signifie : dire le droit.
Alors, il serait préférable d'utiliser le mot
« Magistrat » car il recouvre tant les Magistrats du
siège (qui jugent) que ceux du Parquet, qui ne jugent pas, qui ne disent
pas le droit.
A propos de cette querelle, le doyen Vincent a fait une
remarque fort intéressante :
« Les personnels composant les juridictions de
l'ordre judiciaire ont traditionnellement occupé dans l'État une
place à part. Ils relèvent actuellement de l'autorité
judiciaire et s'ils ont bien la qualité d'agents de l'État, ils
sont avant tout des magistrats, investis, en tant que tels, d'un statut qui
n'est pas tout à fait celui du fonctionnaire.
« Les juges des juridictions administratives
sont, eux aussi, spécialisés dans les tâches
juridictionnelles, mais ne bénéficient pas, sauf exception, d'un
statut analogue à celui des magistrats. »1
______________________
1- Jean Vincent at alii, idem. p. 519
Sur la même question, un autre juriste est assez
catégorique quand il affirme :
« Pour le commun des mortels, ce titre
(Magistrats et Juges) est un pléonasme car les deux termes sont
synonymes. Pour le juriste, ces vocables ont un sens différent.
« Le terme magistrat est
générique, et beaucoup plus large que celui de juge. Il concerne,
d'une part, les magistrats de siège (parce qu'ils sont
assis) qui exercent la fonction de juger (ces magistrats sont des juges) ;
d'autre part, les magistrats de parquet (parce qu'ils sont
debout) dont la fonction est de requérir, c'est-à-dire de
demander l'application de la loi (ces magistrats ne sont pas des
juges) ».1
Classification
Pour les raisons évoquées ci-dessus, nous avons
opté pour le terme de « Magistrats ». Sous cette
appellation, nous allons regrouper les juges des différents tribunaux
ainsi que les Commissaires du Gouvernement et leurs substituts.
Les Garanties Légales
De nombreux textes (constitutionnels, législatifs et
réglementaires) cherchent à protéger les Magistrats et
à garantir leur indépendance. Ces textes traitent du recrutement,
de la carrière et du statut. Cette sous-section tente d'en rendre
compte.
Recrutement
En ce qui concerne les conditions de recrutement des
Magistrats, cela dépend de plusieurs facteurs dont le plus important est
la catégorie de juridiction. Les Magistrats du siège ne sont pas
recrutés de la même manière que les Magistrats du
Parquet.
__________________________
1- Jean-Pierre Scarano,
« Institutions juridictionnelles », ellipses, 1996, p.
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Recrutement des Magistrats du siège
Les Magistrats du siège se retrouvent à la Cour
de Cassation, aux Cours d'Appel, aux Tribunaux de Première Instance et
aux Justices de Paix. Comment sont nommés ces différentes
catégories de juges ?
Ils sont nommés conformément à l'article
175 de la Constitution qui stipule :
« Les Juges de la Cour de Cassation sont
nommés par le Président de la République sur une liste de
trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux des
Cours d'Appel et des Tribunaux de Première Instance le sont sur une
liste soumise par l'Assemblée Départementale
concernée ; les Juges de paix sur une liste préparée
par les Assemblées communales. »
Pour être nommé Juge à la Cour de
Cassation, il faut avoir été juge ou officier dans une Cour
d'Appel pendant sept ans au moins ou avoir exercé la profession d'avocat
pendant dix ans au moins.
L'article 14 du décret du 22 août 1995
décide que pour être juge à la Cour d'Appel, il faut avoir
occupé, pendant 7 ans au moins, les fonctions de juge dans uns un
tribunal de première instance ou d'officier du parquet près un
tribunal ou bien avoir exercé la profession d'avocat pendant au moins 7
ans. Quant aux Juges des Tribunaux de Première Instance, ils doivent
être diplômés de l'École de la Magistrature ou avoir
exercé la profession d'avocat pendant 3 ans au moins
Le décret sus-visé permet à quelqu'un qui
a été greffier pendant trois ans de devenir Juge de Paix de
4ème classe, celui qui est bachelier en droit de postuler la
3ème classe, réservant les première et
deuxième classes aux licenciés en droit et aux
diplômés de l'École de la Magistrature. Mais les candidats
aux 3ème et 4ème classes doivent
réussir le test du Ministère.
Recrutement des Magistrats du Parquet
Contrairement aux Magistrats du siège, les Magistrats
du Parquet ne sont pas totalement indépendants du pouvoir
exécutif dont ils sont les agents. Ils ne sont pas non plus
inamovibles.
Quant aux conditions de nomination, elles ne sont pas
différentes de celles exigées de leurs collègues de la
« Magistrature assise. »
Statut
Indépendance
Le Juge pour mener sa mission, au bénéfice de la
société, doit être, en toute hypothèse,
indépendant et impartial. D'ailleurs, personne n'ignore qu'il n'y a pas
d'authentique justice en l'absence de ces deux vertus dans la personne du Juge.
Il doit être libre dans l'exercice de son activité
juridictionnelle, libre de juger comme il l'entend, dans le respect des
règles de droit et selon son « intime conviction ».
A ce sujet, un professeur de droit disait à ses étudiants :
« Le juge, dans son office juridictionnel n'a
d'ordre à recevoir de personne, pas même d'un magistrat de grade
plus élevé, fut-il son chef de juridiction : les voies de
recours sont là pour corriger les carences ou
excès. »1
Inamovibilité
La fonction de Magistrat ne peut être exercée
sainement que dans des conditions d'impartialité et
d'indépendance. Ce statut lui confère certaines
prérogatives qui lui permettent de juger dans la
sérénité requise.
Pour bénéficier d'une pleine
indépendance, la loi a protégé le Juge contre tous les
risques de mutation ou de ralentissement dans le déroulement de sa
carrière, dû à l'arbitraire du pouvoir
_________________________
1- Loïc Cadiet, « Découvrir
la justice », Paris, Dalloz, 1997, p. 181
exécutif. C'est ainsi que la Constitution de 1987 a
posé la règle de l'inamovibilité des Magistrats du
siège.
Au sens large du terme, ce principe signifie que le juge ne
peut être révoqué, ni suspendu, ni mis à la
retraite, ni déplacé, ni promu par la volonté arbitraire
du Gouvernement. Autrement dit, ils ne peuvent jamais recevoir, sans leur
consentement, une affectation nouvelle même en avancement. Voici pour
s'en convaincre le contenu de l'article 177 de notre Charte
fondamentale :
« Les juges de la Cour de Cassation, ceux des
Cours d'Appel et des Tribunaux de Première Instance sont inamovibles.
Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture
légalement prononcée ou suspendus qu'à la suite d'une
inculpation. Ils ne peuvent être l'objet d'affectation nouvelle, sans
leur consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis
fin à leur service durant leur mandat qu'en cas d'incapacité
physique ou mentale permanente dûment
constatée. »
Il faut sur l'inamovibilité des juges, garantie de leur
indépendance. Au demeurant, elle fait partie de ces règles
tutélaires qui protègent les Magistrats, protègent les
droits de l'homme et ne tolèrent aucun écart juridique, si
bénin fut-il !
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