3- Rôles de la biodiversité animale
Il est admis que l'agriculture contribue significativement
à la croissance économique et la sécurité
alimentaire dans le monde. Toutefois, l'agriculture joue aussi des rôles
essentiels dans le domaine de l'environnement ainsi que dans les domaines
social et culturel. Certains de ces rôles peuvent être
analysés en tant qu'externalités et en tant que contributions
à des biens ou services publics (loisir, etc.). Ces derniers
revêtent une importance capitale lorsqu'il s'agit d'appréhender
globalement le développement durable. Toutefois, ils sont restés
pendant longtemps négligés dans les politiques et les efforts de
développement.
L'émergence du concept de développement durable
et la tenue de la Conférence Internationale de Rio de Janeiro
(Brésil) en 1992, avec les conventions qui ont été
signées à cette occasion, constituent un tournant décisif
dans la prise de conscience de l'ensemble des rôles de l'agriculture. En
effet, en plus des rôles économiques et alimentaires
traditionnellement reconnus, les stratégies sur le développement
à long terme de l'agriculture ont commencé à
intégrer dans leurs fondements les autres rôles social,
environnemental et culturel du secteur agricole. Cette évolution notable
représente une reconnaissance explicite de la multifonctionnalité
des cultures et de l'élevage. Cette section présente les
fonctions que les animaux d'élevage assurent sur les plans
économique, alimentaire, environnemental et socioculturel dans le
contexte mondial.
3.1- Fonctions économique et
alimentaire
Les animaux domestiques contribuent de façon
essentielle à la production alimentaire pour 30 % de la valeur totale de
la production agricole et alimentaire (FAO, 1999). Ils sont,
particulièrement, indispensables pour les communautés rurales et
la durabilité des systèmes de production. L'importance des
animaux domestiques vient de leur capacité à convertir
fourrages et sous-produits de l'agriculture en nourriture de
haute qualité et de leur rôle en tant que source locale d'aliments
(protéines et micro nutriments), de fibres, de force de travail et
autres pour répondre aux besoins des communautés.
On estime que 12 % de la population mondiale vit dans des
zones où l'homme dépend presque entièrement des produits
issus de ruminants (FAO, 1999). Dans ces zones, le bétail constitue non
seulement une source d'alimentation, mais aussi la principale activité
génératrice de revenus, permettant ainsi aux populations de
s'approvisionner en biens de consommation alimentaire et en intrants agricoles.
Le bétail transforme le fourrage et les sous produits agricoles non
comestibles pour l'homme en produits agricoles ayant une importance
nutritionnelle. A titre d'exemple, environ 40 % des terres disponibles dans les
pays en voie de développement ne peuvent être utilisées que
pour une forme ou pour une autre de production fourragère.
3.2- Fonctions environnementales
Au delà des rôles économiques et
alimentaires, les ressources génétiques animales remplissent
aussi des fonctions environnementales. Il est à noter, pourtant, que les
externalités que l'élevage inflige à l'environnement sont
toujours perçues, analysées et évaluées sous
l'angle des incidences négatifs de l'élevage sur l'environnement
sans pour autant s'intéresser aux effets positifs et aux biens
d'intérêt public produits conjointement. Seré et Steinfeld
(1996) selon le degré d'intégration élevage-agriculture
ont classé les systèmes d'élevage en trois classes. Il
s'agit des systèmes pastoraux, mixtes et industriels.
Les systèmes pastoraux reposent sur la production
animale avec peu ou pas d'intégration avec l'agriculture exclusivement
sur l'utilisation des pâturages naturels. La dégradation des
ressources est un phénomène qui se développe actuellement
sur une grande partie des terres de pâturage. Néanmoins, ces
systèmes contribuent à l'enrichissement organique du sol et
offrent la possibilité d'améliorer la couverture
végétale ainsi que la biodiversité végétale
et animale. Dans ces systèmes, les déchets sont
réutilisés et ne présentent aucun fardeau pour
l'environnement.
Les systèmes les plus répandus sont les mixtes.
Ils sont généralement autosuffisants dans la mesure où les
flux d'éléments nutritifs et d'énergie transitent en
circuit fermé des cultures à l'élevage et vice versa.
Etant donné leur capacité de recyclage, ces systèmes sont
plus avantageux sur le plan des effets qu'ils peuvent provoquer sur
l'environnement et sur la protection des ressources naturelles.
Les systèmes industriels concernent plusieurs
espèces l'élevage. Mais ils sont jugés présentant
un impact direct sur les sols, l'eau, l'air et la biodiversité par la
production d'effluents, et la modification des ressources
génétiques animales qu'ils impliquent (ces systèmes
industriels s'intéressent à des races homogènes aux
caractéristiques génétiques, ce qui favorise un
appauvrissement de la diversité).
3.3- Fonction socioculturelle
Le rôle social des Ressources Génétiques
Animales porte sur la réduction de la pauvreté et par
conséquent la réduction des flux d'immigration inter et intra
pays. A l'échelle mondiale, plus de 1,3 milliards de personnes (environ
30% de la population des pays en voie de développement vivent en dessous
du seuil de pauvreté). Trois quarts des pauvres sont des ruraux. Selon
les projections des Nations Unies, la population mondiale va atteindre
près de 8 milliards de personnes à l'horizon 2020. Ces
projections correspondent à un taux de croissance annuel moyen de 1,2 %
pour la période s'étalant entre 1995 et 2020. Les
approvisionnements alimentaires doivent alors augmenter, au moins, à un
niveau similaire pour maintenir les rythmes de consommation alimentaires
courants par personne.
Environ 95 % de l'augmentation prévue de la population
se produira dans les pays en voie de développement qui doivent faire
face à une demande en expansion des produits de consommation de base.
Pour ces pays, les prévisions des accroissements des niveaux de
consommation sont estimées à 114 % et 133 % respectivement pour
la viande et le lait, alors que pour les pays développés, les
projections demeurent marginales (Rege et al., 2003). Pour satisfaire
cette demande en expansion (ILRI, 2000) a estimé que la production
devrait augmenter de 108% pour la viande et de 145% pour le lait. Dans les pays
en voie de développement, les systèmes d'exploitation mixtes sont
prédominants et concernent surtout la population rurale pauvre.
Certaines estimations considèrent que 70% des pauvres ruraux
dépendent, directement ou indirectement, des activités
d'élevage (FAO, 1999). L'accès à la terre et au capital
constitue la principale contrainte qui limite les opportunités
d'accroissement des revenus de la population rurale pauvre. L'augmentation de
la demande des produits d'élevage, suite à l'accroissement de la
population, leur offre une opportunité pour bénéficier de
retombées positives d'un marché en expansion (ILRI, 2000).
Les Ressources Génétique Animales jouent aussi
un rôle d'épargne pour le financement de la production agricole
(achat de semences et d'autres intrants agricoles) et permettent de maintenir
et de renforcer les relations sociales. Dans les zones
caractérisées par une absence
de systèmes financiers, l'investissement dans le
capital animal constitue une forme sûre et durable pour maintenir
l'équilibre et la reproduction des systèmes de production
agricoles.
Pour ce qui est de la composante culturelle des Ressources
Génétique Animales, elle se manifeste par plusieurs formes. En
effet, certaines races locales ont des fonctions culturelles tels que les
fêtes religieuses et les dots. A titre d'exemple, dans les pays
musulmans, l'espèce ovine tient une place dans le calendrier rituel des
musulmans et notamment pour le sacrifice d'Aid al-Adha (fête religieuse)
qui perpétue le geste d'Ibrahim.
Dans les pays développés, la possession et
l'élevage des animaux domestiques sans objectifs strictement utilitaires
ne sont pas récents. Les animaux de compagnie sont
particulièrement développés de nos jours, ceux d'ornement
ont souvent une longue tradition, quoique de nouvelles espèces soit
apparues à l'époque moderne. Les animaux peuvent être les
supports d'une activité sportive, ce qui est le cas des chevaux depuis
l'antiquité (souvent en association avec la chasse). On note encore
d'autres destinations des animaux domestiques comme le spectacle, le paysage,
la gastronomie, le folklore voire même les formes d'expressions
artistiques (Gandini et Villa, 2003).
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