Conclusion
L'idée même du périurbain résidait
dans l'accès, pour le plus grand nombre, d'une propriété
plus grande dans un cadre de vie plus vert. Le développement de
l'automobile et des réseaux routiers dans les années 1970 a
contribué à cet essor. Désormais, il devenait facile pour
tous les ménages de construire une vraie vie de famille à
distance des centres-villes, à plusieurs dizaines de kilomètres
de leur travail ou même de leurs lieux d'achats.
Cet idéal n'a duré qu'un temps, et la
montée du chômage, la précarisation des emplois et la
hausse du coût des frais liés à l'automobile ont
contribué à rendre ce modèle instable. Les ménages,
et particulièrement les plus modestes, restent dans le
périurbain, où les coûts, par rapport à des
centres-villes de plus en plus gentrifiés, sont abordables pour eux. Un
choix contraint en somme.
L'automobile, l'outil qui fut à l'origine du
développement du périurbain, devient alors une contrainte, et
condamnent même certains ménages à une dépendance
vis-à-vis de ce mode de déplacement. La nécessité
de posséder une voiture est évidente, au point même que sa
non possession peut être un facteur d'exclusion pour les plus modestes,
qui ne peuvent faire face aux contraintes d'accès aux ressources, qui
leur sont nécessaires. La question de la dépendance automobile
des ménages périurbains se pose alors, devant la position
hégémonique de ce mode de déplacement. Il est même
possible qu'elle puisse constituer un facteur expliquant les mouvements
résidentiels des ménages périurbains, surtout pour les
plus modestes, comme c'est le cas dans la région parisienne.
Pour répondre à cette question, nous nous
sommes basé sur l'étude de la dépendance automobile
liée à l'accès des ménages aux services, et ce,
pour trois aires urbaines de tailles successivement inférieures: Lyon,
Toulouse et Rennes.
Ainsi, et dans le but de définir un contexte spatial,
nous avons attribué à chacune des communes de ces aires urbaines
une valeur de dépendance urbaine, selon la présence de commerces
et de services, allant de la très forte dépendance des
ménages à la faible dépendance. Le constat est alors celui
d'une majorité de communes dont les habitants ont à faire face
à une dépendance automobile forte voire très forte. Mais
cette part de population est minoritaire, la majeure partie habitant dans des
communes moyennement ou faiblement dépendantes.
La dépendance automobile est donc bien présente
dans ces aires urbaines, et va constituer un facteur expliquant les
déménagements de certains ménages. En effet, au même
titre que les critères liés aux caractéristiques des
ménages, comme l'âge du chef ou le nombre de personnes, la
dépendance automobile de la commune d'origine a un impact non
négligeable, puisqu'on cherche effectivement à échapper
à ce phénomène. Cette tendance diffère toutefois
dans son intensité selon les villes, et surtout selon le statut du
ménage, qu'il soit modeste ou aisé.
Il est donc logique les destinations des
déménagements diffèrent également selon les
même critères. De manière générale, plus
l'aire urbaine est petite, plus la part des ménages rejoignant le centre
ville sera élevée. A l'inverse, plus l'aire urbaine est petite,
plus la part des ménages rejoignant une commune moins dépendante
dans le périurbain sera faible. Mais les profils des migrants sont eux
une spécificité de chacune des aires urbaines. A Lyon, ce sont
les ménages modestes qui vont principalement chercher à
échapper à la dépendance automobile, tandis qu'à
Rennes, ce sont les ménages aisés.
La problématique, qui avançait le fait que ce
sont les ménages modestes qui cherchent à échapper
à la dépendance automobile, à l'image de la région
parisienne, ne se vérifie donc que pour le cas de la région
lyonnaise. Cette tendance semble donc s'appliquer uniquement pour les
très grandes aires urbaines françaises, en raison probablement
d'un coût foncier plus important, qui contraint les ménages
à réduire les frais liés à l'automobile, rendant
ainsi le déménagement vers une commune moins dépendante
vital. Il serait intéressant de confronter cette hypothèse avec
une étude sur les coûts et les dépenses des
périurbains dans les communes concernées, cette conclusion ne
reposant de fait que sur le critère de la dépendance automobile
liée à l'accès des ménages aux services.
De même, dans les cas des aires urbaines secondaires,
comme Rennes, il serait intéressant d'expliquer les raisons qui poussent
cette fois-ci les ménages aisés à déménager
vers des communes moins dépendantes, à l'inverse de Lyon, alors
que les ménages modestes n'hésitent pas à rejoindre des
communes plus dépendantes.
Le sujet de la dépendance automobile et de ses
conséquences sur les mouvements résidentiels des ménages
périurbains mérite donc d'être encore exploré,
d'autant qu'il tend à prendre de l'ampleur à l'heure où
l'on parle de crise économique, de baisse du pouvoir d'achat et
d'augmentation du prix du pétrole. Un contexte qui n'a pas pas fini de
fragiliser certains ménages ...
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