4.2.2. Le multipilotage du
lotissement
Pour sa réussite, le lotissement doit reposer
également sur un consensus local entre la population, les services
publics, les autorités locales et les organisations
socio-économiques diverses. Ce processus est une conséquence de
la participation qui doit provenir du dialogue entre les acteurs.
En mettant aux prises divers acteurs et compte tenu de
l'influence du lotissement sur les autres secteurs, le dialogue sur le
lotissement concerne aussi les autres domaines de la vie de la population des
quartiers à lotir.
En effet, comme le note LAURINI CAMPS, op cit. p 66), l'on se
base sur la multiplicité d'acteurs qui agissent dans la ville. Le
problème de lotissement doit concerner non seulement les services
fonciers, mais aussi les autres acteurs ou intervenants qui jouent un
rôle différent de celui de ces services.
Et, en fonction de cette approche de multipilotage, il faut,
pour la ville de Goma, que la population locale autochtone des quartiers en
lotissement et les organisations locales, provinciales, nationales et
internationales ainsi que les églises soient consultées et
impliquées pour humaniser la question urbaine. Comme celle-ci est
complexe et ne se limite pas seulement à l'espace mais amène avec
elle des problèmes sociaux, économiques, politiques... ; les
autorités politico-administratives aux divers échelons de la
ville, doivent aussi collaborer avec les services fonciers pour un lotissement
participatif et multipiloté.
Succinctement, nous reprenons, dans le schéma suivant
l'articulation entre acteurs du lotissement participatif et la
définition de leurs rôles.
Fig. 5; Le multipilotage du lotissement et rôles des
acteurs
AUTORITES POLITICO-ADMINISTRAVIE
POPULATION 3
DIALOGUE
ORGANISATIONS DIVERSES 4
COMITE LOCAL
Autogestion du lotissement
Participer au lotissement
SERVICES FNCIERES ET DE L'URBANISME 2
Exprimer les problèmes
Proposer les solutions
Diffuser les solutions
Les autorités politico-administratives ( 1) sont les
déclencheurs du processus et doivent être en relation avec tous
les autres acteurs à toutes les phases du lotissement.
Les services fonciers et de l'urbanisation (2),
considérés comme techniques en la matière, sont au niveau
de la mise en application des mesures arrêtées, et doivent
être actifs dans le dialogue avec les deux groupes d'acteurs. Les
autorités des quartiers sont aussi dans ces deux catégories.
Ces deux catégories d'acteurs (autorités et
services) constituent « l'acteur dominant » et ont comme
tâches:
· la prise de décision pour le lotissement,
après consultation de tous les acteurs fonciers;
· le diagnostic, l'étude du site et les
concertations; .la planification des activités;
· le processus d'arbitrage et de résolution des
conflits;
· la mise en application des solutions/décisions
arrêtées;
· le respect de la loi et du consensus.
La population (3), est plus concernée par le processus,
doit se structurer, structurer ou hiérarchiser ses problèmes,
proposer des solutions en référence à la loi et participer
à l'exécution des travaux collectifs pour faire valoir ses
droits. Elle peut ainsi constituer un comité foncier local
représentatif qui peut accomplir certains actes ne nécessitant
pas toute la population (négociations...).
Les organisations diverses ( 4), considérées
comme piste de régulation ou de soulagement, devront intervenir à
tous les niveaux par :
- le renforcement des capacités des acteurs (population
et agents des services foncier et urbanisme);
- la sensibilisation et l'encadrement de la population ( dans
tous les domaines )
- le financement et la promotion des activités
productives locales
- la diffusion des décisions prises et la
défense des intérêts de la population.
Le processus doit aboutir à assurer à la
population une auto-gestion du lotissement. II ne s'agit pas de laisser cette
question aux mains de la population, mais de faciliter le déroulement du
lotissement avec moins de conséquences et heurts. Pour atteindre cette
autogestion, on part de l'expression libre des problèmes et des besoins
et de la proposition des solutions possibles et souhaitées pour enfin
arriver à l'adoption et à la vulgarisation des solutions
convenables.
La validité de cette action des divers acteurs tient,
d'une part, à ce qu'elle veut établir des relations de
collaborations qui ont fait défaut dans la pratique antérieure (
Cfr point 2.3) et; d'autre part, au fait qu'elle place au centre du lotissement
l'homme démuni qui est considéré avec tous ses besoins en
rapport directe avec l'habitat. II s'agit, pour cette stratégie, de
partager les responsabilités et d'impliquer tous ceux qui interviennent
dans la vie urbaine. C'est l'acceptation du système interne et externe
du foncier où l'on reconnaît une structure locale d'arbitrage qui
est sans pouvoir foncier et l'Etat comme agent d'arbitrage agissant avec les
autres acteurs.
Ces deux stratégies (participation et multipilotage)
s'insèrent dans un processus opérationnel que nous
définissons dans les lignes suivantes.
4.2.3. Processus concerté du lotissement
Le processus concerté s'inscrit dans le cadre pratique
dont les étapes en articulation sont les suivantes :
- la décision de l'autorité qui, partant des
besoins de la ville, doit décider du site à lotir et
d'étendre la ville. Cette autorité doit préciser sa
décision, donner au comité mixte le pouvoir d'entamer la
procédure et mobiliser tout ce dont elle dispose pour amorcer l'action.
Par autorité de décision, nous nous référons au
schéma légal de lotissement
- Gouverneur-maires-services fonciers et de l'urbanisme. Cette
étape, pour les quartiers en lotissement doit consister à
localiser un autre terrain non loti pour l'installation des populations qui ont
perdu leurs terrains et donc procéder à un nouveau lotissement
« spécial ».
- la mobilisation de la population qui doit être
lancée par l'autorité (mobilisation générale au
niveau des quartiers) et poursuivie par les services techniques et leaders des
organisations diverses.
Cette action de sensibilisation - conscientisation doit
aboutir à la constitution de l'équipe locale de discussion et
à la définition du calendrier des activités. Là,
nous adhérons au souci de E. LEBRIS (AMPS, op. cit., p.170) du «
développement ascendant », de la population aux décideurs.
Cette étape se retrouve dans les quartiers en
lotissement et dans ceux devant subir le lotissement spécial.
- la concertation des acteurs qui doivent analyser les
demandes des populations et reformuler les solutions proposées en
comparaison avec les propositions des autres parties pour enfin aboutir
à un consensus.
- le renforcement des capacités de tous les acteurs du
foncier pour mener à bien l'action et en comprendre les pri,ncipes
directeurs basés sur la participation, le multipilotage et la
multidimensionnalité du foncier. Cette action du renforçage doit
être assurée par des spécialistes des divers domaines et
oeuvrant dans divers secteurs de la vie.
- la conception du plan de lotissement par les services
techniques en collaboration avec les leaders représentant les groupes.
- le recensement des ménages des quartiers
concernés qui ont un droit coutumier sur un lopin de terre.
L'activité devant être exécutée par le comité
mixte ou par les recenseurs indépendants. Cette étape vise
à avantager les populations autochtones des quartiers d'accueil
spécial et de ne pas exagérer avec le nombre des
bénéficiaires des lots provenant des quartiers en lotissement
tout en tenant compte de la valeur culturelle de l'espace.
- la régularisation juridique des lots; pour faciliter
à la population l'accès à ces lots, la
régularisation doit être collective et le paiement individuel
réduit car il n'y a pas d'indemnisation.
- le lotissement de l'espace; au cours de cette étape,
on veillera que les terrains soient accessibles aux allogènes
après que les autochtones des quartiers soient servis. La vente des lots
doit alors respecter la loi foncière en vigueur et être suivie par
le comité mixte. Les frais versés par les demandeurs
allogènes devront constituer un fonds de lotissement qui va supporter la
mise en application du processus et contribuer au financement des
infrastructures de base.
- le suivi doit être effectué pour que ce
processus aboutisse comme prévu ou alors pour qu'il puisse être
modifié à temps opportun.
Bien qu'il soit exigeant matériellement,
financièrement et temporellement, ce processus est réaliste en
tenant compte de tous les acteurs pour non seulement chercher à soulager
et prévenir les conséquences du lotissement, mais aussi du fait
qu'il assure une sécurité à tous les acteurs qui
s'identifient au lotissement.
Ce processus s'inscrit dans le court terme. Il doit donc
être accompagné des actions à moyen et à long terme.
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