5.2. Contribution de l'agriculture biologique au
Tchad
La plupart des enquêtés, par soucis de consommer les
produits alimentaires biologiques associés à un désir de
protéger l'environnement, ont choisi la méthode biologique pour
le Tchad. Dans ce contexte, nous nous demandons si ce mode de production
soucieux et respectueux de l'environnement pourrait constituer une
opportunité de développement agricole basée sur la
préservation des équilibres écologiques du pays ?
5.2.1. Etat des lieux :
Au Tchad où l'agriculture emploie plus de la moitié
de la population active est l'un des pays africains les mieux placés
pour prétendre à la pratique d'une agriculture biologique. Ce-
pendant, aucune politique gouvernementale, ni de son soutien n'existe à
l'agro écologie dans notre pays.
C'est dans ce contexte que nous tentons d'être les
pionniers à proposer cette pratique. Ainsi donc, nous
présenterons au cours de notre étude des exemples donnés
par d'autres pays car aucun chercheur tchadien ne s'est penché sur la
filière pour nous donner les éléments à
comparaison. Aucun producteur tchadien n'a jusque-là demandé la
certification à travers le label bio.
L'étude nous présentera dans les lignes qui suivent
les atouts et les contraintes de la pratique de l'agriculture biologique au
Tchad et sa contribution à la préservation des équilibres
écologiques de base. Elle aidera aussi à combler le manque
d'information sur le marché bio.
Les différentes études de cas présenteront
la situation de quelques pays qui ont les mêmes atouts et contraintes que
le Tchad et qui ont réussi à mettre en place une filière
d'exploitation biologique ou qui en ont le potentiel. Ces études de cas
nous donneront un aperçu utile de la manière de mettre en place
avec succès une filière d'exploitation biologique ainsi que les
difficultés éventuelles qui doivent être
surmontées.
5.2.2. Les atouts :
L'agriculture biologique, nous l'avons signalée,
même si elle met en exergue certaines contraintes spécifiques pour
sa pratique, elle offre cependant d'importants atouts à notre pays.
A l'instar de plusieurs autres Etats que nous citerons dans notre
étude de cas, le Tchad possèdent beaucoup de terres arables
relativement vierges et qui peuvent bien se prêter à cette
pratique. Il bénéficie d'un climat acceptable, de suffisamment de
pluies et de cours d'eau pour pouvoir cultiver toute l'année. Ses sols
et sa végétation diversifiée constituent également
un atout non négligeable.
Ainsi donc, nous essayerons dans les lignes qui suivent,
d'étudier les différents éléments de
l'équilibre écologique qui peuvent constituer un atout pour le
Tchad, et comment ceux-ci, à travers l'agriculture biologique
contribuent-ils à la protection de la biodiversité et à la
préservation de l'environnement.
Schéma 01 : Les bases
écologiques
Climat
Sol
Végétation
La végétation, le sol et le climat constituent les
grands équilibres écologiques de base liés les uns aux
autres par une interaction et une interdépendance dont la
dégradation d'un de ses éléments entraîne le
déséquilibre écologique et tout le système
s'effondre. La pratique de l'agriculture biologique a le mérite de
garantir durablement cet équilibre.
5.2.2.1 Le sol :
Le sol est le produit d'interactions complexes entre le climat,
la végétation, l'activité biologique, le temps et
l'utilisation des terres. Chaque année, une quantité
énorme du sol de surface, la plus fertile est dégradée par
suite de divers processus tels que la diminution des teneurs en matière
organique, la contamination (par exemple au contact des métaux lourds),
l'imperméabilité, le tassement, l'appauvrissement de la
biodiversité et la salinisation. Ces divers processus compromettent les
principales fonctions des sols et sont notamment imputables à des
pratiques agricoles inadéquates, tels que le recours
immodéré aux engrais, l'utilisation appropriée des
pesticides, l'emploi des machines lourdes ou le surpâturage. Cette
mauvaise pratique qui appauvrit les sols peut les conduire à la
désertification.
Pourtant le sol est le principal facteur dans le système
agro-écologique, car il supporte et alimente la végétation
qui s'y trouve, la faune, la mesofaune et la microfaune avec toutes les
activités microbiennes.
En agriculture biologique, le sol remplit une multitude de
fonctions environnementales, économiques et sociales essentielles
à la vie. Presque toutes les végétations notamment la
prairie, les cultures arables et les arbres, ont besoin du sol pour leur
approvisionnement en eau et en élément nutritif et pour fixer
leurs racines. Le sol stocke et transforme les minéraux, les
matières organiques, l'énergie et diverses substances chimiques.
Il fonctionne comme un filtre naturel pour les eaux souterraines. Le sol est
l'habitat d'une quantité et d'une variété immenses
d'organismes vivants. Il remplit donc des fonctions écologiques
essentielles.
C'est pourquoi, la pratique de l'agriculture biologique qui
consiste à faire les rotations de cultures, l'usage des engrais verts et
du fumier, le système de mulching, l'assolement et d'autres... permet de
faire face aux événements imprévus comme la
sécheresse, les pluies abondantes, encore la prolifération des
insectes nuisibles, bref, de résoudre les problèmes
environnementaux et de contribuer ainsi à la préservation des
équilibres écologiques de base. Ceci est l'un des atouts
importants pour le Tchad à pratiquer l'agrobiologie, c'est ce qui
explique le choix de 91,6% des enquêtés pour cette pratique
agro-écologique qui assure la pérennité de la structure du
sol et la préservation de l'environnement. Donc l'agriculture biologique
s'est révélée très efficace pour préserver
et améliorer les conditions d'épanouissement de la
biodiversité. A titre d'exemple, une étude de deux ans sur les
sols autrichiens a montré qu'il y avait 94% des scarabées en plus
dans les champs soumis à une agriculture biologique par rapport à
ceux soumis à une agriculture classique ou conventionnelle.
5.2.2.2 La végétation :
La végétation et le climat orientent ensemble
l'humification qui influence profondément les cycles
biogéochimiques. La végétation est
considérée en agrobiologie comme un système incluant non
seulement les plantes, mais aussi les animaux qui lui sont associés et
tous les composants physiques et chimiques de son habitat. La destruction de la
couverture végétale à des fins agricoles peut engendrer la
disparition de la faune et de la flore, exposant ainsi le sol à
l'érosion, donc à son appauvrissement. Avec une pénurie en
bois de chauffe, on assiste à une exportation totale des résidus
de récolte, alors que ceux ci devaient servir à la fabrication du
compost pour la fertilisation du sol.
Devant cette situation, l'agriculture biologique avec ses
différentes techniques peut contribuer à la préservation
de la pyramide écologique. Ainsi donc, nous dirons que la pratique
biologique permet de préserver l'environnement et c'est justement le but
que s'est fixé le CREFELD et partant le Tchad qui est un pays
menacé par la désertification.
5.2.2.3 Le climat :
Le climat exerce une influence primordiale, d'abord direct, dans
la mesure où il influence le « pédoclimat »,
donc, dans une large mesure, les mouvements de l'eau dans le sol et
ensuite d'une manière indirecte, par l'intermédiaire de la
végétation climatique.
Les précipitations sont les sources d'alimentation de la
végétation à travers le sol. La plante grâce
à ses racines prélève l'eau dans laquelle les
éléments nutritifs sont dissous. En plus de l'eau, la plante a
besoin aussi de l'énergie solaire pour son alimentation. Le vent
intervient aussi dans la fécondation par le transport des pollens. En
bref, le climat joue un rôle important en intervenant dans l'interaction
entre la végétation et le sol. C'est ce qui favorise la pratique
biologique dans la préservation de l'environnement.
5.2.2.4 La faune :
En agriculture conventionnelle, les produits chimiques
utilisés pour détruire les parasites peuvent causer des dommages
à l'environnement ; notamment par la destruction de la micro faune,
de la macro faune et de la meso faune. Ces poisons violents sont susceptibles
de perturber les chaînes trophiques écologiques et de provoquer de
graves ruptures écologiques en éliminant les oiseaux et certains
animaux non visés par le traitement. Ils peuvent également
éliminer les phytophages utiles à la défense des cultures.
La disparition par intoxication de certains éléments de la faune
provoque le déséquilibre écologique par la diminution de
la biomasse disponible sur certains habitats et de la chute du taux de
reproduction. C'est pourquoi, l'agriculture biologique avec sa pratique saine,
qui exclut tout intrant chimique de synthèse peut contribuer à la
préservation de l'équilibre écologique de base.
Au niveau de la micro faune, on sait que les bactéries,
les champignons, les protozoaires et autres petits organismes jouent un
rôle essentiel dans le maintien des propriétés physiques et
biochimiques nécessaires pour la fertilité des sols.
Dans la méso faune, des vers, des fourmies, des escargots
et de petits arthropodes cassent la matière organique qui est ensuite
dégradée par les micro-organismes et transportée à
des couches plus profondes du sol.
5.2.2.5 L'eau :
Les organismes vivant dans l'eau s'adaptent aux conditions de ce
milieu. La vitesse du courant, la structure des fonds, la température et
la composition chimique de l'eau déterminent la diversité des
communautés vivantes colonisant le milieu aquatique. La lumière
infiltrée et les substances nutritives disponibles sont très
souvent les facteurs limitant l'existence des organismes vivants des milieux
aquatiques. A cet effet, une eau bien conservée par une pratique
biologique contribue à la sauvegarde de la biodiversité donc
à la préservation des équilibres écologiques de
base, tandis que la pollution constitue un facteur de dégradation des
ressources en eau.
A cet effet, prenons à titre d'exemple les
activités de la Compagnie Sucrière du Tchad (CST) sur le fleuve
Chari où nous avons eu à passer quelques jours de recherches, en
amont de la ville de Sarh. La qualité de l'eau de ce fleuve est en
grande partie polluée par les activités culturales et
industrielles de la CST. L'utilisation d'engrais chimique et de produits
phytosanitaires pour la culture de la canne à sucre constitue une source
de pollution du fleuve. En effet, une partie importante de ces produits est
transportée par l'eau de ruissellement vers le fleuve où ils
constituent des facteurs de pollution et d'eutrophisation du Chari. La
Compagnie ne dispose pas de structure adéquate de traitement des eaux
usées. Les eaux sont déversées directement au fleuve sans
prétraitement approprié.
Il manque des données de suivi de l'évolution de la
qualité des eaux de surface. Ainsi, il est clair que le
déversement de ces eaux dans le Chari présente des risques de
détérioration de la qualité de l'eau. Même si la CST
est dotée d'un plan de gestion environnemental dont la mise en oeuvre
permet de minimiser l'impact sur l'environnement et plus
particulièrement sur la qualité des eaux, des efforts
particuliers méritent d'être encore faits. Il y a aussi le risque
de pollution par des déversements accidentels des produits chimiques et
des hydrocarbures qu'il faudra surveiller. Certains des déchets
industriels sont présentement stockés dans les locaux de l'usine.
Même si les conditions de stockage sont sans risque pour l'environnement,
la destination de ces déchets à moyen et à long terme
pourrait être préoccupante.
Selon le Forum National sur l'Education à l'Environnement
tenu à l'IUSAE de Doyaba du 24 au 29 mai 2004, il a été
mentionné clairement que le fleuve Chari reçoit des pollutions de
la Compagnie Sucrière du Tchad . Il y a manque des données
factuelles :
- pas d'inventaire à jour de l'industrie polluante
présentant des risques d'accident par les rejets d'eaux usées
vers le fleuve, si bien que les eaux usées en provenance de la CST sont
sans contrôle avant d'être jetées dans le Chari ;
- pas de service chargé des inspections visuelles,
d'identification des rejets.
En conséquence, il y a invasion des végétaux
aquatique sur les plans d'eaux. Compte tenu de leur multiplication et leur
mobilité, ces végétaux constituent un gène pour les
riverains et un menace pour la biodiversité. Cette invasion des plans
d'eau par des végétaux aquatiques n'est pas une cause de
pollution, mais la conséquence de l'eutrophisation de l'eau en apports
excessifs de la matière organique et des résidus des engrais
chimiques.
Certaines études relèvent que si l'agriculture
biologique nécessite davantage de main-d'oeuvre, c'est principalement en
raison des tâches manuelles et mécaniques indispensables aux
cultures. Celles-ci sont relativement basses, ce qui est un avantage pour le
Tchad. La population agricole du Tchad est supérieure à 50% de la
population totale. A cette population s'ajoutent des exploitants agricoles en
quête des créneaux nouveaux et dotés des moyens financiers
suffisants par exemple les hommes d'affaires et les fonctionnaires en
conversion vers l'agriculture. L'agriculture biologique peut paraître une
bonne opportunité pour le Tchad de développer des nouvelles
méthodes de productions respectueuses de l'environnement. Le
marché bio d'exportation connaît une croissance très rapide
à travers le monde, et tant que la qualité et la quantité
des produits peuvent être assurées sur une base continue, c'est
un nouveau potentiel pour le secteur agricole au Tchad. Donc sur le plan
commercial, il y a des atouts financiers par l'exploitation des produits locaux
à même de concurrencer ceux d'Europe sur leurs propres
marchés. Ceci est une possibilité à approfondir par les
producteurs tchadiens.
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