II- Identification des causes liées au risque de
crédit
Les conditions de préparation et de réalisation
des enquêtes de vérification des hypothèses et la
préparation des résultats étant déjà
précisées précédemment, il sera
procédé dans ce paragraphe à l'identification des causes
liées au risque de crédit.
A- Les causes liées au
bénéficiaire du crédit et à l'objet du contrat de
prêt
Le tableau 1 montre que 61% des dossiers étudiés
sont passés en contentieux à cause de la mauvaise gestion du
crédit par le client (pertes récurrentes et problèmes de
rentabilité) ; 24% sont passés en contentieux à cause du
surendettement du client (multiplication d'emprunt) et 15% à cause des
changements brusques d'activités et des tensions au sein de
l'entreprise.
Le tableau 5 montre que 14% des dossiers sont passés en
contentieux à causes des facteurs externes à l'entreprise du
client (escroquerie, perte de gros clients).
Le tableau 7 montre que 35% des dossiers étudiés
sont passés en contentieux pour des causes que PADME ne peut
prévoir (mauvaise foi du client, client «parti sans laisser
d'adresse»).
Après l'analyse du problème de la
dégradation vertigineuse du portefeuille de crédit, nous pouvons
identifier les causes susceptibles d'être à sa base. Il s'agit des
causes liées au phénomène des impayés. Ces causes
seront énumérées par ordre croissant d'importance. Il
s'agit de :
> Causes liées au bénéficiaire du
crédit ;
> Causes liées à l'objet du contrat de
prêt.
1- Causes liées au bénéficiaire
du crédit
Les causes des risques varient selon que le
bénéficiaire du crédit est un particulier ou une
entreprise.
a- Les causes liées au particulier
Le particulier bénéficiaire d'un crédit peut
exposer le banquier à trois ordres de risques :
? Le risque de décès ou d'incapacité de
travail
La maladie ou l'accident peut entraîner la mort ou
l'incapacité de travail d'un particulier ayant obtenu
antérieurement un crédit bancaire. Cette
situation qui met fin à son activité et compromet
l'exécution de son contrat avec le PADME.
Pour se prémunir contre ce risque, le Chargé de
prêts exige une assurance décès pour avoir la garantie du
remboursement. Il est également prudent de faire garantir le conjoint
qui se portera ainsi caution. Par ces procédés, les
conséquences de certaines situations successorales sont
évitées.
· Le risque de perte d'emploi
Ce risque souvent lié aux salariés survient en cas
de licenciement sans possibilité de retrouver immédiatement une
situation équivalente.
En raison de la nécessité pour beaucoup de pays
dont le Bénin, de recourir au Programme d'Ajustement Structurel, ce
risque connaît présentement un taux assez élevé.
Ainsi, la compression du personnel, la privatisation des entreprises jadis
publiques, la promotion de départs volontaires pour la retraite jette
quotidiennement dans les rues de nombreux salariés. C'est pourquoi pour
se mettre à l'abri de ce risque, le Chargé de prêts devra
tenir compte de la surface financière de l'employeur du crédit et
de ses charges salariales. Il tiendra également compte de la profession
du conjoint du bénéficiaire du crédit.
· Le risque d'endettement excessif
Ce risque découle de la mauvaise foi du
crédité qui, soit a détourné le crédit de
l'objet pour lequel il était accordé, soit a dissimulé ses
dettes antérieures déjà importantes. Pour se
prémunir contre cela, le Chargé de prêts exige souvent
l'attestation irrévocable du virement de l'échéance
mensuelle du crédit signée par l'employeur.
b- Les causes liées à
l'entreprise
Les risques liés à une entreprise dépendent
de trois éléments essentiels.
· Le secteur d'activité
Un mauvais choix de l'activité principale d'une
entreprise peut aboutir à des investissements sans lendemain. Il peut
s'agir d'un secteur trop concurrentiel ou qui présente très peu
d'intérêt. L'avenir d'une telle entreprise est menacé et
les chances de remboursement d'un crédit sont très faibles.
· La situation financière
Les crédits accordés à des entreprises
qui manquent de ressources, qui n'ont pas de fonds de roulement suffisant ou
qui se sont trop endettées comportent de grands risques.
Il en est de même pour celles qui ont trop investi dans
les immobilisations, celles dont les frais généraux sont
excessifs avec des prix de revient exagérés. Une production de
mauvaise qualité ou au contraire de bonne qualité mais trop
chère, des installations vétustes ou, à l'inverse trop
somptueuses doivent inspirer au Chargé de prêts une certaine
réticence.
· Les dirigeants
Les causes imputables aux dirigeants d'une entreprise
découlent soit de leur compétence technique, soit de leur
moralité.
Sur le plan technique, la mauvaise gestion peut
irrémédiablement conduire à la faillite même si les
circonstances sont provisoirement favorables. La capacité des dirigeants
ou autres personnes appelées à faire fonctionner le compte de
l'entreprise doit être vérifiée. Cela permet de s'assurer
que les associés ou les autres créanciers ne pourront pas
contester le droit de cette personne d'aliéner l'actif ou d'augmenter le
passif de la société.
Sur le plan moral, le Chargé de prêts doit se
méfier des entreprises qui présentent de fausses
déclarations fiscales pour lesquelles elles se verront infliger des
amendes susceptibles de les mettre en situation critique.
Le détournement des crédits bancaires à des
fins personnelles peut faire courir à l'entreprise et au PADME de grands
risques.
Notons que les causes des risques du crédit bancaire
proviennent en grande partie des co-contractants (PADME et ses clients) car
d'eux dépend la conclusion du contrat de crédit. Cependant, il y
a des causes qui sont liées aux crédits qui font l'objet du
contrat entre le PADME et son client.
2- Les causes liées au crédit objet du
contrat
Les crédits objets des contrats entre le PADME et le
client sont aussi dans leur essence, les causes des risques que court le
Chargé de prêts. Ces causes varient selon leur objet et leur
durée.
a- Les causes dues au motif du crédit
Le motif d'un crédit, c'est sa destination,
c'est-à-dire ce pourquoi il est sollicité. Traditionnellement, on
distingue les crédits commerciaux, les crédits à la
production, ceux destinés à l'investissement immobilier et ceux
qui sont relatifs à la consommation.
· · Les crédits
commerciaux
Les crédits commerciaux sont ceux destinés au
règlement des marchandises et à l'achat ou la vente à
l'étranger.
Destinés au règlement des marchandises, ces
crédits ne comportent pas en principe de risques car ils jouissent des
mêmes caractères d'auto sécurité et d'auto
liquidation que les crédits commerciaux en marchandise.
Lorsqu'ils sont destinés au financement du commerce
extérieur, les risques sont plus considérables. En plus des
risques du commerce interne qui sont : le défaut de payement, le
défaut de livraison à temps, la mauvaise livraison, et le non
règlement à l'échéance viennent s'ajouter ceux dus
à l'éloignement, aux différences de langues, de monnaie,
d'usages et des disparités législatives.
En fait, les risques que fait courir au Chargé de
prêts, le commerce extérieur sont énormes. Il peut s'agir
notamment :
· d'un risque économique à travers la
détérioration des prix par la hausse des prix
intérieurs.
· d'un risque monétaire : les taux de change
peuvent varier d'une époque à une autre ; c'est le risque de
change. Le régime monétaire peut aussi changer.
· d'un risque politique : le gouvernement d'un pays peut
demander la suspension de transfert de fonds vers un pays donné. Les
guerres ou grèves, la fermeture des frontières peuvent aussi
entraîner le même risque.
· d'un risque catastrophique : l'inondation ou la
sécheresse peuvent toujours survenir.
· d'un risque d'interruption du marché par
l'acheteur ou le vendeur étranger.
· d'un risque de non payement : ce risque est commun
à toutes les activités commerciales et par conséquent
à toutes sortes de crédits bancaires.
Dans le souci de réduire ces risques, il a
été instaurée par les banques classiques, une technique
pour introduire la confiance indispensable dans la réalisation d'une
opération commerciale entre deux parties situées souvent sur deux
territoires différents.
Cette technique est basée sur des documents et porte le
nom de "crédit documentaire".
Par référence au dictionnaire économique
et financier de Yves BERNARD et Jean-claude COLLI, " le crédit
documentaire est une technique de règlement d'une opération
commerciale dans le déroulement de laquelle l'intervention d'un banquier
mandataire de l'importateur et la transmission de
documents représentatifs de la propriété des
marchandises apportent la sécurité aux deux
parties".12
Grâce à ce crédit, les opérations
commerciales entre deux personnes situées sur des territoires
différents peuvent s'effectuer sans grande inquiétude.
Son mécanisme est très complexe et fait
intervenir quatre personnes : l'importateur, l'exportateur, le banquier de
l'importateur et celui de l'exportateur. Le banquier de l'importateur met
à la disposition de ce dernier sa notoriété pour servir de
garantie vis-à-vis de l'exportateur. Le banquier de l'exportateur
correspond avec celui de l'importateur et contribue pour le compte de son
client (l'exportateur) à la réalisation matérielle de
l'opération.
La sécurité des quatre parties est
assurée par la transmission à chaque stade de l'opération
de règlement, des documents représentatifs des marchandises qui
servent de garantie tant aux banquiers intermédiaires qu'à
l'acheteur.
Ces documents sont :
- Le connaissement, lorsqu'il s'agit de l'expédition
par mer ; il est établi en quatre exemplaires. Si l'expédition
est faite par voie ferroviaire, par voie de terre ou aérienne, il est
remplacé respectivement par le récépissé
d'expédition par voie ferroviaire, la lettre de voiture ou la lettre de
transport aérien ;
- La police d'assurance ;
- Les documents accessoires comme la facture commerciale, la
facture consulaire, le certificat d'origine, le certificat sanitaire pour les
animaux ou phytosanitaire pour les plantes.
12 Yves BERNARD, Jean-Claude COLLI et Dominique
LEWANDOWSKI Dictionnaire économique et financier - Edition 1975
Il faut noter que cette technique de crédit
documentaire qui protège contre les risques du financement du commerce
extérieur n'est pas utilisée au PADME qui est une institution de
microfinance.
· · Les crédits à la
production
Les crédits à la production sont ceux
accordés à l'industrie, à l'agriculture et à
l'activité artisanale.
Ils servent à financer soit l'acquisition des moyens de
production, soit le renouvellement de l'outillage ou le fonds de roulement.
Si le remboursement du crédit est conditionné
par la vente des produits découlant de l'activité exercée,
le non écoulement de ces produits sera le principal risque à
courir par le Chargé de prêts.
Lorsque ces crédits portent sur les activités
agricoles, en plus du risque de mévente, il y a les risques
catastrophiques. A cet égard, il peut s'agir de l'inondation ou de la
sécheresse.
Dans le domaine industriel, la pénurie des
matières premières, la révolution technique ou simplement
des modifications dans les processus de fabrication sont autant de raisons qui
peuvent porter un obstacle au bon déroulement de l'opération de
crédit initié dans ce cadre.
· · Les crédits à
l'investissement
Que ce soit la production ou la nécessité de
développer une activité, l'entreprise à besoin d'investir.
L'investissement c'est l'opération par laquelle on transforme
l'épargne en capital. Les crédits à l'investissement
permettent à l'entreprise de disposer des moyens nécessaires pour
démarrer ou développer son activité. Ce sont des
crédits de long terme destinés surtout à financer les
immobilisations.
En raison de la durée, ils présentent de grands
risques car l'entreprise financée évolue dans un environnement
incertain. Le risque d'inflation
inhérent aux crédits à long terme ne
pourra être évité. De même, la non réalisation
de l'objectif, l'obsolescence et la mauvaise gestion peuvent mettre
l'entreprise dans une situation difficile vis-à-vis de la banque.
· · Les crédits
immobiliers
Ce sont ceux destinés à faciliter la
construction d'habitation, l'acquisition ou la modernisation d'immeubles. Les
risques courus par le PADME sont ceux déjà exposés
ci-dessous à propos du crédit aux particuliers à savoir
(l'incapacité de travail, le décès, la perte d'emploi,
l'endettement excessif).
· · Les crédits à la
consommation
Ces crédits sont consentis aux ménages pour
leurs besoins courants et surtout pour l'acquisition de biens durables : comme
biens mobiles et équipements ménagers.
Les risques qu'ils font courir au Chargé de prêts
sont les mêmes que ceux causés par une personne physique
bénéficiaire d'un crédit bancaire. Les banques
béninoises n'accordent ces crédits qu'à leur personnel ou
à quelques fonctionnaires du secteur privé ou d'une
société d'Etat financièrement solide. Ce type de
crédit n'existe pas encore au PADME.
b- Les causes dues à la durée du
crédit
Selon la durée, les crédits bancaires sont
traditionnellement considérés en trois ordres.
- Les crédits à court terme dont la durée
n'excèdent pas 2 ans ;
- Les crédits à moyen terme dont la durée
est comprise entre 2 et 10 ans ; - Les crédits à long terme qui
s'étalent sur la période au delà de 10 ans.
Les risques occasionnés par un crédit de court
terme ne sont pas les
mêmes que ceux qui découlent d'un crédit
à moyen et long terme.
Les opérations de crédit de PADME portent
essentiellement sur le court terme car la durée du crédit
n'excède pas 18 mois quel que soit le type de crédit
octroyé. Il faut par conséquent bien saisir les risques relatifs
à chaque type de crédit accordé pour ce terme. Le risque
peut dégénérer soit en immobilisation à plus ou
moins longue échéance, soit en perte totale ou partielle. En plus
de cela, un autre risque général à ces types de
crédit est celui de mauvais payement ou le risque de non remboursement
à l'époque convenue.
Il faut remarquer que cette durée de remboursement (18
mois maximum) ne convient nullement au crédit à l'investissement
et au crédit immobilier. A ce niveau, il existe le risque d'un mauvais
remboursement et du détournement du crédit vers une
activité commerciale.
B- Les causes liées à des incidents et
où PADME a attendu le dernier moment pour réagir
Le tableau 4 montre que 5% des dossiers sont passés en
contentieux à cause des incidents de remboursement, des
échéanciers non respectés, la liquidation, le redressement
et le dépôt de bilan.
C- Les causes liées à la conjoncture
économique
Le tableau 6 montre que 28% des dossiers passés en
contentieux doivent leurs causes à la conjoncture économique
(dégradation trop rapide de l'activité du client ; importantes
diminutions des revenus du client, dépenses exceptionnelles, absence
d'activité sans ressources suffisantes).
L'activité économique béninoise tourne
autour de trois grands secteurs qui sont l'agriculture, l'industrie et le
commerce. Le niveau de développement de ces secteurs traduit
fidèlement le niveau du développement économique en
général. Nous pouvons ainsi remarquer que les deux
premières (l'agriculture et l'industrie) sont sous-exploitées ;
tout est encore à l'étape rudimentaire.
Seul le secteur commercial est le plus financé. Mais,
la balance pèse plus d'un côté que de l'autre
c'est-à-dire les importations dépassent largement les
exportations. Cela entraîne le déséquilibre de la balance
commerciale. Les termes de l'échange connaissent une
détérioration remarquable. A cela, il faut ajouter la conjoncture
toujours difficile et l'inflation qui connaît toujours une hausse en
raison de la propension de plus en plus grande à importer.
Dans une telle situation, les risques économiques des
crédits bancaires s'expliquent aisément. Pour convenablement les
éliminer ou les mesurer, le PADME doit constamment disposer d'un service
de gestion des risques capable de renseigner sur la consommation, les prix, les
branches d'activités spéculatives, les secteurs concurrentiels et
les productions.
L'évolution des importations et des exportations, les
prix de certains produits, le niveau des salaires, le problème
d'endettement, les débouchés, les marchés locaux et
régionaux seront précisés.
Pour obtenir ces informations dont la méconnaissance
amplifie les risques du crédit, ce service se fera aider par l'Institut
National de la Statistique et de l'Analyse Economique (INSAE).
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