5.2.4. Etude de cas :
L'agriculture biologique connaît depuis quelques
années dans certains pays en voie de développement (PVD), un
essor fulgurant malgré un environnement institutionnel moins incitatif
lié aux contraintes similaires à celles du Tchad. Plusieurs
facteurs plaident davantage en faveur d'une pratique agricole saine. C'est
pourquoi, nous nous proposons de faire le point sur les avancées de
l'agriculture biologique en présentant des expériences
réalisées dans certains pays.
Au Togo par exemple, plusieurs ONGs et
associations s'activent dans la promotion et l'expansion de l'agriculture
biologique. Ainsi, des résultats très encourageants ont
été obtenus notamment sur la culture du coton et de l'igname
biologique. Malgré ces résultats, il demeure un écueil de
taille à l'essor de l'agriculture biologique, c'est l'absence d'un cadre
réglementaire et législatif précis.
Les problèmes générés par la
production du coton conventionnel, qui sont entre autres des cas
fréquents d'intoxication alimentaire, l'endettement des producteurs du
coton, l'exposition aux produits chimiques, la stérilité des sols
en zone cotonnières et la cherté des intrants chimiques ont
conduit à l'avènement du coton bio au Togo. Les résultats
de la campagne 2001-2002 ont été très encourageants avec
plus de 22,5 tonnes sur 12 hectares. Ce qui constitue presque un record.
Les ONGs développent avec les paysans les techniques,
normes et stratégies bios, puis les diffusent par ses techniciens
bénévoles. Actuellement, plus de1200 paysans ont
été bien sensibilisés aux méthodes bios du coton.
Cet exemple est à imiter dans un pays comme le notre où les
paysans continuent de croupir dans la misère à travers la culture
du coton.
A coté du coton bio, au Togo, l'igname et l'ananas
biologiques sont produits d'une manière intensive sur environ 1600
hectares. Une partie est exportée vers l'Europe et une autre
transformée localement. En raison de forte campagne menée,
plusieurs ONGs se sont intéressées pour la filière et dans
les années à venir, le bio prendra des proportions satisfaisantes
dans ce pays.
Sur le plan institutionnel, un plan de valorisation de
l'agriculture biologique au Togo (PVABT) a été crée,
lequel plan contient la mise sur pied d'un comité local de certification
des produits biologiques ainsi que la proposition de réforme des textes
phytosanitaires existants. Pour soutenir ce plan, un réseau bio Togo a
été crée sous l'impulsion des ONGs dynamiques en
matière de promotion biologique. Voilà des démarches
louables qui n'existent pas encore au Tchad et qui méritent d'être
copiées.
A Madagascar par exemple, la filière bio
a commencé depuis les années 1980. Une société
française et une autre allemande ont toutes deux commencé la
production d'épices et d'autres produits destinés à
l'exportation. En 1993, trois entrepreneurs ont crée une association qui
a pour principaux objectifs de promouvoir l'agrobiologie et de soutenir les
producteurs. Entre 1994 et 1996, les sociétés privées ont
reçu le soutien de l'Agence Allemande (GTZ). Les objectifs du programme
étaient de renforcer les positions des producteurs bios et des
sociétés potentiellement productrices des produits bios et de
négocier les meilleurs termes avec les partenaires importateurs et
négociants.
L'Agence Américaine pour le Développement
International (USAID) a apporté son aide à la filière bio
par le biais du cofinancement des séminaires sur l'agriculture
biologique, du financement des cours à l'université et de biens
d'autres programmes.
Avec une filière biologique de petite taille et
relativement jeune à Madagascar, de nombreuses contraintes sont apparues
limitant la croissance de la production et le secteur de l'exportation. Les
facteurs les plus importants sont :
- le manque d'information et des connaissances sur les principes
et les méthodes biologiques ;
- le manque des connaissances du règlement de la
Communauté Européenne (CE) et le manque d'information sur les
procédures de certification et la documentation requise ;
- le manque des normes nationales et des règles en
matière de l'agriculture biologique.
Cinq agences internationales apportent actuellement leur soutien
à la filière bio par le biais des projets et d'une assistance
technique. Parmi les activités se trouve un projet portant le nom de
PAPAT qui signifie : Projet d'Amélioration des Plantes à
Tubercule. Ce projet se concentre uniquement sur l'amélioration des
patates douces, du manioc et même la pomme de terre. Le projet favorise
l'utilisation des fertilisants biologiques comme le compost, le fumier ...afin
d'améliorer la fertilité du sol.
En 1997 et1998 par exemple, une société Malgache a
exporté des pommes biologiques vers l'Allemagne. D'une part, les
exportations paraissaient prometteuses. Cependant, les problèmes de
qualité des fruits se posaient à l'arrivée sur le
marché allemand. Ils étaient infectés par le
« bitter bit », qui se traduisait par des taches brunes
à l'intérieur du fruit. Cette qualité médiocre des
fruits a gêné la poursuite des exportations par suite de manque
d'expérience et ont contribué à l'échec de la mise
en place d'un secteur biologique. Cet exemple illustre les difficultés
de production et d'exportation des fruits frais biologiques de haute
qualité.
Un autre exemple est celui d'une autre société
malgache qui a commencé à exporter des haricots vers biologiques
« extra fin » vers l'Europe fin 1998. Un importateur
hollandais a demandé ce produit pour les mois de janvier à mars.
L'exportateur malgache avait gagné de l'expérience dans la
production des haricots par une culture en sillons pendant la saison
sèche et se sentait capable d'en fournir pendant les autres mois
également. Cependant, de janvier à mars, le pays a
inhabituellement des pluies et la production du haricot est difficile à
cause des maladies pendant les récoltes. La première
expédition est arrivée sur le marché destinataire avec une
qualité médiocre. L'importateur a refusé
l'expédition et annulé toutes relations commerciales pour
l'avenir. Au cours des autres mois de l'année, l'importateur
reçoit l'approvisionnement des pays plus proches de l'Europe avec des
frais de transport moindres.
Les principaux problèmes rencontrés dans ce cas
sont :
- la saison d'approvisionnement et la demande
étrangère ne se coïncidents pas ;
- le prix de production était élevé et
pas compétitif par rapport à d'autres fournisseurs.
Ainsi donc, nous pourront dire qu'à Madagascar,
malgré les efforts consentis pour la promotion du secteur bio, peu de
succès ont été obtenus à nos jours. Cela est
dû à certaines contraintes qu'on peut aussi rencontrer dans le
cadre de la production biologique au Tchad.
Selon la revue Agridoc (2003), le
Cameroun où l'agriculture emploie plus de la moitié de
la population active est l'un des pays les mieux placés pour
prétendre au développement d'une agriculture biologique. En
effet, malgré le fait que l'agriculture ait suivi une évolution
technologique, elle a su conserver les savoir-faire traditionnels qui sont
convertis en agriculture biologique.
La certification reste un problème majeur empêchant
le développement de l'agrobiologie. Les pionniers de cette
filière sont J. Tetang (Export agro) et une autre association qui ont
démarré le projet en 1990.
Au niveau des opérateurs économiques, l'Association
pour la Promotion de l'Agriculture Biologique au Cameroun (ASPABIC) est la
seule structure regroupant une centaine d'organisation des producteurs, des
exportateurs, des chercheurs ainsi que des sympathisants de l'agriculture
biologique. Les activités de celle-ci ont conduit à un
accroissement des effectifs des producteurs et pour certains à des
changements de convictions, passant de l'agriculture biologique passive
à une pratique basée sur le cahier de charges.
Les contraintes sont d'ordre sanitaire, technique,
organisationnel et externe. Le marché local reste informel et
embryonnaire, mais les facteurs de son épanouissement se dessinent
à savoir :
- le changement des habitudes alimentaires (demande de plus en
plus croissante des produits et denrées non fertilisés aux
engrais chimiques) ;
- la tendance à l'uniformisation des habitudes
alimentaires ;
- l'action de l'organisation des consommateurs ;
Le circuit de commercialisation est très court et se
limite à trois intervenants qui sont les, producteurs, les exportateurs
et les importateurs.
Au Cameroun, les atouts pour le développement de
l'agriculture biologique sont importants malgré les contraintes
énoncées ci-dessus. Il y a le potentiel naturel, le potentiel
humain et la conjoncture économique agricole. Le développement de
la filière s'est traduit par un accroissement significatif des
productions et du nombre des opérateurs.
Les producteurs se partagent en trois catégories en
fonction de la taille des exploitations et du régime foncier :
- les petits producteurs fermiers qu'on rencontre dans toutes les
zones. Ce sont les exploitations familiales impliquées dans le commerce
qui produisent ananas, papayes, piments, avocats et diverses cultures
vivrières. Ces exploitations ont des tailles allant de un à deux
hectares ;
- les producteurs des exploitations commerciales. La taille des
exploitations est de deux à dix hectares. Les spéculations sont
ananas, papaye, cacao, café...et on les trouve surtout dans les
provinces du centre ;
- les producteurs des cultures de rentes. La taille des
exploitations va de cinq à plus de cent hectares. Ce sont les
producteurs reconvertis à la production biologique. Les principales
spéculations sont : cacao, café et palmier.
Ce secteur est prometteur au Cameroun, cependant, beaucoup reste
encore à faire pour son développement. C'est pourquoi, le Tchad
pour se lancer dans la pratique biologique doit tirer des leçons de
toutes ces expériences.
Au Mali également, des pas importants ont
été franchis notamment sur le coton, l'igname, les patates
douces, les papayes et bien d'autres produits biologiques. Grâce à
l'appui de Helvetas qui est une association suisse de
coopération et de développement, les produits ont pris leurs
marques. Des productions importantes sont faites et les travaux de recherche de
qualité accompagnent ce progrès. Les contraintes et les atouts
restent presque les mêmes que dans les pays étudiés ci
haut.
Quant au Sénégal, le secteur de
l'agriculture biologique se développe à un rythme impressionnant.
ONGs et associations se multiplient, amenant les autorités politiques
à accorder une oreille attentive aux préoccupations de ce
secteur. Ainsi, le Conseil Sénégalais pour l'Agriculture
Biologique (COSAB) est devenu un cadre de réflexion et d'action
incontournable. Il impulse le développement de ce secteur.
D'une manière générale, nous dirons que ces
différentes et probantes expériences sur l'agrobiologie,
permettent d'en faire le point. C'est une halte pour le Tchad d'évaluer
le chemin parcouru en agriculture conventionnelle et de s'orienter vers
l'agriculture biologique pour ce qui reste à faire. Car la pratique bio
est la seule issue pouvant l'aider à régler certains de ses
problèmes environnementaux et à se hisser à une
compétitivité sur le marché extérieur malgré
les contraintes.
Ainsi donc, la pratique de l'agrobiologie peut contribuer
réellement à la préservation des équilibres
écologiques de base si les remarques et suggestions, tirées de
toutes ces expériences vécues ailleurs et
présentées dans le chapitre qui suit, soient prises en compte.
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