II- MATERIEL ET METHODES
1- Stratégie d'échantillonnage
Au total, 128 dromadaires ont été
échantillonnés de diverses localités dans le Sud tunisien
de chaque région (Kebili, Médenine et Tataouine), pendant les
mois de mars et avril 2006. Les populations, issues de ces trois régions
prédéfinies, ont été séparées selon
leur distribution géographique et la dénomination
sociogéographique des types génétiques. Au niveau de
chaque région, les prélèvements ont été pris
au hasard et les animaux échantillonnés ne sont pas
apparentés selon les éleveurs. Nous avons pu analyser 90
individus dont 30 de Kebili, 30 de Médenine et 30 de Tataouine. Vu
l'absence de généalogie officielle, les animaux ont
été choisis des troupeaux les plus éloignés
possibles les uns des autres, en sélectionnant un nombre réduit
par troupeau (2 à 7 individus). Les populations étudiées
présentent potentiellement des origines communes et des échanges
du matériel génétique. La consanguinité et les
échanges auxquelles sont exposées ces populations, peuvent
induire une forte déviation de l'équilibre de Hardy Weinberg.
2- Prélèvement du sang
Le dromadaire est souvent difficile à maîtriser,
en particulier les mâles. Il peut être nécessaire, notamment
pour les prélèvements du sang, d'assurer une contention
sévère de l'animal (Photo 16). La position naturelle de repos du
dromadaire est celle dite du baraqué, l'animal étant placé
en décubitus sternal, les membres repliés sous lui. Le sang a
été prélevé sur des animaux adultes dans les
parcours et particulièrement dans les stations touristiques pour les
mâles dans la région de Kebili. Le prélèvement du
sang s'est fait sur l'animal baraqué cou tendu tiré vers l'avant
pour faciliter une stase veineuse et éviter tout risque. Faye (1997)
a
signalé que sur l'animal baraqué, la prise du
sang est rendue plus aisée sur le cou replié contre le corps de
l'animal. La zone de prélèvement sur la veine jugulaire est
facilement repérable surtout après une pression même
légère exercée à la base du cou ou à
mi-distance entre le thorax et la tête. Le point de
prélèvement le plus aisé est situé près de
la tête.
Photo 16 : Contention de l'animal et
prélèvement du sang
L'emploi des tubes stériles sous vide avec bouchons en
caoutchouc transperçable permet l'utilisation des aiguilles
stériles plus fines et moins traumatisantes pour l'animal. Le sang est
collecté dans des tubes contenant l'acide
éthylène-diamine-tétra-acétique
(EDTA) produit permettant la conservation des acides
nucléiques du sang pour une longue durée. Pour la collecte
proprement dite, l'aiguille est insérée dans la veine jugulaire
de l'animal, une fois l'aiguille est en place l'écoulement du sang
commence. L'aiguille est introduite dans le tube pour le rempli du sang (photo
16).
3- Extraction et évaluation de la qualité
et la quantité de l'ADN génomique
Le matériel biologique de base pour ce travail est
constitué du sang collecté dans des tubes EDTA puis
congelé à -20°C. Les leucocytes (globules blancs) sanguins
représentent la source majeure des acides nucléiques dans le
sang. L'extraction de l'ADN génomique a été faite à
partir de ce sang entier et congelé. Après une
décongélation on fait éclater les globules rouges du sang
par choc osmotique en les mélangeant à une solution hypotonique
ou solution de lyse de globule rouge (SLR). La récupération des
globules blancs est faite par centrifugation (photo 17). Un mélange de
détergent de Sodium Dodecyl Sulfate (SDS) est ajouté pour
détruire les membranes et de protéinase K pour digérer les
protéines associées à l'ADN. La purification de l'ADN de
protéines s'est faite par le chloroforme en ajoutant le sel (NaCl) pour
augmenter la force ionique puis on précipite l'ADN par l'alcool absolu
au froid. L'ADN se précipite sous forme de filaments (méduse),
visibles à l'oeil nu, qui sont récupérés dans un
tube eppendorf par une conne fixée sur une micropipette. La dissociation
de
l'ADN s'est faite dans une solution tamponnée et
conservatrice (TE) puis on le stocke à +4°C (voir le protocole
détaillé d'extraction d'ADN annexe1).
L'estimation de la quantité et la qualité d'ADN
étaient indispensables après son extraction. Elle s'est
effectuée par spectrophotométrie (photo 18) à une longueur
d'onde de 260 nm. Il était aussi également,
indispensable de mesurer l'absorption à 280 nm, afin de pouvoir
calculer le rapport (R) = DO260/DO280. Ce rapport renseigne sur la
pureté de l'ADN et sa contamination éventuelle par des
protéines. Un rapport compris entre 1,8 et 2 indique que l'ADN est
propre.
L'absorption se définit par l'unité de
densité optique (DO) mesurée à 260 nm. Une unité de
densité optique correspond à l'absorption d'une solution d'ADN
double brin à la concentration de 50 ug/ml ou à l'absorption
d'une solution d'ADN ou d'ARN simple brin à la concentration de 25
ug/ml. Par la suite la concentration de l'ADN est calculée de la
manière suivante :
1DO > 50 ug /ml
[ADN] = 50 x facteur de dilution x DO260
Facteur de dilution = Vf /Vi, Vf = 1990ul H2O + 10 ul ADN = 2000
ul, Vi = 10ul ADN
4- Dilution de l'ADN
Après avoir calculé la concentration de l'ADN
mère, et dans le but de les utiliser ultérieurement, nous avons
fait des dilutions selon la formule (1) :
c i vi = c f
vf ?
v =
i (1)
c i
c v
f f
Vi = Volume à prélever de l'ADN mère pour la
dilution
Cf = 10 ng /ul, Vf = 300 ml le volume suffisant pour les PCR
Ci = concentration initiale d'ADN mère
Donc la dilution s'est faite comme : X ul ADN + (300-X)
ul H2O, pour chaque échantillon.
5- Optimisation de la réaction PCR
Durant ces dernières années, les progrès
en biologie moléculaire notamment les études concernant le
matériel génétique grâce au développement de
la technique de polymérisation en chaîne (PCR) ont grandement
contribué au développement de la génétique
moléculaire dont les informations s'intègrent de plus en plus
aujourd'hui dans les schémas de sélection.
Cette technique permet d'amplifier des séquences d'ADN
et d'augmenter considérablement la quantité d'ADN dont on dispose
initialement. Elle nécessite de connaître la séquence des
régions qui délimitent l'ADN à amplifier. L'amplification
est réalisée dans des tubes PCR de 0,2 ml en utilisant un
thermocycleur Biorad (photo 19).
Les conditions d'amplification sont les suivantes : une
première dénaturation à 95°C pendant 10 minutes
suivie de 35 cycles successifs, chaque cycle comprend une succession de trois
phases : une dénaturation à 94°C (45 secondes), une phase
d'hybridation à la température optimale déterminée
entre 50-65°C (1 minute) selon l'amorce et une élongation à
72°C (1 minute). Enfin, une dernière étape
d'élongation à 72°C (15 minutes) est programmée et
une phase de refroidissement à 4°C. Ces conditions des cycles sont
celles utilisées par Mburu et al. (2003). Ainsi, l'optimisation
a été faite en fonction d'autres paramètres à
savoir la concentration et le volume. Le volume réactionnel
utilisé pour chaque échantillon est de 25 ul avec les
concentrations et les volumes des réactifs résumés dans le
tableau (8).
Tableau 8: Réactifs et paramètres
des réactions PCR pour chaque individu
Réactifs
|
Concentration initiale
|
Concentration finale
|
Volume à prélever (ul)
|
Tampon
|
5X
|
1X
|
5
|
MgCl2
|
25 mM
|
2,5 mM
|
2,5
|
dNTP
|
2 mM
|
0,2 mM
|
2,5
|
Amorce droite
|
20 uM
|
0,5uM
|
0,625
|
Amorce gauche
|
20 uM
|
0,5uM
|
0,625
|
Taq
|
5U/ul
|
1U
|
0,2
|
ADN
|
10 ng/ul
|
50 ng/ul
|
8
|
Total
|
|
|
19,45
|
H2O bidistillée
|
|
|
5,55
|
Total
|
|
|
25
|
Photo 17 : Centrifugeuse Photo 18 :
Spectromètre Photo 19 :
Thérmocycleur
6- Loci microsatellites étudiés
Dans le cadre de ce travail, 8 marqueurs microsatellites ont
été considérés pour caractériser la
variabilité génétique des dromadaires en Tunisie. Ces
marqueurs ont été choisis tout en considérant des
microsatellites retenus dans d'autres projets de recherche ainsi que certains
recommandés par la FAO (2004) pour analyser la diversité
génétique des camélidés. La liste de ces marqueurs
est reportée dans le tableau (9). Au total 8 paires d'amorces ont
été utilisées : CVRL01, CVRL02, CVRL05, CVRL06 et CVRL07
(Mariasegaram et al., 2002; Sasse et al., 2000), VOLP03 et
VOLP32 (Obreque et al., 1998) et YWLL02 (Lang et al., 1996).
Ils ont étudiés par PCR puis électrophorèse en gel
dénaturant de polyacrylamide (PAGE) à 6% qui permet de distinguer
les allèles en fonction de leur taille en utilisant un séquenceur
du type (Bio Rad: Sequi-Gen@ GT).
Tableau 9 : Caractéristiques des
microsatellites étudiées
Amorces
|
Séquences
|
Locus
|
Ta
|
A 1
A 2
|
5' GAA GAG GTT GGG GCA CTA C 3' 5' CAG GCA GAT ATC CAT TGA A
3'
|
CVRL01
|
57
|
A 3
A 4
|
5' TGT CAC AAA TGG CAA GAT 3'
5' AGT GTA CGT AGC AGC ATT ATT T 3'
|
CVRL02
|
60
|
A 5
A 6
|
5' CCT TGG ACC TCC TTG CTC TG 3' 5' GCC ACT GGT CCC TGT CAT T
3'
|
CVRL05
|
60
|
A 7
A 8
|
5' TTT TAA AAA TTC TGA CCA GGA GTC TG 3' 5' CAT AAT AGC CAA AAC
ATG GAA ACA AC 3'
|
CVRL06
|
60
|
A 9
A 10
|
5' AAT ACC CTA GTT GAA GCT CTG TCC T 3' 5' GAG TGC CTT TAT
AAA TAT GGG TCT G 3'
|
CVRL07
|
58
|
A 11
A 12
|
5' AGA CGG TTG GGA AGG TGG TA 3' 5' CGA CAG CAA GGC ACA GGA 3'
|
VOLP03
|
64
|
A 17
A 18
|
5' GTG ATC GGA ATG GCT TGA AA 3' 5' CAG CGA GCA CCT GAA AGA A
3'
|
VOLP32
|
66
|
A 19
A 20
|
5' GTG CAC TCA GAT ACC TTC ACA 3' 5' TAC ATC TGC AAT GAT CGA
CCC 3'
|
YWLL02
|
62
|
Ta : Température de fusion
7- Electrophorèse sur gel de
polyacrylamide
La résolution en gel d'agarose est satisfaisante pour
mettre en évidence l'ADN génomique, mais ne permettra cependant
pas d'avoir une sensibilité suffisante nécessaire pour
étudier le polymorphisme de l'ADN microsatellite. Les différences
attendues entre les fragments de loci amplifiés chez les
différents individus sont en effet minimes (quelques paires de bases),
il sera donc nécessaire d'augmenter la sensibilité de
discrimination. Pour cela, l'utilisation d'un gel de polyacrylamide augmentera
la résolution et la sensibilité de la lecture ce qui peut mettre
en évidence de très légères variations de poids
moléculaire, les fragments les plus lourds migrants moins vite. Tous les
individus sont alors criblés, par microsatellite. En effet,
l'étude de cette variabilité des poids moléculaires de ces
marqueurs renseigne sur la dynamique de la population: fréquence des
allèles, répartition plus ou moins homogène des variations
observées au sein des populations présentes dans les
différentes régions, diversité génétique. En
effet, la migration sur gel de polyacrylamide est une matrice de
séparation utilisée en électrophorèse verticale des
fragments d'ADN. Morgante et Olivieri (1993) ont signalé que cette
technique permet de séparer des fragments d'ADN même avec une
seule base nucléotidique de différence tel le cas des marqueurs
microsatellites. La solution de polyacrilamide à 6% de volume de 120 ml
a été préparée à partir d'une solution
à 40% d'acrylamide qui est l'unité de base et de bisacrylamide
(19 :1), urée et le TBE. Ces trois solutions sont mélangés
et chauffés jusqu'à la dissolution complète de
l'urée. La réaction de polymérisation proprement dite, se
fait grâce à l'ajout de deux substances réactives : le
TEMED et le persulfate d'ammonium. Le tableau (10) résume la composition
du gel :
Tableau 10: Composition du gel polyacrilamide
Produits ou solution stocks Quantité ou volume pour 120 ml
du gel
Acrylamide-bisacrylamide (38 :2) à 40 % 18 ml
Urée 50,2 g
TBE 5x 24 ml
TEMED 70 ul
Persulfate d'ammonium à 10% 400 ul
Le volume réactionnel final est ramené à
120 ml par l'ajout de l'eau distillée. La polyacrylamide est un gel
finement réticulé, que l'on fabrique au moment de l'emploi en
mélangeant de l'acrylamide (CH2=CH-CO-NH2), qui
polymérise en donnant des chaînes linéaires, et du
bis-acrylamide (CH2=CH-CO-NH-CO-CH=CH2) qui forme des ponts
entre
les chaînes, on obtient ainsi un réseau, dont les
mailles sont de taille variable en fonction des proportions d'acrylamide et de
bis-acrylamide utilisées, le gel obtenu se comporte donc comme un tamis
moléculaire (les macromolécules migrent d'autant moins vite
qu'elles sont plus grosses). La migration s'est faite comme dans le dispositif
(Photo 20) pendant 2 heures sous 75 wats. La coloration se fait selon les
étapes résumées dans le tableau 11 (Benbouza et
al., 2006).
Photo 20 : Dispositif de migration sur gel de
polyacrylamide
Tableau 11 : Etapes de la méthode de
coloration au nitrate d'argent utilisée (Annexe 2)
Etape Produits et quantités
1- Fixation 2 litres : 10% acide acétique sous agitation
douce pendant 20 min
2- Rinçage H2O froide trois fois
3- Imprégnation 2 g NO3Ag dans 2 litres d'eau plus 3 ml
de HCOH sous agitation douce pendant 30 min
4- Rinçage H2O froide une fois pendant 20 s
5- Développement 60 g Na2CO3 dans 2 litres d'eau, 3 ml
HCOH et 400 ul de (0,1 g Na2SO3 dans 1 ml H2O) pendant 2-5 min
6- Stop 10 % acide acétique pendant 5 min
7- Rinçage H2O 3 min
8- Méthodes statistiques et analyses
moléculaires
La diversité génétique au sein de la
population des dromadaires (Kebili, Médenine et Tataouine) a
été analysée entre et au sein de ces populations. Ces deux
niveaux d'analyse complémentaires ont mobilisé des outils
différents. Généralement, l'analyse de données
issues d'étude de polymorphisme de marqueurs de types microsatellites
nécessite une approche
statistique particulière. Avant de décrire les
paramètres de variabilité, il nous parait utile de rappeler le
principe de l'Equilibre de Hardy Weinberg utilisé comme
référence afin de bien comprendre les forces agissant sur les
structures génétiques des populations.
9- Loi d'Equilibre de Hardy Weinberg
L'équilibre de Hardy Weinberg demeure le modèle
central en génétique des populations. Sa mise en évidence
remonte au début du XXème siècle par un
mathématicien anglais G.H.Hardy et un médecin allemand et W.
Weinberg. Ce modèle stipule que : les fréquences
allèliques restent stables de génération en
génération dans une population diploïde idéale et ne
dépendent que des fréquences de la génération
initiale. La notion d'équilibre dans ce modèle repose sur les
hypothèses suivantes: i) la population est panmictique (croisement au
hasard, fertilité des gamètes et viabilité des zygotes
sont égales), ii) la population est de grande taille, iii) il ne doit y
avoir ni sélection, ni mutation, ni migration, et iv) les
générations ne sont pas chevauchantes (c'est-à-dire qu'il
n'y a pas de croisement entre individus appartenant à différentes
générations). En matière de conservation,
l'équilibre de Hardy Weinberg présente des implications
importantes. En effet, il est possible de prédire, dans une population
en équilibre de Hardy Weinberg, les fréquences des
différents génotypes à partir des seules fréquences
allèliques. De plus, la ségrégation mendélienne
aléatoire des chromosomes préserve la variabilité
génétique des populations. Puisque les fréquences
allèliques demeurent stables au cours du temps, une population
diploïde idéale n'évolue pas. Seules les violations des
hypothèses déjà mentionnées permettent un
changement des fréquences allèliques au sein de la population.
Une perturbation de l'équilibre de Hardy Weinberg donne des indications
sur la divergence génétique des populations. Celle-ci
dépend de quatre facteurs évolutifs i) la sélection, ii)
les mutations aléatoires, iii) la dérive génétique,
et iv) le flux génique (migration). Les trois premiers facteurs,
considérées comme des forces évolutives peuvent provoquer,
soit individuellement soit en combinaison, la différenciation des
populations. Par contre, le flux génique entre populations tend à
contrebalancer les processus de diversification et à causer une certaine
ressemblance génétique dans les populations. La
conséquence de l'action des facteurs évolutifs est de faire
varier le taux d'hétérozygotes de la population par rapport
à l'équilibre de Hardy Weinberg. Donc il est logique de
quantifier ces écarts entre le taux d'hétérozygotes
observés et le taux à l'équilibre.
Dans ce travail, on a utilisé la statistique ÷
2 pour tester si une population est en équilibre de Hardy Weinberg.
Cette statistique est basée sur la disparité des effectifs de
génotypes observés aux effectifs de
génotypes théoriques. Le calcul a été
effectué à l'aide du logiciel PopGene version 1.31 (Yeh,
1999).
10- Paramètres de la diversité
génétique
Le calcul des paramètres permettant de quantifier la
variabilité génétique intra et inter populations a
impliqué plusieurs logiciels.
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