L'ambition de cette partie est d'établir le besoin de
gouvernance du Système Financier International, qui doit être
approfondie et couplée à une transformation du rôle et du
statut des institutions financières.
La récurrence des crises financières, en des
temps et des espaces variés, oblige à dresser un double constat :
d'une part l'inefficacité partielle des instances chargées de la
stabilité financière, et d'autre part la difficulté
à comprendre et donc prévoir les crises financières. La
multitude d'acteurs et de pays impliqués dans le Système
Financier International établit, selon Aglietta & Berrebi (2007,
p.386), une « coresponsabilité » dans les failles de la
finance internationale, mais également du Système
Monétaire International (comme nous le verrons dans la Partie II). Il
n'en reste pas moins que les grandes institutions financières ont leur
part de responsabilité ; nous avons déjà observé
comment réformer les acteurs non-institutionnels, voyons maintenant
comment impulser un changement institutionnel. Nous verrons en premier lieu
pourquoi et comment réformer le FMI (1), puis la nécessité
de revoir le rôle des banques centrales (2).
L'efficacité du FMI (institution provenant de
Bretton-Woods) a été mise en doute avec les crises
financières à répétition des années 1980 et
1990. Le G7 (relayé depuis par le G20), s'est donc donné
l'objectif de construire une NAFI. Or selon Aglietta & Berrebi (2007), ce
projet s'est révélé être un échec, sur les
quatre points d'action collective du départ : « renforcer la
robustesse de l'endettement, munir les marchés des capitaux d'un
prêteur en dernier ressort international (PDRI), promouvoir des
dispositifs de résolution des crises de solvabilité, rendre plus
efficaces les actions spécifiques en faveur des pays les moins
avancés ».
Au delà de la remise en cause de l'action du FMI (dont
le bilan peut être positivé), c'est la gouvernance globale face au
Système Financier International qui est en jeu. En effet, la crise
relance le débat de la coopération internationale en vue de
trouver des solutions coordonnées. La question du leadership est
également cruciale : la fin du « semi étalon-dollar »
(le SMI actuel) suppose l'émergence d'une puissance monétaire, ou
d'un ensemble cohérent de puissances (polycentrisme monétaire) :
nous développerons cela dans la Partie II. L'échec de
l'adaptation du FMI aux changements de l'économie mondiale indique un
échec de facto de la construction d'une NAFI, et plus largement
une faille dans la gouvernance globale24. Dès lors, quelles
sont les pistes de réforme possibles pour le FMI ?
Le rôle principal du FMI est la prévention des
déséquilibres macroéconomiques. Pour cela, le FMI doit
entamer des transformations dans sa gouvernance. Selon Aglietta (2010, p. 79),
malgré le poids économique de la zone euro, celle-ci n'a pas de
représentant unique au FMI : chaque État membre de la zone parle
en son nom, de manière désordonnée. Ainsi, les
États européens disposent de droit de votes obsolètes et
l'Euro, lui, n'a pas de porte-parole. Il est impératif qu'un leadership
politique émerge de la zone euro, c'est même une « condition
sine qua non » de la nouvelle gouvernance du FMI, notamment pour
la collaboration avec la Banque Centrale Européenne (BCE), afin
d'assurer la stabilité financière internationale. Une fusion des
droits de vote européens en augmenterait la poids politique et
permettrait de dégager des quotas disponibles pour les pays
émergents. Il convient également d'abroger le droit de veto de
chaque membre. Selon l'auteur, « le Comité exécutif devrait
être transformé en un Conseil politique, comptant des
représentants mandatés par leur gouvernement ». Plus
anecdotique, le directeur du FMI devrait être choisi de manière
démocratique, et pas uniquement par les Etats-Unis et l'UE à tour
de rôle.
24 Pour approfondir le concept de NAFI, et plus
généralement l'Economie Politique Internationale (EPI), voir
Kébabdjian (2002) et Berthaud & Kébabdjian (2006).
Au delà des questions de représentation, les
actions du FMI doivent innover. Ainsi le rôle des Droits de Tirages
Spéciaux (DTS) doit être renforcé afin de remplir la
fonction de PDRI, et d'assurer la stabilité financière et
monétaire internationale. L' action du FMI est remise en cause,
notamment par les gouvernements : celle-ci serait l'« expression brutale
des intérêts financiers du monde occidental » (Mistral J.,
2009). Pour l'auteur, la cause serait le manque de mesure
discrétionnaire, car la majorité des actions sont
décidées unilatéralement : « one size fits
all ». Le FMI doit donc réformer ses analyses et adapter son
action et ses recommandations aux situations et aux pays en question. Par
ailleurs, une étude de l'organisation « Bretton Woods Project
»25 démontre également la nécessaire
réforme du FMI et préconise, dans une lettre ouverte, de «
mettre un terme aux inégalités dans le processus
décisionnel,[...] d'ouvrir le processus de sélection des
dirigeants, [...][et de] rendre les instances de sélection transparentes
». (BWP, 2006).
Le FMI, nous l'avons vu, doit subir des changements afin de
mener à bien ses missions principales (stabilité
financière, stabilité macroéconomique internationale),
mais également en vue de s'adapter aux changements structurels qui
pourront advenir dans le Système Monétaire et Financier
International. En dehors du FMI, il est envisageable de réformer le
cadre institutionnel, notamment par une révision du rôle des
banques centrales.