Changements climatiques et cultures maraà®chères( Télécharger le fichier original )par Yidourega Dieudonné BATIONON Université de Ouagadougou - Master de Recherche en géographie 2009 |
CHAPITRE IV : CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET CULTURES MARAICHERESCe chapitre traite essentiellement des incidences que les changements climatiques pourraient avoir sur les cultures maraîchères. Mais auparavant, il serait intéressant de décrire dans un premier temps certaines exigences des cultures maraichères notamment dans les domaines de l'eau et de la température. 4.1. Exigences des cultures maraîchèresLes cultures maraîchères contrairement aux cultures pluviales ont des besoins spécifiques en eau et en température. Lorsque ces exigences ne sont pas remplies, les plants ne produisent pas ou la production est de mauvaise qualité. C'est la raison pour laquelle le choix de l'époque de cultures maraîchères est particulièrement déterminant. Le tableau suivant nous donne les exigences en eau et températures de quelques cultures maraîchères. Tableau 2 : exigence de quelques cultures maraîchères
- Source : DUPRIEZ H 1987 Légende : ++ : très favorable ; + : favorable ; - : défavorable Ce tableau permet de voir qu'en dehors du haricot vert, toutes les autres cultures ont des besoins élevés en eau et préfèrent des températures douces pour leur croissance. Avec l'accroissement des températures qui s'annonce, il faudrait s'attendre au niveau de la zone tropicale à une augmentation de la cadence d'évaporation réduisant le niveau d'humidité et des ressources en eau disponibles pour la croissance des plantes. Par ailleurs, les cultures maraîchères pourraient faire les frais d'une variabilité importante au niveau du climat. En effet, dans un tel contexte, les saisons des pluies pourraient être décalées, voire perturbées, et ne correspondraient plus avec les cycles de croissance des plantes, entraînant inévitablement une perte de rendement. 4.2. Incidences des changements climatiques sur les cultures maraîchèresDans le cadre de notre étude, nous avons privilégié le cas particulier des cultures maraîchères qui sont devenues au fil du temps une véritable activité génératrice de revenus au profit de millions de producteurs. Vu le caractère stratégique de ces cultures pour de nombreux pays en voie de développement, et leur sensibilité aux variations climatiques (température et apport d'eau), il est assez intéressant de voir les incidences que pourraient avoir les changements climatiques en cours sur cette partie de l'agriculture. En rappel, de nombreuses cultures maraîchères pratiquées sous les tropiques supportent les températures comprises entre 18° et 30°. Il faut souligner que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans la production des plantes et nous n'avons pas la prétention de passer en revue tous ces facteurs. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre l'accent sur trois facteurs essentiels : l'eau, la température et le CO2. 4.2.1. Incidence des changements climatiques sur la disponibilité de l'eauSur la base des résultats des différents modèles climatiques, on peut supposer que les régions des hautes et moyennes latitudes connaîtront moins de difficultés pour leur approvisionnement en eau car les précipitations devraient y être plus importantes. Par ailleurs, ces zones sont de véritables réserves d'eau douce avec les différents glaciers qui s'y trouvent. On estime que la fonte des permafrosts libérera des milliards de tonnes d'eau dans des pays comme le Canada, les Etats Unis, la Russie, etc. Par contre, la situation sera plus délicate pour les pays situés dans les latitudes tropicales qui rencontrent déjà d'énormes difficultés pour leur approvisionnement en eau. La situation devrait s'aggraver dans les prochaines décennies puisque ces pays tropicaux assisteront selon les tendances générales à une baisse du niveau de leurs précipitations. Cette situation va probablement avoir des effets sur la disponibilité des eaux de surface et des eaux souterraines. Cette hypothèse est corroborée par les données du GIEC qui affirme dans son rapport 2007 « Dans de nombreuses régions dans lesquelles l'eau est rare, les changements climatiques devraient encore limiter la disponibilité d'eau en raison de la fréquence accrue des périodes de sécheresse, de l'augmentation de l'évaporation de l'eau et des changements des modèles de précipitation » Les régions les plus touchées seront probablement les pays méditerranéens, la zone sahélienne, l'Afrique australe et en partie l'Asie centrale et du sud. Les changements climatiques auront également des effets sur les écoulements des cours d'eau. Ainsi, pour CHARTRES C., directeur général de l'Institut international de la gestion de l'eau au Sri Lanka, «le rythme et l'importance des débits fluviaux varieront, affectant ainsi les plans d'eaux fluviaux ». Il ajoute que la fonte des glaciers aura pour conséquence la diminution de la disponibilité de l'eau en été, y compris celle qui irrigue le bassin de l'Indus, un phénomène qui pourrait affecter environ 17% de la population mondiale. http://www.scidev.net/fr/latin-america-and- caribbean/features/les-cultures-peuvent-elles-r-sister-au-changement-.html En Afrique, on a noté que suite à la baisse de la pluviométrie à partir des années 1970, les écoulements des principaux fleuves ont baissé. Le débit du fleuve Niger a diminué de 30 % entre 1971 et 1989 ; ceux des fleuves Sénégal et Gambie de près 60 %. Cette diminution a été relativement plus importante que celle des précipitations. A côté des facteurs climatiques, l'accroissement des besoins en eau constitue un facteur majeur du prélèvement de cette ressource (UICN, 2004). Il est en effet difficile d'attribuer cette baisse des régimes des fleuves au facteur climatique uniquement. On suppose que la construction de différents ouvrages hydrauliques pour faire face à une consommation croissante de la population ou à la multiplication des projets d'irrigation et d'hydro-électricité est également un facteur qui peut jouer sur les régimes des fleuves. Les fluctuations rapides de la superficie du lac Tchad en fournissent une bonne illustration. Avant les années 1980, la diminution de la pluviométrie (les précipitations sur le lac représentent 13 à 14 % des apports annuels en eau) et la baisse consécutive du débit des fleuves Chari (83 % des apports du lac) et de son affluent le Logone expliquent en grande partie la réduction de la superficie du lac à côté de l'évaporation et de l'infiltration. Après les années 1980, l'irrigation pour l'agriculture et l'arboriculture dans le bassin du Chari et Logone constitueraient les principales causes de la réduction des eaux du lac. (ANDIGUE J. 2007). A l'avenir, les changements climatiques pourraient avoir des effets durables sur les quantités d'eau en circulation dans les bassins et dans les nappes souterraines rechargées en saison des pluies. Mais globalement, l'Afrique de l'Ouest n'est pas menacée à moyen terme par le manque d'eau renouvelable, même si des problèmes locaux se poseront (DUBUS K. et al, 2005). Cependant, l'Afrique d'une manière générale, rencontrera des difficultés liées à la disponibilité de la ressource eau compte tenu de sa faible capacité de mobilisation d'eau de surface. En effet, selon les données de la Commission Internationale des Grands Barrages, en 1998, il existait 25 400 grands barrages dans le monde et leur répartition par zone géographique donne: - Afrique : 5 % - Amérique du Nord : 30,61% - Amérique du Sud : 2,66% - Asie : 33,38% - Europe : 24,38% En termes donc de mobilisation d'eau de surface, l'Afrique et l'Amérique du sud devraient donc rencontrer d'énormes difficultés. La situation sera plus préoccupante pour l'Afrique à cause de son fort taux de croissance démographique et de sa dépendance vis-à-vis de l'agriculture. Pour le cas spécifique du Burkina, le problème de la disponibilité des ressources en eau se posera de plus en plus avec acuité dans les prochaines années. La disponibilité en eau au Burkina Faso varie considérablement avec les conditions pluviométriques et au cours des 50 dernières années, les disponibilités en eau ont baissé de façon drastique en rapport avec la baisse pluviométrique. On note aussi que l'écoulement annuel des eaux dans les quatre bassins versants nationaux est actuellement estimé à 7,5 milliards de m3 dont environ 2,66 milliards de m3 d'eau sont annuellement stockés sur une superficie de près de 100 000 ha constituée de barrages, lacs naturels et retenues d'eau. Les ressources totales en eau du pays (eau de surface + eau souterraine) sont estimées à 402 milliards de m3, variant dans une fourchette de 268 à 534 milliards de m3 selon les années. La pression sur les ressources en eau est liée aux différentes sources de prélèvement et à la demande climatique (évaporation et évapotranspiration). Ainsi, la demande totale annuelle du Burkina Faso en eau, évaluée à 4,8 milliards de m3, peut se repartir comme suit : - demande consommatrice (10%), - demande hydroélectrique (44 %), - demande climatique (46 %). Il apparaît clairement que la forte évaporation des eaux de surface et du sol est à l'origine du déficit chronique en eau observé au Burkina Faso considéré comme un pays à stress hydrique très élevé selon les normes de l'Organisation Mondiale de la Météorologie (PANA, 2003). Malheureusement, cette situation risque de s'aggraver au cours des années à venir avec la hausse des températures liée au réchauffement climatique. Le second REEB du SP/CONNED (2008), confirme cette éventualité en affirmant « tout porte à croire que le potentiel de ressources en eau du Burkina régresse de manière significative et ne répond plus aux besoins croissants du pays ». Une évaluation prospective met en évidence que le Burkina Faso passera : - d'une situation de stress hydrique modéré en année normale, moyen à élevé en année très sèche au début des années 2000 ; - à une situation de stress hydrique élevé permanent à l'horizon 2010 - 2015. Toutes ces données confirment que l'accès à l'eau sera de plus en plus problématique dans les décennies à venir pour de nombreux pays en développement. Cette difficulté d'accès à l'eau aura d'énormes répercussions sur l'agriculture qui constitue le principal moteur de croissance économique d'un continent comme l'Afrique. Cette situation sera plus préoccupante au niveau de l'agriculture irriguée et plus particulièrement des cultures maraîchères qui constituent la principale activité génératrice de revenus pour des millions de producteurs. Ainsi, la difficulté d'accès à l'eau pourrait compromettre les cultures maraîchères dans les zones tropicales car celles-ci sont très exigeantes en matière d'eau. On estime qu'il faut environ 6 000 à 8 000 litres d'eau par jour pour un jardin de 1 000 m². Ceci sera surtout vrai pour les petites exploitations qui disposent de peu de moyens techniques et financiers pour faire face aux pénuries d'eau. Selon une étude menée au Maroc, on a constaté ces dernières décennies une régression du nombre des exploitations de petite taille qui font généralement moins de 5 hectares. (BOUAZZA Z. et al, 2007). Malgré ces différentes difficultés, il faut signaler que des stratégies d'adaptation sont également développées par les producteurs en vue de faire face à la faible disponibilité de l'eau. On peut citer à titre d'exemple la technique d'irrigation goutte à goute qui a fait ses preuves dans le district de Palpa situé à l'Ouest du Népal. Les petits paysans de ce district pratique la culture commerciale de légumes qui représenterait une source de revenus très importante pour ces derniers. A cause des précipitations faibles et irrégulières dans la région, il est difficile d'avoir suffisamment d'eau pour irriguer. La culture de légumes est donc problématique, particulièrement durant les mois secs en hiver et au printemps, alors que c'est à cette époque précisément que la demande en légumes frais est importante et que leur vente pourrait générer d'importants bénéfices. Dans cette région vallonnée, avec des petites terrasses et une mosaïque de parcelles cultivables, l'irrigation à grande échelle serait coûteuse et peu adaptée. Mais, depuis quelques années, les systèmes d'irrigation au goutte à goutte offrent une alternative non conventionnelle, simple et avantageuse. Le LISP («Local Initiatives Support Programme»), un programme d'appui pour les initiatives villageoises lancé en 1996 par Helvetas Népal, assure depuis quelques années la promotion de méthodes d'irrigation dans le district de Palpa. Ainsi, les petits paysans peuvent cultiver des légumes tout au long de l'année, ce qui leur assure un revenu sur les marchés locaux. La technique d'irrigation est adaptée aux besoins des paysans et de l'environnement: des tuyaux et des petits tubes amènent l'eau directement à la racine de la plante afin de réduire au maximum le gaspillage. La méthode est économe en eau et en temps, de sorte que les paysans peuvent se consacrer à d'autres occupations. (GÄHWILER F et SCHMIDT P, in « Partenaires helvetas », N°177 Août 2004-2004). Il faut signaler également que dans le domaine génétique, les chercheurs mettent de plus en plus l'accent sur des plantes résistantes au stress hydrique. Pour mieux appréhender l'incidence des changements climatiques sur la disponibilité de l'eau, il faudra aller au-delà des modèles généraux de la circulation des eaux et développer plus des modèles spécifiques de bassins fluviaux et de fermes, démontrant ainsi la façon dont le changement climatique affectera les disponibilités en eaux fluviales et le niveau des lacs. Par ailleurs, davantage de données sur les eaux souterraines et les aquifères sont nécessaires au niveau des pays en développement et plus particulièrement de l'Afrique afin de mieux analyser l'incidence des changements climatiques sur la disponibilité de l'eau pour la pratique de cultures maraîchères. Ces différentes observations sont également valables pour le cas particulier du Burkina qui globalement va connaître un stress hydrique beaucoup plus élevé et permanent à l'horizon 2010-2015. A ce niveau, il serait plus intéressant d'avoir des simulations au niveau régional voire provincial pour appréhender l'évolution du niveau de la nappe phréatique, l'évolution des précipitations en vue de se faire une meilleure idée sur l'incidence des changements climatiques sur la disponibilité de l'eau pour la pratique maraîchère pour une province comme le Sanguié. |
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