2- La diversification du portefeuille de crédit
Tableau 18: Répartition du portefeuille de
crédit du PADME par secteur d'activités
100
75
50
25
0
Répartition du portefeuille de crédit par
secteur
d'activités (%)
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
Commerce
|
88
|
88
|
85
|
91
|
96
|
Artisanat
|
10
|
6
|
4
|
3
|
1
|
Service
|
1
|
2
|
6
|
4
|
1
|
Agriculture-Elévage
|
1
|
1
|
1
|
1
|
1
|
Autres
|
0
|
1
|
1
|
1
|
1
|
Source : Rapports d'activités annuelles du PADME
(2002-2006)
On observe que le secteur du commerce représente une
part importante du portefeuille de crédit avec respectivement de 2002
à 2006 un pourcentage de 88% ; 88% ; 85% ; 91% et 96%. Ensuite le
secteur de l'artisanat avec
seulement 10% ; 6% ; 4% ; 3% et 1%. Le service occupe la
troisième place avec 1% ; 2% ; 6% 4% ; et 1%, l'agriculture,
l'élevage et les autres ont toujours représenté un
pourcentage infime de 1%.
L'analyse croisée avec les indicateurs de
qualités de portefeuille montre que plus le secteur du commerce
évolue, moins le PADME a la capacité de résister aux chocs
extérieurs (cas des problèmes de commercialisation avec les pays
voisins évoqué dans les rapports d'activités) et la
dégradation du portefeuille se fait plus sentir. Au dessus de 90%
constaté en 2005 et 2006, le portefeuille de crédit s'est
fortement dégradé. Cette répartition montre la faible
diversification du portefeuille de crédit du PADME source de risque de
crédit. Cette faible diversification pourrait en amont être le
fait du choix du segment du marché. La diversification du portefeuille
de crédit étant un élément essentiel pour
réduire le risque global des crédits consentis.
B- Le choix des outils et supports de gestion de
crédit
Le choix des outils ou supports adaptés est d'une
importance capitale pour le contrôle du risque de crédit au sein
d'une IMF. Notre analyse s'intéressera essentiellement aux fiches de
présentation au comité de crédit (supports d'analyse de
prêts) et au contrat de prêt.
1- Les fiches de comité de crédit
A propos de ces fiches, 52,4% des chargés de
prêts et 71,4% des chefs estiment qu'elles comportent des insuffisances
qui les empêchent de mieux présenter le profil des clients et de
prendre des décisions sur des bases plus fiables. De même les
chefs d'agence et de bureaux avouent tous ne disposer d'aucun
élément technique chiffré à partir des fiches pour
s'assurer de la qualité des informations fournies par les chargés
de prêts. Il a été évoqué les
insuffisances relatives aux détails sur le chiffre
d'affaire, de l'évaluation correcte des dépenses familiales du
client et de la rotation de stocks.
Si ces trois éléments souffrent d'indicateurs
d'évaluation, c'est une faible gestion préventive de l'analyse du
profil qui est ainsi faite. Les supports de comités de crédit
n'ont pas prévu des parties pour l'analyse de la trésorerie
future du client, (exemple le budget de trésorerie), un support
important pour s'assurer de la capacité actuelle et future de
remboursement du prêt et de l'appréciation de la trésorerie
du client en fonction des variations saisonnières de l'activité
à financer; ce qui n'est pas à négliger quand on s'en
tient aux propos des clients au cours de l'évaluation de Microsave
Africa - PADME en 2002, qui ont bien mentionné que leurs
activités connaissent d'importantes variations au cours de
l'année.
L'absence de ce support pourrait être un
élément explicatif du fait que de toutes les antennes, Parakou
présente les indicateurs les moins intéressants. Dans les
régions qui sont fortement influencées par les cultures
pérennes comme le coton au Bénin et le café cacao en
Côte d'Ivoire, l'on observe une forte migration de la population ainsi
qu'une variation significative du pouvoir d'achats des clients et de la
rentabilité des activités génératrices de revenus
pendant les périodes de traites ou périodes creuses. Utiliser
donc, un support qui retrace la situation du client comme si la
rentabilité était identique sur toute l'année,
présente un risque de biais important sur l'appréciation de la
trésorerie au cours de la période de remboursement du prêt.
Des échéanciers inadaptés sont source de
défaillance.
2- Le contrat de prêt
De tous les documents de gestion d'un prêt, le contrat
de prêt est une pièce maîtresse du dossier de crédit.
C'est le principal document qui pourrait être éventuellement
être utilisé pour prouver l'engagement. Il y a lieu donc de
se pencher sur un certain nombre d'articles liés
à la gestion du risque de crédit.
Les conditions d'exigibilités
anticipées. C'est un article qui présente les cas
où le prêt pourrait devenir exigible avant son
échéance. Il s'agit en général d'un manquement aux
obligations du contrat de la part de l'emprunteur. Le contrat actuel ne le
traite qu'à l'article 3 « destination du prêt ». Cette
exigibilité ne sera faite qu'en cas de détournement d'objet de
prêt.
Ainsi les conditions d'exigibilité anticipé ne
mentionnent pas celles relatives à l'exploitation de l'activité
telle que la cessation d'exploitation ou de paiement, la faillite personnelle,
de la liquidation des biens (productifs) de l'activité ; de
règlement judiciaire, les conditions liées aux garanties telles
que la destruction totale ou partielle du bien donné en garantie, le cas
de non paiement d'une échéance à la date fixée dans
l'acte.
La communication est un article qui oblige
l'emprunteur à divulguer à l'IMF tout événement
important pouvant influencer la valeur de la créance de l'IMF. De plus,
l'entrepreneur s'engage à fournir à l'IMF ses états
financiers ou des informations sur son activité de façon
régulière. Cet article n'existe pas au PADME.
De même, le contrat traite des frais pour paiement en
retard mais ne mentionne pas les conditions de remboursements
anticipés.
Ainsi le contrat de prêt du PADME bien qu'incluant un
bon nombre d'articles utiles et nécessaires, présente tout de
même des insuffisances sur des éléments de gestion du
Risque de crédit.
3- Analyse des techniques d'évaluation
financière
a- Notion de chiffre d'affaires
A ce niveau diverses interprétations en sont faites. 45,2
% des Chargés de prêts estiment que le chiffre d'affaires est le
montant encaissé sur le mois
tandis que 54,8 % tiennent compte des recettes et des ventes
à crédit. Quant aux Chefs d'agence et de bureaux, 57,1%
assimilent le chiffre d'affaire aux recettes et 42,9% considèrent le
montant encaissé plus les ventes à crédit. Ainsi, d'un
groupe à un autre du personnel opérationnel, la perception et les
bases de données utilisées pour une prise de décision
diffèrent. Cependant, ils se réunissent, prennent des
décisions d'octroi de prêt sans certainement se rendre compte
qu'ils n'ont pas la même interprétation de cette notion ; ce
d'autant plus que la version officielle donnée par le responsable de
crédit est celle selon laquelle le chiffre d'affaires est le montant
effectivement encaissé sur le mois. Certainement que la lecture du
manuel donne une indication de ceux qui respectent les consignes. Puisque
concernant les chefs d'agence et de bureaux, tous ceux qui ont répondu
que le chiffre d'affaires équivaut au montant encaissé, 75 % ont
lu le manuel ; tandis que ceux qui ont eu une position contraire ne l'ont pas
lu. Au niveau des chargés de prêts les partisans de la version
officielle ont à 73,7 % lu le manuel et les autres agents à 60,9
% ne l'on pas lu.
Cette notion de chiffre d'affaires trouve son importance en ce
sens que plus le montant devient subséquent et qu'une activité
grandit, plus forte est la probabilité de faire des ventes à
crédits. D'où l'intérêt pour le PADME de clarifier
ce concept car une activité peut bien être rentable sans
être liquide ou solvable entraînant de ce fait un non remboursement
de la créance.
Pour déterminer le montant à accorder au client,
l'on tient compte du cash-flow de la situation d'exploitation (période
actuelle). D'où l'importance du chiffre d'affaires surtout lorsque les
agents qui considèrent le chiffre d'affaires comme le montant vendu,
devront analyser les activités qui connaissent des ventes à
crédit significatives.
b- Notion de capacité de remboursement du
client
Cette notion est aussi diversement interprétée.
A la question de savoir : « si les revenus de l'activité à
financer sont insuffisants pour rembourser le prêt et que le client
dispose d'autres sources de revenus à même de lui permettre
d'honorer ses engagements, pouvez-vous le financer ? » ; les
chargés de prêts répondent à 66,7 % oui et 33,3 %
non ; 28,6 % des chefs acceptent de financer le client et 71,4 % refusent. Les
divergences ne s'arrêtent pas à ce niveau. Quand il s'est agi de
savoir lorsque les revenus générés par l'activité
à financer sont insuffisants pour rembourser le prêt et que le
client dispose de solides garanties, facile à mobiliser, est-il possible
de le financer ? 81 % des chargés de prêts acceptent de le
financer tandis tous les chefs disent ne pas financer un tel dossier. Ces
différentes réponses montrent à quel point cette notion de
capacité de remboursement est perçue différemment au
niveau du personnel.
De façon générale, on constate que 84 %
des Chargés de prêts interrogés estiment que la
méthode actuelle d'analyse des dossiers de crédits comporte des
insuffisances. Il ressort également que 32 % des Chargés de
prêts acceptent mettre en place un crédit à des clients
malgré leur surendettement ou leur existence dans d'autres IMF ; 32% ont
évoqué le fait qu'ils reçoivent des pressions de la part
des supérieurs hiérarchiques pour mettre en place des
crédits à des clients non finançables et 36 % ont
affirmé avoir monté et mis en place au moins une fois des
crédits par complaisance. On déduit aisément que les
Chargés de prêts de PADME mettent en place de mauvais
crédits.
On conclut donc que l'hypothèse n°2 qui stipule
que la mise en place de mauvais crédits s'explique par les mauvaises
pratiques orchestrées par les agents dans l'étude des dossiers
est globalement vérifiée.
III- Vérification de l'hypothèse
relative à la mauvaise couverture du risque de crédit au PADME
Le PADME utilise le système de caution solidaire pour
les crédits aux groupes et aux groupements. Ce système permet
d'utiliser la pression des membres les uns sur les autres pour assurer une
bonne utilisation et un bon remboursement du crédit. Le PADME exige
trois types de garanties financières : le fonds de garantie, le
dépôt de garantie et la garantie décès.
· le fonds de garantie
Tous les clients doivent constituer dans les caisses du
PADME, un fonds de garantie dont le montant doit être égal
à 10% du montant du crédit obtenu. Le montant total du fonds de
garantie est réparti sur les différents remboursements
programmés pour le client. Ce fonds de garantie est
récupéré par le client à la fin de ses
remboursements.
Lorsque le client devient défaillant (après
décision du comité de contentieux), ce fonds est utilisé
pour couvrir tout ou partie des impayés.
Sur demande du client, ce fonds peut être utilisé
pour solder son crédit.
· le dépôt de garantie
Pour renforcer certaines garanties réelles (terrain
non borné), il est demandé aux clients de faire un
dépôt de garantie dont le montant est égal à 10% du
crédit obtenu. Le dépôt de garantie est assimilé
à un fonds de garantie supplémentaire à la seule
différence qu'il doit être versé intégralement par
le client avant le déboursement de son crédit.
Ce fonds peut être retiré à tout moment par
le client dès que celui-ci apporte la preuve que la parcelle mise en
garantie a été entre temps lotie.
· la garantie décès
Pour se couvrir contre les risques d'insolvabilité
liés au décès des clients, le PADME a mis en place un
système de garantie décès.
Pour certains types de crédits, il peut être
demandé aux clients de souscrire à une assurance vie dans une
compagnie d'assurance.
· Les garanties réelles
Les garanties réelles (terrain, véhicule,
équipements, la fiche de paie du client ou de son avaliseur est aussi
acceptée comme garantie, etc.) permettent de réduire les risques
de défaillance des clients non pas parce qu'elles assurent un
recouvrement systématique des impayés, mais parce qu'elles
fournissent un moyen pour améliorer les remboursements lorsque les
emprunteurs sont en difficultés.
Ainsi les agents de crédits sont chargés de
l'évaluation des terrains, véhicule et équipement mis en
garantie alors qu'ils n'en sont pas experts, une évaluation qui tout
naturellement connaît des faiblesses. Des garanties qui d'ailleurs sont
très peu mobilisées en cas de défaillance. De 2002
à 2006, aucune garantie terrain n'a été mobilisée
alors qu'elle occupe une part prépondérante des garanties prises
au PADME ; cela explique pourquoi, seulement 2,4% des chargés de
prêts préfèrent le terrain et 59,5 %
préfèrent la fiche de paie comme garantie. Quant à leurs
chefs, aucun ne souhaite prendre la garantie terrain et 71,4%
préfèrent la fiche de paie qui est plus simple à
mobiliser. Au niveau des clients (il fallait s'y attendre), ils
déclarent à 75,9% préférer le terrain comme
garantie et estiment à 80,7% ne pas avoir de difficultés à
obtenir de garanties. Quoi de plus normal puisqu'ils sont soutenus par la
direction du PADME. Cet avis est exprimé par le responsable du service
crédit : « si le terrain est la seule garantie
possédée par les clients, il faut l'accepter ». De notre
point de vue, une garantie est prise soit parce qu'elle a une influence
positive sur le comportement de remboursement des
clients, soit parce qu'elle est susceptible d'être
mobilisée en cas d'impayé pour réduire le risque de perte.
Dans le cas contraire, professionnellement cette garantie ne mérite pas
d'être prise par l'IMF. La facilité avec laquelle les clients
fournissent la garantie est révélatrice du fait que soit ils sont
conscients que le terrain ne peut être mobilisé aisément
par le PADME ou que sa valeur est insignifiante par rapport au montant du
prêt, soit les documents fournis sont faux lorsque nous nous
référons aux nombreux problèmes de domaniaux au
Bénin.
Il faut remarquer que 68% des Chargés de prêts
affirment que la technique d'évaluation des garanties n'est pas une
bonne méthode et que seulement 32% estiment que c'est une méthode
acceptable. Il existe dans tout le réseau PADME, un risque qui est
lié aux garanties proposées par les clients. D'une façon
générale, les biens mis en garantie sont mal
appréciés. Les titres des propriétés sont parfois
délivrés sans la vérification de leur existence. Nous
avons la mise en chambre forte des garanties litigieuses et l'institution ne
dispose d'aucun moyen pour avoir des informations sur les sûretés
réelles. Des véhicules garantis sont mis au rebut alors que la
durée des crédits reste à courir.
L'institution n'arrive pas, compte tenu des lois et normes en
vigueur au Bénin, à réaliser les garanties
(sûretés réelles) mais réalisent les garanties
(salaires).
On déduit donc de ce qui précède que
l'hypothèse n°3 selon laquelle la mauvaise couverture des risques
de crédit est due à la mauvaise appréciation et
évaluation des garanties faite par les agents de PADME n'est pas
totalement vérifiée.
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