2.2. Les Pouvoirs publics et la vente illicite du
medicament:
De la complaisance à la complicite de l'Etat
Le 22mai 2007 lors des journées pharmaceutiques, le
Ministre de la Santé et de la
Prevention Médicale (MSPM), parlant de la vente illicite
des m édicaments affirme que cÕest un phénomene
mondial. Ce qui suppose une approche multisectorielle de lutte et des
moyens importants pour éradiquer le phénomène
classé parmi les plus grands crimes à cTMte de la
drogue85. Par ailleurs, le Directeur de
cabinet du ministre de la Santé et de la Prevention Médicale
ne manque pas lui aussi de décrier lÕattitude des vendeurs de
médicaments
illicites. Pour lui, les vendeurs sont des personnes mal
intentionnées. Il soutient que la vente illicite des medicaments,
cÕest un vol. Toute vente illicite est un vol. CÕest de la
malveillance. CÕest à la limite un manque de civisme reel
dÕautant plus que les personnes à qui on vend ces produits, on
les expose. Il nÕy a plus de conservation normale des produits, il
nÕy a
84 Directeur de la pharmacie et des laboratoires.
85 Le Soleil, 23 mai 2007.
plus de politique de qualification, il nÕy a plus
un minimum de sécurité pour vraiment vendre ces produits. Or,
aujourdÕhui, le gouvernement est en train de mettre en place beaucoup de
moyens pour faciliter lÕacces aux medicamentsÉ Je me pose
toujours cette question ; pourquoi moi, je viens dans une pharmacie, je vole
les medicaments dÕautrui et je les vends dans le marché noir ?
Pourquoi moi on me donne des produits que je dois donner gratuitement parce que
je suis délégué medical je les vends. Il ajoute en
ces termes que : le gouvernement est en train des prendre les mesures
nécessaires pour éradiquer ce probleme. Sous peu de
temps,
vous verrez les actions que nous allons
mener86. Toutefois, cette position ambivalente sinon ambigu`
des pouvoirs publics sur le commerce illicite du medicament est
décriée par les pharmaciens qui pensent quÕils sont
regardants et à la limite complices. Pour eux, que lÕattitude des
autorités publiques semble militer en faveur du commerce illicite des
médicaments car elle nÕest pas de nature à lutter contre
cette pratique. Ils soutiennent que les pouvoirs publics nÕaffichent
aucune volonté politique pour lÕéradiquer bien
quÕils soient sensibilisés sur les consequences du
phénoméne. Les autorités ne sont pas assez
réceptives, ils se demandent sÕil nÕy a pas des
intérêts à sauvegarder par les autorités publiques
?
Pour madame M. I, malgré la mise sur pied, par
lÕancien premier ministre (Macky Sall) depuis lÕannée
2005, dÕun Comité de lutte contre la vente illégale des
médicaments, le phénoméne persiste parce que le
Comité nÕest pas fonctionnel. Pour elle, les mesures prises
par lÕEtat sont ponctuelles voire inefficaces pour eradiquer ce
commerce illicite. DÕautres pharmaciens soutiennent que lÕEtat
est complice, complaisant face à cette pratique. Et, certains pensent
quÕil y a des implications politiques entre le pouvoir temporel et le
pouvoir spirituel. Selon le Vice président du syndicat des
pharmaciens, lÕEtat est laxiste et immobiliste87
devant la vente illégale des médicaments.
P. A : Les autorités sont complaisantes. Tout le
monde sait que cÕest illegal. Nous -memes nous sommes au courant de
Ç Keur Serigne bi È à plus forte raison que lÕEtat.
Si on vendait de la drogue on serait traqué. Peut etre sÕils
vendaient de la drogue eux, ils seraient pris.
86 Enquete mémoire 2007.
87 Enque-te Memoire, 2007.
Pour certains, cette complaisance est synonyme
d'irresponsabilité de la part de l'Etat qui ne remplit plus sa mission
régalienne.
P.O : Un ministre nous a dit: Ç écoutez
ça, ça date depuis Senghor. Senghor ne l'a pas
réglé, Abdou Diouf ne l`a pas réglé, Abdoulaye Wade
n'en parle pas, ce n'est pas moi petit ministre qui va
leréglerÈ.
M.X: Depuis l'ancien régime jusqu'à nos
jours, les gens sont allés à plusieurs reprises voir le ministre
de la santé pour discuter avec lui... La preuve Issa MBAYE Samb, il est
ministre, iine peut pas dire qu'il ne connaitpas les
réalités; nous sommes de la même corporation ; tu ne l'as
jamais entendu mener une action dans ce sens. Donc les gens regardent.
Selon P. C: Les autorités ont montré leur
irresponsabilité. On a Ç Keur Sergine bi È non loin de
chez A. Wade. Si au vu au su et au dessus de l'administration, les mourides qui
sont à Ç Keur Sergine bi È arrivent à vendre des
médicaments; cela veut dire que l'Etat n'a pasjouer son rTMle. L'Etat a
une grande part de responsabilité sur le développent du
marché illicite.
Par ailleurs, d'autres pensent que c'est l'informel
qui est en train de s'ériger en règle dans tous les secteurs
à cause du non respect des lois et règlements qui
régissent la vente de médicaments. Nous sommes dans une
jungle oil les forts dévorent les faibles. C'est l'anarchie
88
totale personne ne respecte l'autorité. Par exemple
les Dakar DEM -DIKK , ils ont leur arrêt- b us mais les cars rapides y
stationnent. Qui sont ces gens ? Ce sont ces gens de l'informel. Vous qui
faites de la sociologie vous avez de la matière, je sais que chaque jour
vous pouvez être inspiré par un sujet à Dakar. Tu ne vois
rien de formel ici. Mais ce n'est pas une raison, il faut un Etat fort qui
réorganise, qui sanctionne. On ne gère pas un pays par des
sentiments.
Les pharmaciens n'approuvent nullement la posture de l'Etat
sur le commerce illégal de médicaments car, les pouvoirs publics
n'affichent aucune volonté tendant à éradiquer cette
pratique soutiennent-ils.
La position de l'Etat par rapport à la pratique est de
nature à formaliser l'informel et décriminaliser la vente
illicite des médicaments si l'on sait que les vendeurs ne redoutent pas
beaucoup la répression car certaines forces de l'ordre supposées
réprimer ce trafic s'en mélent souvent.
88 Dakar DEM-DIKK est une société de
transport.
Les autorités publiques mélent ainsi condamnation
et tolérance à tel enseigne que les vendeurs de ÇKeur
Serigne biÈ se trouvent autorisés à persister dans la
pratique.
|