1 De l'idée de périurbain
à la dépendance automobile
1.1 Le périurbain, territoire des modestes ?
1.1.1 Définitions du
périurbain
Bien qu'il constitue aujourd'hui une réalité
indéniable, le concept du périurbain est relativement
récent, puisque développé en 1976 dans l'ouvrage de Bauer
et Roux, La rurbanisation ou la ville éparpillée.
Reprenant le phénomène américain, décrit par le
terme rurban (contraction entre rural et urbain), les auteurs mettent
alors un nom sur cette tendance à l'entrée des villes dans les
campagnes. Depuis, d'autres auteurs se sont intéressés au
périubain, permettant ainsi de mieux définir ce territoire. Nous
retiendrons notamment la définition donnée par Roger Brunet, dans
son ouvrage les mots de la géographie:
« Tout ce qui est autour de la ville, et en
réalité fait partie de la ville par les activités et les
modes de vie des habitants. Comprend tout l'espace d'urbanisation nouvelle par
lotissements et constructions individuelles, même au prix du mitage et,
selon les auteurs, avec ou sans les plus anciennes banlieues
intermédiaires.
En fait, et sans finasserie excessive, le terme est
souvent synonyme de banlieue. On peut le considérer comme
l'équivalent à l'espace majeur des navettes, l'emploi de ses
habitants étant essentiellement fourni par l'agglomération
urbaine. C'est l'espace périurbain qui reçoit l'essentiel de la
croissance démographique française depuis plusieurs
décennies. Il s'étend à 60 ou 70km au-delà de
l'agglomération centrale dans le cas de Paris, et à 15 ou 20km,
voire plus, pour Toulouse et Montpellier. »
Dans cette définition, comme dans d'autres, on
retrouve l'idée principale de travailleurs pendulaires, c'est à
dire des habitants de ces espaces qui se rendent quotidiennement à leur
travail dans le pôle urbain. La définition de l'INSEE repose
d'ailleurs sur cette caractéristique: est considéré comme
périurbain un territoire dont au moins 40% de sa population active
résidente travaille dans une autre commune de l'aire urbaine, sous
réserve de contiguïté.
A la notion de périurbain, on peut joindre celle,
crée par l'INSEE, de bassin de vie. Dans sa plus simple
définition, il s'agit du « plus petit territoire sur
lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements
et à l'emploi ». Autour des grandes
agglomérations, c'est donc l'espace qui est dépendant des
services et des emplois localisés dans le pôle urbain.
1.1.2 La maison individuelle pour
tous
A l'origine de son développement, le périurbain
reposait sur une idée très simple, mais presque utopique, offrir
la possibilité au plus grand nombre, et donc aux classes populaires, de
s'offrir un cadre de vie plus vert, loin de la ville, avec l'acquisition d'une
maison individuelle. A la fin des années 1960, le contexte est en effet
défavorables aux politiques de constructions, basées
essentiellement sur les grands ensembles autour des villes, et le gouvernement
doit faire face à une véritable crise du logement. Face à
ce problème, le ministre de l'Equipement et du Logement de
l'époque, Albin Chalandon, inaugure une politique favorable à la
maison individuelle. Il faut dit-il : « rendre la maison accessible
à tous les Français de façon à éviter la
ségrégation entre les gens riches dans les villas et les ouvriers
dans les collectifs HLM, [...], proposer aux Français une nouvelle
façon de vivre en exploitant pour cela dans le cadre d'un urbanisme
végétal les sites les plus agréables » (Rouge,
2005). On peut y voir là l'un des actes fondateurs du
périurbain.
Ce territoire a pu ainsi voir le jour à la faveur de
l'avènement et de la démocratisation de l'automobile, qui permet
alors de s'émanciper des transports en commun, favorisant ainsi
l'émergence de vastes couronnes en marge du coeur historique des villes
et de leurs banlieues denses (Noyé, 2008). Les ménages profitent
ainsi d'un cadre de vie plus agréable, dans un logement plus grand qu'en
centre ville, grâce à un moyen de déplacement
individualisé encore très bon marché. Bien que leur emploi
soit désormais situé à plusieurs dizaines de
kilomètres, le périurbain apparaît alors comme un
idéal pour les foyers, même (voire surtout) les modestes.
D'ailleurs, la période de plein emploi, les « Trente
Glorieuses », qui favorise l'accès à un travail stable
pour tous, assurait également un pouvoir d'achat fort, et finissait par
identifier les périurbains à ce mode de vie dominant (Rouge
2005). On note alors l'émergence d'une vaste classe moyenne,
caractérisée par ces propriétaires de maisons individuelle
en périphérie.
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