CHAPITRE II : IMPORTANCE DE L'ELEVAGE CAMELIN ET
SYSTEMES DE PRODUCTION
1- Introduction
Lhoste (2004) a rapporté que les zones sèches
représentent de très vastes étendues dans le monde et
elles couvrent près de 40 % de la surface globale des terres
émergées, elles sont souvent consacrées principalement
à des activités pastorales. L'élevage des herbivores
domestiques, dans des systèmes pastoraux extensifs, y joue en effet un
rôle essentiel pour exploiter des ressources naturelles limitées
et pour permettre la survie des populations concernées. Ces
régions sont aussi sujettes à des évolutions importantes
liées à l'accroissement démographique humain et animal et
aussi à divers enjeux économiques et politiques. La pression
anthropique et les charges animales tendent en effet à y augmenter
rapidement malgré la précarité et la fragilité des
ressources naturelles, entraînant un impact parfois négatif sur
l'environnement. C'est pourquoi les menaces de désertification sont
particulièrement aiguës dans ces régions. Ces zones font
aussi l'objet de compétitions quand à l'utilisation des
ressources naturelles entre différents groupes (conflits
éleveur-agriculteur et fonciers, etc.). Ce qui constitue, une autre
source d'insécurité qui s'ajoute au risque climatique et
écologique pour les sociétés pastorales. Par ailleurs, Le
Houerou (2005) a signalé que la viabilité des activités
pastorales dans ces zones sèches pose des problèmes de nature
diverse politique, sociologique, agraire, commerciale, économique,
organisationnelle, législative, technique et environnementale. Ce
chapitre est consacré aux aspects relatifs à l'importance du
dromadaire et aux systèmes d'élevage camelin.
2- Importance socio-économique du
dromadaire
Le secteur de l'élevage constitue en Tunisie un pilier
essentiel de l'économie nationale, à travers la création
d'emplois et surtout la satisfaction des besoins en produits animaux des
populations rurales et urbaines. L'élevage représente la part la
plus importante de la production agricole. Il a contribué en 2001 pour
37,5% de la valeur de la production agricole totale (Ministère de
l'agriculture, 2001). Cet élevage a toujours représenté un
important moyen de subsistance pour les populations des régions
sèches. En effet, l'élevage du dromadaire a joué un
rôle important dans la vie sociale et économique de populations
des zones arides et désertiques d'Afrique et d'Asie. L'image du
dromadaire, reste symbole de la
survie de l'homme dans le désert, est attachée
à l'histoire des grandes civilisations nomades des régions
sèches et chaudes caractérisées par une longue
période défavorable souvent supérieure à huit mois
et par des précipitations rares et faibles comprises entre 50 et 550 mm
par an. Le dromadaire représente l'un des fondements de la culture et de
l'agriculture des sociétés concernées. D'une
manière générale, le dromadaire est très
estimé et il représente pour son propriétaire la
concrétisation de sa réussite sociale (Ramet, 1993).
L'élevage camelin a connu un essor important avec le transport
caravanier qui lui a valu la dénomination de "vaisseau du
désert". Cependant, en raison des progrès réalisés
dans la mécanisation et la sélection génétique chez
les autres ruminants, l'élevage camelin fut non rentable et
abandonné dans plusieurs régions. Néanmoins, durant ces
dernières décennies, avec la sécheresse et
l'avancée du désert, l'élevage du dromadaire ne cesse de
progresser et les effectifs augmentent régulièrement. Pour bien
appréhender l'importance numérique du cheptel camelin, il peut
être utile de le rapporter à l'ensemble du cheptel d'herbivores
domestiques (bovins, ovins, caprins, et camelins) comme est consigné
dans le chapitre précèdent. Ainsi, si on considère le
poids total des herbivores domestiques ou la Biomasse d'Herbivores Domestiques
(BHD), la part représentée par les dromadaires selon (Wardeh,
2004) est plus de 26 % de la BHD en Mauritanie, 42 % en Somalie et de 37 % aux
Emirats Arabes Unis. Dans les deux premiers pays, les dromadaires ont maintenu
leur rôle socio-économique important et constituent une grande
part des exportations animales. Alors que, aux Emirats Arabes Unis, les
dromadaires sont devenus insignifiants économiquement en comparaison
avec le secteur pétrolier, mais restent signifiant en terme social. En
revanche, les dromadaires ne représentent que 10 % de la biomasse
animale au Niger, 11 % au Soudan, 16 % dans le Royaume de l'Arabie Saoudite, et
9 % en Tunisie. La biomasse de dromadaires dans les autres pays est audessous
de 10 %.
Les atouts du dromadaire ne se limitent pas seulement à
la dimension socioéconomique, car cet animal joue aussi un rôle
d'équilibre écologique important dans les
écosystèmes arides et semi arides.
3- Importance écologique du dromadaire
La présence des dromadaires est nécessaire au
maintien de l'équilibre écologique des zones pastorales arides et
à la préservation de certains écosystèmes,
grâce à leurs atouts spécifiques :
La morphologie et la physiologie du dromadaire lui permettent
de s'adapter avec les écosystèmes désertiques (Narjisse.,
1989). En effet, ses soles plantaires, mous et plats, préservent la
structure des sols et leur piétinement a une faible incidence sur le
couvert végétal contrairement aux autres ruminants qui
possèdent des sabots durs. Le dromadaire, par son mode de
préhension, évite le surpâturage. Ainsi, il contribue
à conserver les écosystèmes extrêmement fragiles que
sont les déserts.
Le dromadaire s'accommode des ressources alimentaires de
faible valeur pastorale. Il ménage la végétation
grâce à son broutage rationnel et par les
prélèvements sélectifs des espèces et de
très faible quantité de prises. Il peut également
valoriser des plantes ligneuses et épineuses rejetées par les
autres herbivores bien que les prises soient lentes et de faible
quantité. Ceci permet le maintien de certaines espèces
végétales capables de stabiliser et de fixer les dunes et de
lutter ainsi contre l'ensablement. Ould Taleb (1999) a raconté que les
dromadaires transportent les semences extrêmement loin. L'auteur a
constaté des plants de plusieurs genres pousser sur les crottes de
dromadaire. Se déplaçant sur de longues distances, le dromadaire
comme beaucoup d'herbivores véhicule ainsi les semences plus loin que
leur lieu d'origine et par conséquent, il participe à la
dissémination des graines de certaines espèces pastorale. Il est
aussi l'animal qui consomme le moins alors que les réserves d'eau
commencent à être un problème mondial. Ceci
représente un atout majeur sur le plan écologique. Le dromadaire
est, sinon utile pour lutter contre la désertification, du moins ne la
favorise-t-il pas vu le caractère extensif de son élevage
traditionnel, à l'inverse des troupeaux de bovins, de caprins et
d'ovins, beaucoup plus destructeurs de couvert végétal
(piétinement, broutage, etc.).
Le dromadaire peut rester de longues périodes sans
boire et peut de ce fait pâturer à des endroits où l'herbe
est abondante mais où les points d'eau font défaut. Cela permet
au dromadaire de se déplacer sur un rayon de plus de 80 km autour d'un
point d'eau contrairement aux bovins qui sont contraints, eux, de se tenir au
maximum à 40 km d'un puits du fait de leurs abreuvements
rapprochés (environ tous les 2 jours au maximum). Cette aptitude
évite la concentration du cheptel camelin aux alentours des puits et
dans les parcours d'où une meilleure répartition de l'habitat en
dehors de la saison sèche qui entraîne un effet
bénéfique sur la végétation des zones non
pâturées.
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