En sein du Système Financier International existe des
paradis fiscaux (tax haven) et des paradis financiers ou bancaires
(places financières offshore). Les premiers regroupent les
territoires où la fiscalité est très basse voire
inexistante comparativement aux pays développés. Les seconds sont
les pays où il y a un fort secret bancaire et une forte
libéralisation du secteur financier ; en fait, les territoires en
question présentent souvent les deux caractéristiques et sont
donc regroupés sous le terme de paradis fiscaux.
M. Aglietta (2009) précise qu'il y a trois
problématiques liées aux paradis fiscaux. La première est
l'évasion fiscale, puisque certaines institutions financières,
certaines banques et des grandes entreprises déclarent une partie de
leurs profits dans ces territoires. Cela représente donc un manque
à gagner pour les gouvernements d'origines (pays
développés), et indirectement une charge supplémentaire
pour le contribuable. La seconde est la question de la criminalité, du
blanchiment d'argent... Enfin, la troisième problématique est
celle de la régulation du Système Financier International :
comment inciter à la régulation et adopter des mesures
coercitives et coordonnées si il demeure des zones de non-droits
financières ? Ainsi, de nombreux hedge funds sont basés
dans des paradis fiscaux, et constituent donc, par leurs capacités de
spéculation et notamment de leviers considérables, une menace
pour la stabilité financière internationale.
La régulation des banques et des investisseurs
institutionnels, qui désormais agissent instantanément et sans
frontière monétaire (du fait de la libre circulation des
capitaux), passe par deux idées : d'une part la réglementation
des transactions des banques et la surveillance des joint-ventures et
autres montages financiers dans les paradis fiscaux ; d'autre part
l'institution d'un rapport de force entre les pays développés et
les paradis fiscaux, afin de supprimer ou limiter fortement leur
attrait23. Autrement dit, il faut axer la surveillance sur les
paradis fiscaux mais aussi sur leurs clients.
Ainsi, nous avons vu l'importance de réguler
l'activité des paradis fiscaux, qui constituent un « système
bancaire parallèle » (shadow banking system) dont
l'ampleur représente plus de la moitié des flux financiers
internationaux. Il importe alors d'interdire aux investisseurs institutionnels
et aux banques de transiter par ces places financières. Sinon, il risque
de perdurer une zone de non-droit parallèle au Système Financier
International, ce qui rendrait caduque toute
23 Les paradis fiscaux ont, selon Aglietta, tout
intérêt à coopérer sous peine de disparaître,
puisque les services financiers sont généralement leurs seules
ressources économiques.
tentative de régulation.
L'ambition de cette partie I a été de montrer
quelles sont les conditions nécessaires à la stabilité du
Système Financier International. Cela impose une redéfinition de
la finance internationale, et notamment la réaffirmation de son
rôle premier, l'allocation des ressources. Nous avons vu que les produits
dérivés peuvent être porteurs de risques, et que la
titrisation doit être encadrée. Les principaux acteurs du risque
systémique doivent être règlementés, et en
particulier les hedge funds, dans le but de laisser la place aux
investisseurs de long terme, dont nous avons vu le caractère stable et
long-termiste. Enfin, une réforme complète ne pourra se passer
d'un questionnement sur la libre-circulation des capitaux ; par ailleurs, les
paradis fiscaux représentent, pour nombre d'auteurs, des failles dans le
circuit financier qu'il faut combler sous peine de rendre inutile toute
tentative de réforme.
Il convient maintenant de montrer que la réforme du
Système Financier International ne peut aboutir que si les principales
économies se dotent d'un cadre institutionnel efficace. Cela passe par
un approfondissement de la construction d'une Nouvelle Architecture
Financière Internationale (NAFI) et par une refonte du fonctionnement
des principales institutions financières.