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Les pistes de réforme du système monétaire et financier international depuis la crise

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par Maxime Gasser
Université Pierre Mendès-France Grenoble - Master 1 2010
  

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II. LA REFONTE DU SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL

Le Système Monétaire International (SMI) actuel se caractérise par des déséquilibres, et présente une forte hétérogénéité des positions des différents Etats et des différentes monnaies. Les grandes institutions internationales comme le FMI ont en partie failli a leur objectif de résorption des déséquilibres macroéconomiques. Et l'échec du compromis de Bretton-Woods, officiellement en 1976 avec les accords de la Jamaïque, a instauré un SMI avec des changes flottants ; une des implications de cela est une distorsion entre les variables macroéconomiques (balance des paiements) et les variables monétaires. Or la crise a rappelé le besoin pressant d'avoir un SMI stable, condition nécessaire à une réforme du Système Financier International. En effet, les déséquilibres financiers qui ont conduit à la dernière crise ne sont bien souvent que le reflet de déséquilibres macroéconomiques et monétaires. Afin de saisir les contours du SMI et ses problèmes, il convient de faire un bref rappel.

Qu'est-ce que le SMI ?

Le SMI est l'organisation, diffuse ou institutionnalisée, des flux monétaires et des taux de change, permettant l'échange de biens et de services entre des pays à devises différentes. Il a évolué au fil du temps, changeant de méthode de compensation : étalon-or, étalon-dollar-or, changes flottants... Ainsi, le SMI permet le financement des échanges internationaux mais également l'ajustement des balances des paiements nationales. Sans revenir sur l'histoire du SMI, les principales périodes à connaitre sont :

Le Système de Bretton-Woods (1944-1976), durant lequel les changes sont fixes, chaque monnaie étant convertible en dollar à un certain taux fixe mais ajustable, le dollar étant luimême convertible en or (une once d'or = 35 dollars). Bien qu'ayant garanti une relative stabilité monétaire internationale, la confiance dans le dollar est capitale or celle-ci fait défaut à partir des années 1960 lorsque la balance commerciale américaine devient déficitaire et que le monde est « inondé » de dollars.

Le Système actuel ou Nouveau Bretton-Woods (1976-...), qui peut être qualifié de «semiétalon dollar» (Aglietta, 2010, p. 6) est en fait un non-système, car il n'est pas

institutionnalisé en tant que tel : « quelques monnaies, appartenant aux grand pays développés, sont libres de fluctuer vis-à-vis du dollar. Toutefois, beaucoup plus de monnaies, appartenant à des pays émergents, sont liées à la devise américaine par des régimes de change administré qui vont des changes fixes au flottement géré ». La convertibilité n'est pas assuré pour toutes les monnaies.

Quels sont les problèmes du SMI actuel ?

Le SMI est caractérisé par des déséquilibres macroéconomiques, et est parfois considéré comme un «Bretton-Woods II» (Dooley, Folkerts-Landau & Garber, 2003) . Il désigne la façon dont s'articulent les échanges économiques et la monnaie dans un contexte de globalisation, y compris financière. Les Etats-Unis et le dollar sont au coeur de ce système. Il y a des déséquilibres dans l'allocation des capitaux, et les transferts d'épargne ne suivent pas forcément une logique économique. Ainsi le dollar est la principale monnaie internationale. Et cette faculté permet aux Etats-Unis de financer un fort endettement, notamment en émettant des dollars sans limite (ils financent ainsi de la dette par de la dette). Par ailleurs les Etat-Unis entretiennent une relation d'interdépendance forte avec la Chine, puisque celle-ci, par l'accumulation de réserves en dollar, finance le déficit extérieur américain. Par ailleurs, la périphérie des Etats-Unis (l'Europe et le Japon auparavant, les pays asiatiques aujourd'hui) maintient des taux de change sous-évalués, ce qui favorise les exportations au détriment de la demande domestique.

Selon Aglietta (2010), il y a deux principaux déséquilibres : d'une part le déséquilibre épargne / investissement (excédent d'épargne dans les pays émergents, qui finance les déficits courants dans les PDEM, surtout les Etats-Unis) et «l'explosion de la liquidité [...] des années 2000», notamment car les marchés financiers ne régulent pas les excès d'épargne. En conséquence, le SMI est instable : selon Bénassy-Quéré & Pisani-Ferry (2009), la volatilité des changes est trop élevée, il y a une incohérence entre l'économie réelle et l'économie monétaire, ce qui livre de « mauvaises incitations ». Les Etats-Unis sont ainsi incités à l'endettement et à une faible discipline budgétaire, et le reste du monde est incité à maintenir l'ancrage sur le dollar et à accumuler des réserves en dollar : la Chine en est la principale détentrice, au détriment d'investissements domestiques.

L'ensemble de ces déséquilibres illustrent la pertinence d'une réforme du SMI. Le moment est opportun, puisque la dernière crise peut inciter à une réforme de la finance internationale. Il est donc crucial que le législateur prenne conscience que l'économie globalisée ne sera pérenne que si

les déséquilibres monétaires, et mêmes macroéconomiques, sont atténués au maximum. Non pas par simple phobie de l'inégalité, mais parce que les sphères financières et monétaires sont intimement liées, et que les failles de l'une affecte l'autre, augmentant le risque systémique. Mais le SMI semble avoir une telle inertie et de telles implications sur les divers attributs des économies nationales que la réforme est un chantier complexe. Voyons maintenant quelles peuvent-être les réformes envisageables afin d'entamer une refonte du SMI.

Il convient de présenter quelles sont les alternatives possibles au dollar dans son statut de monnaie internationale, et de montrer ainsi quelles peuvent être les réformes possibles pour construire un SMI davantage stable. Nous verrons d'abord les problèmes liés au dollar et la possibilité d'une monnaie supranationale, notamment l'instrument monétaire des DTS (I). Ensuite, nous présenterons l'alternative du polycentrisme monétaire (II) ; enfin, nous mettrons en avant la réforme du SMI par les initiatives régionales (Chiang Mai, Plan SUCRE) et par une approche institutionnelle des déséquilibres (III).

1. Remplacer le dollar : la création d'une monnaie supranationale

«Dollar : fin de règne ?», c'est ainsi que titrait la Revue d'Economie Financière en 2009 (REF, 2009). Le système de semi-étalon dollar arriverait-il à bout de souffle ? Il semble qu'en réalité la monnaie américaine soit loin de vivre son crépuscule. Le non-système qui prévaut actuellement est centré sur le dollar, qui est la principale monnaie de réserve et d'échange. Selon Cartapanis (2009) une monnaie, pour prétendre au statut de monnaie internationale, doit satisfaire certaines conditions, et notamment avoir une place importante (en volume et en valeur) comme unité de compte, moyen d'échange et réserve de valeur27. Le dollar satisfait l'ensemble des conditions, puisqu'il représente «près de 65 % des réserves en devises, contre 25 % pour l'euro, et plus de 60 % au titre de monnaie d'ancrage ; il intervient dans 86 % des transactions sur le marché des changes ; il est utilisé au-delà de 50 % pour la facturation du commerce international. S'agissant de la détention d'espèces monétaires par les non-résidents, 60 % des billets verts en circulation se trouvent hors des Etats-Unis, contre seulement 10 à 20 % pour l'euro» (Cartapanis, 2009). Ainsi, malgré les instabilités que cela implique, le SMI perdure dans un statu quo économique et politique centré sur le dollar. Et l'introduction d'une monnaie supranationale comme réforme du SMI doit obéir à certains impératifs. Nous verrons dans un premier temps le statut du dollar et les ajustement

27 Pour en savoir plus sur le statut de monnaie internationale, voir Krugman (1984).

que cela implique (1), puis nous avancerons l'idée de la monnaie supranationale (2). Ensuite, nous argumenterons l'intérêt des DTS et les ambitions possibles (3), et enfin les conditions de la transition vers un nouveau système (4).

1. Les ajustements et déséquilibres liés au statut du dollar

Le problème fondamental du SMI actuel est qu'une monnaie nationale (dollar) est utilisée comme monnaie internationale, dans les échanges et comme devise de réserve. Selon les points de vue, le semi-étalon dollar peut refléter soit le sacrifice des Etats-Unis afin de fournir la devise-clé ou bien l'extension au domaine monétaire de la suprématie économique et politique des Etats-Unis. De fait, les relations sont complexes et ambivalentes : le déficit américain est certes financé par le «privilège exorbitant» du dollar, mais les Etats-Unis remplissent une fonction de « pays déficitaire en dernier ressort », car la consommation des ménages américains représente une forte part de la consommation mondiale (Rapport Stiglitz (2009), p.93). Le déficit courant des Etats-Unis « sert » donc l'économie mondiale. Mais le problème est moins le fait que le dollar reflète les intérêts américains, que le statut de devise-clé qu'il revêt et qui implique des déséquilibres et donc des ajustements, que les Etats-Unis n'ont pas à porter : « The dollar is our currency but your problem » (le dollar, c'est notre monnaie, mais votre problème)28. Comparativement à Bretton-Woods, le semiétalon dollar actuel n'impose pas de convertibilité-or au dollar, il n'y a donc pas de mécanisme contraignant qui puisse limiter l'émission. Ainsi, certaines décisions sont prises de manière à favoriser « l'unilatéralisme américain » (Aglietta & Berrebi, 2007, p. 365).

Le statut de devise-clé du dollar impose donc une réforme du SMI, mais qui doit être prudente. Les Etats-Unis, par leur fonction de pays déficitaire, ont un rôle crucial dans la croissance mondiale. Si le dollar perd son statut, et que les Etats-Unis tentent de dégager un surplus commercial, l'ajustement se fera par une baisse du revenu mondial (handicapé par le manque de consommation américaine)29. Et si les Etats-Unis décident de politiques expansionnistes, cela induira des ajustements des balances courantes d'autres pays, et se traduira par une hausse de l'inflation. Dans tous les cas, un abandon du dollar comme devise-clé ou un ajustement des politiques macroéconomiques américaines se traduiront par un accroissement des déséquilibres globaux (Rapport Stiglitz (2009), p. 94). Ce qui ne joue pas dans le sens d'une stabilisation du SMI.

28 J. Connally, secrétaire au Trésor de R. Nixon, 1971-72.

29 Par définition, pour l'économie mondiale, le commerce international est nécessairement équilibré (équilibre comptable) : la somme des balances des paiements des pays déficitaires est égale à la somme des balances des paiements des pays excédentaires.

La question des réserves en devises est également cruciale. Les pays asiatiques ont répondu à la récurrence de crises financières, et notamment la crise asiatique de 1997-98, par des politiques de constitutions de réserves monétaires. Or ces réserves sont principalement en dollar, le Japon et la Chine en étant les principaux détenteurs, pour plusieurs centaines de milliers de dollar. Selon Mateos y Lago, Duttagupta & Goyal (2009, p. 6), cette tendance à l'« auto-assurance », qui prévaut chez la plupart des pays reflète en théorie le dilemme de Triffin, mais revisité : ainsi la recherche de la sécurité (maintient d'un taux de change favorable et d'une capacité de financement adéquate) incite les différentes économies à demander toujours plus de dollar, et les Etats-Unis, afin de satisfaire ce besoin, sont contraint à un endettement élevé. Par enchainement, cela induit une défiance vis-à-vis du dollar et de la capacité des Etats-Unis à honorer leurs endettements. Le paradoxe est que le besoin pour l'économie mondiale d'avoir une devise « fiable » conduit finalement à une perte de confiance dans cette monnaie. En résumé, la constitution de réserves en devise peut obéir à deux logiques :

Une logique de réserves de change : maintenir un taux de change stable en augmentant la base monétaire (lorsque la Chine achète des dollars elle vend des yuan et augmente donc la masse monétaire chinoise, ce qui entretient la confiance envers le yuan et envers l'économie chinoise) ; par la suite, l'achat massif de dollar est une manière de s'assurer de la valeur des réserves en dollar.

Une logique commerciale : des réserves en dollar garantissent une monnaie nationale structurellement sous-évalué, ce qui favorise les économies asiatiques fortement exportatrices.

Ainsi, la constitution de réserves en devises par les pays émergents asiatiques est une sorte de prêt aux pays développés, à des taux d'intérêts faibles (Rapport Stiglitz (2009), p. 96).

L'analyse du semi-étalon dollar peut être schématisée, selon P. Berthaud, qui établit que les déséquilibres ne sont pas uniquement dus au dollar, mais à une coresponsabilité et au système luimême. Le SMI n'est donc jamais parvenu à se défaire d'un triangle d'incompatibilité :

Liquidité internationale

Devise-clé 19è siècle : déflation Equilibre

courant

D'après : Berthaud, 2008

Ce trilemme, qui rappel le triangle d'incompatibilité de Mundell, montre qu'il n'est pas possible de satisfaire les trois besoins de l'économie mondiale en même temps : « le monde doit en sacrifier totalement ou partiellement une ».

Pour conclure, il apparaît que le dollar a un statut contestable mais donne le ton au SMI et influe l'ensemble des conditions économiques mondiales. Les réserves en devises, les échanges commerciaux ou encore la position commerciale des Etats-Unis dépendent des fluctuations du dollar. Ainsi la monnaie internationale ne peut être régulée et réformée sans une extrême prudence. Et quand bien même elle subirait des évolutions, celles-ci seraient le reflet de rapports de force économiques mais surtout politiques. La logique d'une monnaie supranationale consiste donc en une action sur l'offre monétaire (substituer au dollar une monnaie supranationale), mais également sur la demande (diminuer les réserves en devises). Nous verrons ces deux aspects successivement.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo