CHAPITRE VI : REMARQUES ET SUGGESTIONS
6.1. Remarques
Ce chapitre a pour objet de faire des remarques et suggestions
sur la pratique et la contribution de l'agriculture biologique dans la
préservation des équilibres écologiques de base au Tchad.
Ainsi donc, de toutes les expériences vues à travers notre
étude, il est à remarquer que , commencer la pratique biologique
dans un pays comme le Tchad, où les cultivateurs peinent
déjà à atteindre la sécurité alimentaire est
extrêmement difficile, si certaines exigences ne sont pas prises en
compte. Malgré les problèmes et les difficultés qui
peuvent subvenir, la filière biologique peut avoir de réelles
chances de réussir au Tchad.
En effet, la conversion à la production biologique
requiert un engagement de l'Etat, des différents partenaires et des
producteurs. Le manque de connaissances des règles de la
Communauté européenne, le manque des connaissances en
matière d'amélioration de la fertilité des sols, du
contrôle des insectes nuisibles et des maladies, le manque d'information
sur les techniques de production biologique, le coût élevé
de la certification ainsi que la méconnaissance des marchés
internationaux ont été et restent encore des contraintes
majeures.
Cependant, toutes ces contraintes n'entravent pas le
succès de la filière bio et nécessite beaucoup de
volonté. Le défi est énorme, mais n'empêche pas la
mise en place d'une pratique bio. Les remarques qui ont été
faites par rapport aux autres pays lancent une mise en garde :
développer le secteur biologique peut être difficile et
risqué, notamment parce que les producteurs se heurtent souvent à
des obstacles réglementaires liés aux attitudes des
consommateurs.
Le cas du Tchad que nous étudions, il faut se le rappeler,
consiste à examiner et à circonscrire la pratique et la
contribution de l'agriculture biologique dans le maintien des équilibres
écologiques si vulnérables qui sont les nôtres.
C'est dans ce contexte que nous ébauchons quelques
suggestions à travers les résultats de l'enquête
reçu auprès de nos enquêtés, des expériences
et leçons tirées des autres pays pratiquant, les interview avec
nos partenaires, les visites sur le terrain ainsi que les recherches
documentaires.
De tout ce qui précède, nous dirons que la pratique
de l'agriculture biologique au Tchad peut être une solution à la
question posée très dessus si certaines suggestions
énumérées dans les lignes qui suivent sont prises en
considération.
6.2 . Suggestions
L'information
L'agriculture biologique paraît être un atout pour le
Tchad de développer de nouvelles méthodes de production
respectueuse de l'environnement. Cependant, il existe un manque d'information
sur les contraintes et les atouts que cette pratique comporte vraiment pour les
producteurs tchadiens qui souhaitent s'orienter sur cette voie. L'Etat et ses
partenaires doivent lancer ce programme nouveau en favorisant l'échange
d'information.
A cet effet, ces vides informatifs doivent abordés par le
biais des ateliers et des visites d'étude, de publications et de
brochures d'information, des programmes de formations, de soutien
institutionnel local et de réseau de politique favorable au niveau
national et international à l'agrobiologie.
Ils doivent développer la gestion de l'information et les
stratégies de partenaires à la formulation et à la mise en
oeuvre d'une condition réelle de la pratique bio au Tchad. Les
producteurs doivent accéder de manière permanente à
l'information et acquérir des compétences techniques pour
répondre aux exigences strictes de la chaîne de production
biologique spécialisée
La certification, normes et
réglementations
La certification est une nécessité pour tous les
producteurs biologiques. Elle prend néanmoins une autre dimension pour
les pays en voie de développement avec son coût très
élevé. C'est pourquoi l'Etat doit mettre le Tchad sur
« la liste positive » c'est-à-dire, l'adoption par
le pays d'une législation nationale et la création d'un organisme
local de contrôle. Pour cela, des démarches supplémentaires
doivent être effectuées par le gouvernement en faveur des
producteurs. Elle présente des coûts élevés pour les
opérateurs locaux, car les organismes de certifications sont pour une
large majorité étrangers. Les coûts varient notamment en
fonction de la taille de l'exploitation agricole, du volume de production de
l'organisme certificateur. Une solution avantageuse consiste à faire
appel à des compétences locales, pour réduire les
coûts, mais aussi de connaître les réalités
locales.
Le Tchad doit mettre en place des normes et
réglementations biologiques nationales, ainsi qu'un système
d'habilitation et de contrôle indépendant et fiable pour appliquer
ces règles. Lorsque celles-ci sont reconnues comme équivalentes
aux réglementations biologiques des pays vers lesquels les exportations
sont effectuées, des frais supplémentaires sont
évités. L'exemple du Cameroun montre l'impulsion reçue par
la filière biologique, lorsque la législation biologique
nationale a été approuvée comme équivalente par la
CE.
La disponibilité de savoir-faire en agrobiologie
et d'intrants bio
L'agriculture biologique demande en générale une
charge de travail plus importante et requiert un niveau élevé de
gestion. Ceci permet d'éviter les contaminations. Selon l'étude
de cas de Madagascar, certains producteurs biologiques ont affirmé que
les coûts initiaux les plus élevés pour une conversion
à la pratique biologique n'étaient pas les coûts de
certification et de contrôle ; mais ceux qui proviennent des pertes
colossales au cours des premières années de récoltes,
résultant d'une méconnaissance et d'une capacité
insuffisante à protéger les cultures face aux nuisibles et aux
fléaux. Pour cela, l'Etat doit établir des perspectives de
contrôle biologique des maladies avec l'utilisation des produits naturels
à action biocide.
L'Etat doit mettre en oeuvre un programme national de lutte
biologique avec la collaboration des chercheurs de l'Institut de Recherches
Agronomiques pour le Développement (ITRAD), de l'Institut Universitaire
des Sciences Agronomique et de l'Environnement (IUSAE), du Centre de Recherches
Ecologiques et de Formation Environnementale pour Lutter Contre la
Désertification (CREFELD) ainsi que d'autres partenaires.
Le succès de cela reposera sur l'efficacité de la
stratégie de transfert de la technologie et plus encore sur la
participation des collectivités locales à toutes les
étapes de la production et de l'utilisation de ce nouvel outil.
En effet, le producteur doit apprendre à raisonner la
fertilité de son sol en fonction des potentialités naturelles et
en renouvelant le stock de la matière organique. Pour cela , il
doit raisonner des rotations entre les plantes n'ayant pas les mêmes
exigences agronomiques et fabriquer les engrais et les pesticides naturels.
Par exemple au Sénégal, les paysans pour lutter
contre les ravageurs du coton, ont mis au point un insecticide naturel à
base de l'Andenium obesum (baobab du chacal) qui est une des plantes
les plus toxiques de l'Afrique. Le Margousier ou neem (Azadiracta
indica) est utilisé dans la culture maraîchère comme
insecticide.
Dans le domaine de la fertilité des sols, les producteurs
doivent savoir que le sol doit être toujours couvert. Ainsi, il ne sera
pas charrié par la pluie ou emporté par le vent facilement. Le
sol absorbe ainsi davantage de l'eau. Il faut aussi ajouter au sol du fumier,
du compost, des engrais verts et autres...
Une politique nationale de l'agriculture
biologique
En l'absence d'une bonne politique nationale, les aptitudes et
les compétences des producteurs bios ne peuvent pas être
compétitives. C'est pourquoi, la politique gouvernementale est
importante à ce niveau.
Elle permet d'avoir des ressources pour l'éducation, la
recherche et la vulgarisation de la pratique bio.
La mise en place d'une politique pour contribuer d'une
manière active aux négociations commerciales
multilatérales sur la pratique ; négociations auxquelles
peuvent participer les ONG, les associations, les entreprises et les
producteurs pour pouvoir leur permettre d'accéder au marché
biologique au niveau international.
Un cadre de concertation des principaux partenaires doit
s'organiser efficacement en réseau pour mobiliser les ressources en
faveur de l'agriculture biologique.
L'Etat doit organiser les paysans en producteurs bio au sein des
associations et leur apprendre comment produire selon les normes et les
réglementations locales en conformité avec les exigences du
marché intérieur comme extérieur, l'une des conditions
sine qua none de la compétitivité.
Il doit développer les structures de promotion de
l'agrobiologie en faisant connaître la filière aux producteurs
potentiels et aux consommateurs. Il doit faire une étude approfondie de
la situation actuelle sur le terrain afin de relever les atouts et les freins
au développement de la filière. Il doit également
créer une structure d'appui technique qui sera chargée de
définir les orientations ou les tâches assignées aux
opérateurs publics et privés de la filière.
En partenariat avec les ONG, il doit donner un appui technique
aux producteurs ainsi qu'un programme de recherche sur les itinéraires
techniques d'intrants biologiques et des systèmes culturaux
adaptés à l'agriculture biologique.
Les organisations internationales doivent subventionner les
programmes des ONG, des associations et du gouvernement en apportant un appui
financier. Cette subvention contribuera à la réduction de la
pauvreté au Tchad, et à la préservation de
l'environnement.
Un fonds de réserve et un système
d'assurance pour les producteurs
Ce fonds pourrait être absorbé par les acteurs de la
filière (Etat, ONG et partenaires) et permettra d'assurer aux
producteurs un revenu rémunérateur garanti. Les actions
concernent également la mise en place d'un système de
prévoyance de l'agrobiologie pour aider les producteurs à faire
face aux calamités.
Ainsi donc, afin de mieux réussir la pratique biologique
et de contribuer à la préservation des équilibres
écologiques de base, il est nécessaire que ces remarques et
suggestions soient prises en considération.
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